Après le Covid-19, scrutin à risque pour Macron

Second tour des municipales en France

Colères sociales et critiques sur la gestion de la crise du coronavirus : le parti d’Emmanuel Macron se prépare à un revers aux élections municipales ce dimanche, une situation épineuse de plus pour le président français à deux ans de la fin de son mandat et qui alimente des spéculations sur un remaniement gouvernemental.

Les Français iront-ils voter malgré l’inquiétude persistante sur la situation sanitaire ? Mi-mars, à quelques jours du confinement, seuls 44,3% d’entre eux s’étaient déplacés au premier tour, une dégringolade historique.

Les opérations de vote pour le second tour, organisées avec des précautions sanitaires exceptionnelles, ont démarré à 6h00 GMT (08h00 locales).

«Si on peut aller faire ses courses, pourquoi on ne pourrait pas aller voter ?», lance Martine Legros, une électrice de 67 ans dans un bureau de vote à Dijon (centre-est). Adjointe à la mairie socialiste de la ville, Elisabeth Revel demeure toutefois sceptique sur la participation. «Il y a eu trop de temps entre les deux tours. Les gens sont en dehors de cette élection», confie-t-elle à l’AFP.

La France, durement frappée par le nouveau coronavirus, a enregistré plus de 29.750 décès depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Le second tour des municipales a ainsi été reporté en Guyane française où la situation de l’épidémie reste, selon le gouvernement, «extrêmement préoccupante».

Cette abstention massive mi-mars n’avait pas vraiment favorisé le parti présidentiel, la République en Marche (LREM). Distancé à Paris et Marseille ou Lille, forcé à des alliances avec la droite à Lyon ou Bordeaux, il n’est en position de force dans aucune ville majeure pour le second tour.

«Le problème est que LREM est un parti neuf qui n’a pas d’enracinement local et qui a du mal à s’imposer comme une force. En plus, il a brouillé son image en contractant des alliances à gauche mais surtout à droite après le premier tour», pointe pour l’AFP Jean Garrigues, historien et enseignant à l’université d’Orléans (centre).

«Peut-être la défiance va s’exprimer encore plus par l’abstention que par le vote anti-Macron», ajoute t-il.

Leur objectif – 10.000 places de conseillers municipaux sur les 535.000 que compte la France – est un révélateur de ses faibles ambitions.

Même au Havre, ville portuaire de l’ouest du pays, le Premier ministre Edouard Philippe qui avait pourtant laissé de côté l’étiquette LREM n’est pas certain de l’emporter.

Sa défaite contraindrait probablement Emmanuel Macron à un remaniement ministériel. Une situation paradoxale à l’heure où le président a cristallisé les critiques sur la gestion de la crise du coronavirus et où son Premier ministre le dépasse largement dans les études d’opinion.

Le président français, qui consulte à tout va mais ne laisse rien filtrer de ses intentions, détient seul les clés d’un éventuel remaniement.

Reste à savoir également à quel point ce scrutin peut avoir un impact sur la deuxième partie du quinquennat d’Emmanuel Macron qui a laissé entendre que la crise du coronavirus allait changer profondément les choses et dit qu’il lui fallait «se réinventer».

Ces dernières semaines, plusieurs défections de députés ont fait perdre à LREM la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Et une débâcle dimanche pourrait fragiliser un peu plus cette majorité affaiblie voire réveiller certaines ambitions en vue de la présidentielle de 2022.

«Lorsqu’on a une conception du pouvoir qui est très verticale, et très personnelle finalement, on peut imaginer qu’il n’a pas envie d’avoir un parti qui soit un boulet au pied», explique Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès.

Dans les cortèges du mouvement social des «gilets jaunes» en 2018-2019 ou des manifestations contre la réforme des retraites l’hiver dernier, c’est d’ailleurs cette conception verticale du pouvoir qui était largement critiquée.

Probablement soucieux d’évacuer au plus vite cet encombrant scrutin, Emmanuel Macron a d’ores et déjà prévu de s’exprimer le 29 juin.

Il donnera ses premières réponses aux propositions formulées par la Convention citoyenne sur le climat, une assemblée de 150 citoyens tirés au sort pour redonner des couleurs à la démocratie directe dans le pays.

(AFP)

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