Il est temps de consulter son médecin traitant

Ramadan et santé

Ouardirhi Abdelaziz

Chaque année, à l’approche du mois de Ramadan, de nombreuses personnes se posent nombre de questions pour savoir si leur état de santé est compatible avec la pratique du jeûne de ce mois sacré. Si pour un jeune, adulte sain, le jeûne ne présente aucune difficulté, il en va autrement pour les personnes âgées, et les patients qui souffrent de maladies chroniques et qui doivent suivre des traitements prescrits par leurs médecins.

A ce sujet,  nous présentons quelques conseils à respecter pour passer un bon ramadan.

Le prophète Sidna Mohamed a dit ; « Jeûnez, vous acquerrez la santé ! » (Rapporté par Ibn Sounny, Abou Naïm et Hassan Elsiout). Le jeûne du mois de Ramadan est l’un des cinq piliers de l’islam. C’est le mois de la révélation du saint Coran caractérisé par des prières, de dévotion, de la charité, de la solidarité, où chaque personne pratiquante entretient une grande dimension spirituelle avec notre créateur. De ce constat, nous en sommes tous conscients et nous rendons grave à Dieu pour tous ses bienfaits, et nous devons prendre soin de notre santé, de celle de nos enfants, de nos parents, grands-parents et des personnes souffrantes.

Le mois sacré de Ramadan 2021 intervient à un moment particulier de notre existence, marquée par l’épidémie de Covid et les nouveaux variants qui sont plus dangereux, plus virulents, plus contagieux. Ce qui bien entendu demande plus d’attention de la part de tout le monde.

 Eviter de mettre sa santé en danger

Cette année et selon toute vraisemblance,  le premier jour du Ramadan  correspondra au mercredi au 14 avril 2021. Qui dit Ramadan, fait automatiquement référence au jeûne, qui naturellement signifie une abstinence, une interdiction de tout apport alimentaire et hydrique du lever au coucher du soleil. Ce qu’on oublie souvent de préciser, c’est que ces interdictions s’étendent également à toutes les prises médicamenteuses orales, particulièrement quand il s’agit de malades cardiaques, hypertendus, diabétiques, cancéreux, ou en cas d’insuffisance rénale chronique …Si les personnes bien portantes ne semblent pas à risque de présenter des complications durant ce jeûne, il en va autrement de celui qui est  porteur d’une maladie chronique, qui ne veut rien entendre et qui tient à  jeûner quel qu’en soit le prix   .

Il s’agit dans la majorité des cas de personnes âgées, femmes enceintes, malades connus et suivis, qui devraient en toute bonne logique, et dès à présent consulter leurs médecins avant le début de Ramadan.

Ces personnes doivent comprendre qu’elles peuvent mettre leur santé en danger, en s’abstenant de manger, de s’hydrater, de prendre leurs médicaments. Dans bien des cas, on les retrouve au niveau des urgences ou services de réanimation, hospitalisées avec des complications dès la première semaine du mois de Ramadan.

C’est notamment le cas de nombreux malades diabétiques, qui en temps normal loin du mois de Ramadan, sont suivis régulièrement par leurs médecins traitants, qui les voient au moins une fois tous les trois mois. Ces patients risquent moins de complications aigües en ayant un suivi médical personnalisé. Ceci est en partie corroboré par notre propre expérience au sein du service de médecine, unité de diabétologie  de l’hôpital Bouafi durant plus de 20 ans.

Intérêts de consulter le médecin traitant

Quand on est soucieux de sa santé ou de celle des membres de sa famille, on doit toujours anticiper, particulièrement quand on a une personne âgée diabétique qui vit avec nous sous le même toit. Celle-ci doit faire l’objet de toutes les attentions. C’est encore plus vrai quand il est question pour ces personnes de pratiquer le jeûne du mois de Ramadan. Eu égard à leur état de santé, à leur âge avancé, aux conditions physiques limitées, ces personnes ne jeûnent pas comme les autres, une situation qui est très mal vécue par ces dernières, qui éprouvent une honte, un mal-être lié à l’isolement social, familial du fait de ne pas jeûner convenablement.

On doit comprendre le dilemme que vivent ces personnes, qui sont tiraillées par l’ardent désir de pratiquer le jeûne de Ramadan comme le stipule le Coran, particulièrement une personne âgée pieuse. On ne badine pas avec le jeûne qui fait partie des 5 piliers de l’Islam, ce qui donne toute son importance au mois sacré de Ramadan. Et combien même cette pratique représentera un danger pour la santé ou entraine des complications, rien n’arrêtera celle ou celui qui désire par dessus tout pratiquer le jeûne de Ramadan.

Avant le début du Ramadan

Mais avec une approche sereine, claire, objective, convaincante,  le médecin  arrive toujours à faire changer d’avis les plus récalcitrants, en les amenant à consulter, à parler en toute confiance avec  lui avant le Ramadan. Il s’agit donc pour le médecin d’agir avec tact, doigté, dextérité, pour permettre au patient de s’exprimer en toute confiance, et surtout de convaincre le malade que ce qui importe le plus, c’est avant tout sa santé, son bien-être et sa sécurité.  

Cette consultation avant le jeûne du mois de Ramadan est très importante, car elle permet d’anticiper tout incident ou accident. Le médecin fera un examen clinique à la recherche d’une éventuelle complication, à savoir une hypertension artérielle, une atteinte rénale, une atteinte ophtalmique ( rétinopathie ). Pour la sécurité du patient, il demandera un bilan sanguin; une glycémie, une hémoglobine glyquée( glucose de 3 mois ), une créatinine ( fonction rénale ), l’objectif étant de déceler d’éventuelles complications….Apres les résultats de tous ces examens,  le médecin pourra décider si son patient pourra jeuner ou non,  et discutera aussi du traitement, du suivi glycémique, de l’observance thérapeutique.

Par la même occasion, le médecin donnera des conseils hygiéno-diététiques pour minimiser les risques liés au jeûne. Mais dans la pratique ce n’est jamais aussi facile.

Accompagner les malades tout au long de ce mois sacré

Dans ma pratique au sein des hôpitaux et à l’occasion de chaque mois sacré de Ramadan, j’ai toujours été frappé par la réaction, le comportement de certains malades très diminués physiquement et psychologiquement, qui se faisaient un point d’honneur pour pratiquer le jeûne, et ce malgré tout ce que leurs médecins traitants pouvaient leur dire.

Ne pas jeûner pour certains malades diabétiques équivaut à une sorte de reniement de la foi, de la religion. Par conséquent, ils se sentent exclus par leurs proches, amis. Sans parler des ragots et autres commérages.

L’islam ne dit pas cela : c’est la religion de la tolérance, du pardon, de la facilitation.

Le coran est clair au sujet des personnes malades et celles dont les capacités physiques ne peuvent pas leur permettre de jeûner. Tous les ulémas sont unanimes pour dire que dès lors qu’une personne est malade, ou présente une faiblesse manifeste pouvant mettre en jeu sa vie, celle-ci est exempte. C’est pour toutes ces raisons, mais aussi à cause des conséquences néfastes qui peuvent en découler et où le pronostic vital peut être engagé pour certains diabétiques, qu’aujourd’hui, nombreux sont les praticiens spécialistes de la maladie diabétique, qui au lieu d’interdire le jeûne à leurs patients diabétiques préfèrent les accompagner tout au long de ce mois. C’est en partie ce qui justifie la nécessité d’intégrer le côté positif du jeûne dans le bien-être du patient, ainsi qu’à l’inverse, le mal être, l’isolement, la honte que le patient ressent lorsqu’ils ne jeûnent pas. En effet, qui de nous n’a pas assister un jour ou l’autre à une réaction douloureuse que ressent une personne affaiblie par la maladie et qui ne peut pratiquer le jeûne de Ramadan…

Le jeûne n’est qu’une des facettes du mois de Ramadan

Durant ce mois, le croyant doit se rapprocher de Dieu par son comportement et ses prières et pas seulement par le jeûne. C’est un acte de foi. Il met en valeur la notion de communauté, de générosité, de partage et de remède contre l’égoïsme. C’est le mois du pardon, de la récompense et de la miséricorde de Dieu. Un mois dont le début est miséricorde, dont le milieu est pardon et la fin affranchissement du feu de l’enfer. Le jeûne du mois de Ramadan est bénéfique, tant sur le plan spirituel, physique, psychologique que social et économique. Il a des effets médicaux importants, dans le domaine hormonal, de l’hydratation, sur le transit, dans le domaine psychologique également. Ce sont des aspects fondamentaux scientifiquement prouvés. En effet, toutes les recherches et études entreprises dans le but de déterminer l’efficacité et l’innocuité du jeûne sur la santé ont démontré des résultats positifs dans le traitement de nombreux troubles, notamment l’intolérance alimentaire, l’hypertension, l’insuffisance cardiaque congestive, l’eczéma, le psoriasis, la pancréatite aiguë, l’arthrite rhumatoïde, la goutte, le rhumatisme et certaines maladies psychosomatiques.

Comme on peut le constater, le jeûne du Ramadan est une formidable école de patience et d’endurance permettant aux croyants de renforcer leur personnalité tout en les rendant plus sociables et plus agréables.

Pour finir, il est important de rappeler une fois de plus l’aspect fondamental concernant le jeûne de ce mois de Ramadan.

Il s’agit  pour certains malades, dont  des diabétiques, des patients atteints d’hypertension ou d’asthme, d’insuffisance rénale ou hépatique, ainsi que les personnes fragiles, les femmes enceintes, les personnes âgées, qui tiennent à observer le jeûne de ce mois sacré de Ramadan , malgré tous les risques pour leur santé, de se faire consulter au moindre signe anormal.

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