La loi Alimentation n’a pas profité aux producteurs

Négociations commerciales

Pas de relations apaisées entre producteurs, industriels de l’agroalimentaire et distributeurs, pas non plus de « ruissellement » de richesses dans les cours de ferme: l’édition 2020-21 des négociations commerciales, très tendue, s’achève lundi, et semble loin de l’esprit des Etats généraux de l’alimentation.

De nombreux accords ont certes été conclus sur les prix des produits qui seront vendus cette année en grande surface. Mais ces discussions se terminent dans une ambiance souvent houleuse.

Comme à l’accoutumée, les agriculteurs ont accusé les supermarchés de tirer les prix à la baisse, ces derniers ont dénoncé les hausses de tarifs demandées par les agro-industriels (laiteries, biscuiteries, salaisons, producteurs de conserves ou de plats préparés…). Lesquels, jugés peu transparents sur leurs marges, ont critiqué à leur tour les distributeurs.

Quant au gouvernement et aux services de l’Etat, notamment la Direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ils ont tenté tant bien que mal de rappeler chacun à ses responsabilités et ont multiplié les contrôles – voire les amendes – pour limiter les manquements.

Mi-février, c’est Intermarché qui a été assigné pour « pratiques commerciales abusives » de ses centrales d’achat internationales, le ministère de l’Economie demandant une sanction spectaculaire de 150,75 millions d’euros. Le distributeur, qui entend « contester » cette assignation, défend ses négociations, « menées au service de la défense du pouvoir d’achat des consommateurs ».

Pas de quoi apaiser le monde agricole, qui a manifesté devant des grandes surfaces et des préfectures. « Les indicateurs sont au rouge vif dans de nombreuses filières! », a prévenu le syndicat agricole majoritaire FNSEA.

Emmanuel Macron a estimé qu’il était nécessaire de « se battre pour le juste retour de la valeur chez les producteurs ». C’était tout l’enjeu de la loi Alimentation (EGAlim) portée par le gouvernement en début de quinquennat. Mais le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a dû reconnaître qu’elle était loin d’avoir atteint ses objectifs.

« Les négociations se passent tout à fait normalement, il n’y a pas de problèmes particuliers », a assuré jeudi le directeur financier de Casino, David Lubek, assurant travailler « comme tous les ans sur les enjeux de soutenabilité, dans une logique de préservation des filières agricoles ».

« Les tensions ont été cette année un peu exacerbées », souligne de son côté l’ancien patron de Système U Serge Papin, dans un contexte d’inquiétudes sanitaires, économiques et de flambée des prix des matières premières.
Mandaté par le gouvernement pour tenter de « réconcilier » les différents acteurs, il est, auprès de l’AFP, catégorique: « le moment est venu de bifurquer et de changer les règles du jeu » pour préserver la production agricole, donc « la souveraineté alimentaire de la France ».

Julien Denormandie entend réunir les représentants de chaque secteur « à partir de la fin mars », une fois l’émotion retombée, pour commencer des négociations d’un autre type, sur les préconisations de Serge Papin qui propose « la sortie du système de négociations annuelles, au bénéfice de contractualisation pluriannuelle ». Dimanche matin, M. Papin a appelé à une « paix des braves » sur France Info pour tenter de rapprocher les uns et les autres.

Un accord est-il possible? M. Denormandie a agité la menace d’une nouvelle loi, si un accord n’est pas trouvé, même si le calendrier législatif semble déjà bien encombré d’ici à 2022. « Si la grande distribution, si les industriels ne changent pas, c’est les agriculteurs qui vont disparaître », a prévenu le ministre samedi sur Europe 1.

Le directeur exécutif de Lidl France Michel Biero souligne, pour sa part, que son entreprise a souscrit nombre d’accords dits « tripartites » avec des éleveurs ou producteurs agricoles. Une part très mineure de son assortiment dépend certes des négociations annuelles, mais M. Denormandie lui avait rendu une visite début février, tout un symbole.

Permettant de s’accorder sur un prix fixé par les producteurs, ce sont, assure Michel Biero, « les seuls contrats qui s’établissent sur la confiance et la transparence ». Deux concepts qui n’étaient, aux dires des différents acteurs, pas au coeur de ces négociations commerciales…

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