La victoire passe par les campagnes du Wisconsin

Course à la Maison Blanche

Dans l’ouest de l’Etat américain du Wisconsin, où des petites entreprises du secteur laitier alternent avec des zones marécageuses survolées par des aigles, les pancartes pour Donald Trump ou Joe Biden se font face chez des habitants plus polarisés politiquement que jamais.

Ici comme ailleurs dans le pays, le fossé se creuse entre démocrates et républicains. Et cette région du nord du Midwest, bordée par le fleuve Mississippi, pourrait jouer un rôle crucial dans la présidentielle du 3 novembre.

Personne n’a oublié qu’il y a quatre ans Hillary Clinton n’avait pas mis les pieds dans cet Etat, estimant le Wisconsin imperdable. Donald Trump l’avait remporté de quelques milliers de voix. Le Wisconsin n’avait pas voté républicain à une présidentielle depuis 1984.

Du coup, dans cette nouvelle course à la Maison Blanche, les équipes des deux candidats ne laissent rien au hasard.

Le président républicain avait programmé un quatrième voyage dans l’Etat depuis août, avant de tomber malade du Covid-19.

Et Joe Biden, malgré ses déplacements volontairement limités, a visité deux fois «l’Etat laitier», également berceau des motos Harley-Davidson.

Il y a quatre ans, «on s’est senti ignoré par le parti démocrate. On dirait que cette fois-ci ils font davantage attention», constate Rikardo Jahnke, un marchand de pommes rencontré sur un marché de Viroqua, une ville repaire d’artistes entourée d’agriculteurs plutôt républicains et de membres de la communauté des Amish se déplaçant en carriole.

L’ouest du Wisconsin et les comtés voisins du Minnesota font partie des rares régions rurales aux Etats-Unis où l’on compte de fortes proportions de démocrates, un phénomène qui s’explique selon certains par les origines scandinaves des habitants.

Dans sa laiterie biologique, Darin Von Ruden connaît les noms de chacune de ses 50 vaches, éparpillées dans des prés plantés d’érables aux feuilles prenant les teintes de l’automne.

Dirigeant le syndicat des agriculteurs du Wisconsin, il affirme qu’un nombre phénoménal de 2.290 fermes laitières ont fermé dans le Wisconsin depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Une tendance qu’il explique par la puissance accrue des géants de l’agroalimentaire et la surproduction.

«Veut-on évoluer vers un modèle où seulement une ou deux entités contrôleront notre système alimentaire?», demande-t-il, en exprimant l’espoir qu’un gouvernement Biden mette en place un système de gestion de la production sur l’exemple du Canada.

Il dénonce la politique antimigratoire du président républicain, en relevant que plus de la moitié des travailleurs du secteur laitier sont issus de l’immigration, et souvent dépourvus de papiers.

Malgré tout, M. Von Ruden admet que la plupart des éleveurs votent républicain, M. Trump étant apprécié pour ses efforts pour ouvrir le marché canadien au lait américain.

A sa laiterie baptisée «Morning Star», forte de 500 têtes de bétail, John Schaller plaide pour un allègement des règles, s’inquiétant des intentions de Joe Biden en la matière.

«Ils donnent l’impression de nous imposer d’abord et avant tout davantage de socialisme», assure l’agriculteur qui a récemment accueilli dans sa ferme le vice-président Mike Pence.

Sur un autre sujet très politisé, de nombreux foyers ont dressé dans leur jardin des pancartes de soutien à la police, après les manifestations ayant secoué cette partie de l’Amérique, déclenchées par la mort de George Floyd à Minneapolis et les tirs ayant blessé un autre Afro-Américain, Jacob Blake, dans la ville de Kenosha.

Ces deux villes ne sont qu’à quelques heures de route, mais l’ouest du Wisconsin ne compte qu’une petite population noire.

Pour les ruraux ici, les policiers font partie de la communauté, explique Lilly Engel, une femme de 26 ans revenue travailler à la ferme de son frère.

«Dans le coin vos contacts avec la police c’est quand vous vous faites prendre pour avoir été à une fête âgée de (seulement) 16 ans», s’amuse-t-elle en sirotant un café dans un bar de Viroqua affichant une pancarte «Black Lives Matter».

«Il n’y a pas beaucoup de diversité ici», dit-elle en opposant ce calme aux infos alarmantes des médias rapportant des pillages et des affrontements dans les villes.

Dans sa maison tapissée de banderoles pro-Trump à La Crosse, une ville universitaire penchant démocrate, Greg Guild sort avec un pistolet à la ceinture et un tee-shirt défendant le droit à se déplacer armé.

Trump n’est pas un «politicien corrompu», affirme le mécanicien. «C’est un homme d’affaires, et c’est ce dont le pays a besoin».

Le magnat de l’immobilier avait obtenu des scores décevants dans les banlieues pourtant républicaines de Milwaukee, la plus grande ville de l’Etat, par rapport à Mitt Romney quatre ans auparavant.

Mais, dans les campagnes de l’ouest du Wisconsin, Donald Trump avait triomphé, remportant haut la main des zones précédemment acquises à Barack Obama.

«Les électeurs ruraux s’étaient sentis particulièrement oubliés par les principaux partis», analyse Joseph Heim, un expert qui a enseigné à la University of Wisconsin-La Crosse.

«Donald Trump avait un message pour les zones rurales: je vous écoute, je peux être votre porte-parole».

Étiquettes , ,

Related posts

Top