L’Arabie saoudite tend la main à l’Iran

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Avec l’arrivée d’un nouveau locataire à la Maison Blanche, le vent a tourné au Moyen-Orient et l’impétueux prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman, communément appelé « MBS », a été contraint non seulement de changer son fusil d’épaule mais de le ranger dans un placard et de tendre la main au grand rival iranien avec lequel Riyad – dans sa course éperdue pour  le leadership régional – avait rompu ses relations diplomatiques en 2016 suite à l’attaque des locaux de l’ambassade saoudienne à Téhéran par des manifestants qui entendaient, par ce geste, condamner l’exécution, par l’Arabie saoudite, d’un dignitaire chiite.

Ainsi, face à une nouvelle administration américaine dont le patron n’entend point avoir de contacts personnels avec celui que la CIA accuse d’être le commanditaire de l’odieux assassinat, en 2018, du journaliste Jamal Kashoggi mais qui vise à réactiver l’accord de Vienne encadrant le programme nucléaire et balistique de l’Iran, le fougueux héritier du trône saoudien s’est trouvé forcé de faire profil bas.

C’est ce qui ressort de l’interview accordée mardi à la  chaîne saoudienne « Al Arabya » en marge de la commémoration du cinquième anniversaire du plan de développement du royaume « Vision 2030 » et dans laquelle MBS a déclaré que son pays « espère entretenir de bonnes relations » avec Téhéran. Ces propos, en rupture totale avec ceux qui accusaient le régime iranien de déstabiliser la région et dont la rhétorique est bien loin de celle qui, selon Kristin Diwan, chercheuse à l’Arab Gulf States  Institute à Washington, décrivait « le leadership iranien comme étant idéologique et résolu à dominer le monde » confirment    qu’après la rencontre tenue à Baghdad le 9 Avril dernier, par les représentants des deux pays, le Royaume d’Al Saoud, sunnite, se tient, désormais, prêt à entrer dans une ère de détente avec l’Iran, chiite.

Interrogé sur le « rapprochement » entrepris par Riyad, Saeed Khatibzadeh,  le porte-parole de la diplomatie iranienne, a déclaré que la République islamique « a toujours accueilli favorablement le dialogue avec le royaume saoudien et le considère comme bénéfique pour les peuples des deux pays et pour la paix et la stabilité régionales ».

Pour Dania Thafer, directrice de l’institut « Gulf International Forum » (GIF) basé à Washington, le comportement de Riyad s’explique aisément par le fait qu’avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, le royaume saoudien « n’a plus les moyens d’adopter une stratégie de confrontation avec l’Iran » comme ce fut le cas, lorsque l’administration Trump avait encouragé la « politique maximaliste menée par l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis dans le but de s’emparer d’un maximum de pouvoirs et de leviers possibles en toute impunité ». L’effet dévastateur du Covid-19 étant venu compliquer la donne, le Conseil de Coopération du Golf (CCG), dans son ensemble, reconnait que le temps n’est plus à la confrontation et se dit prêt, désormais, à œuvrer pour la désescalade.

Pour rappel, en Janvier dernier, l’Arabie saoudite avait levé l’embargo imposé par le CCG et l’Egypte au Qatar soutenu par la Turquie et des négociations sont actuellement en cours pour un apaisement des relations avec Ankara.

Enfin, en ayant indiqué, ce mardi, que son pays est d’accord « à 90% avec la politique du président Biden » et qu’il souhaiterait même « la renforcer d’une manière ou d’une autre », il est clair qu’après avoir été le trublion de la région, MBS cherche, désormais, à endosser le costume de l’élément stabilisateur en voulant s’adapter à la nouvelle politique de la Maison Blanche en ce moment où tout le monde semble chercher l’accalmie. Y parviendra-t-il ? Attendons, pour voir…

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