Le fils de chiffonnier devenu Ulysse fils d’Hércule

Kirk Douglas rejoint à 103 ans «Les sentiers de la gloire»

Oussama Zidouhia

Le légendaire acteur américain Kirk Douglas est décédé mercredi à Beverly Hills, en Californie, à l’âge de 103 ans. Une figure emblématique d’Hollywood qui a marqué l’histoire du 7e art à tout jamais.

Son fils Michael Douglas a annoncé la nouvelle via un communiqué publié sur Facebook. « C’est avec une immense tristesse que mes frères et moi vous annonçons que Kirk Douglas nous a quittés aujourd’hui à l’âge de 103 ans. Pour le monde, il était une légende, un acteur de l’âge d’or du cinéma, (…) mais pour moi et mes frères, Joel et Peter, il était simplement papa », écrit l’acteur. « Kirk a eu une belle vie et il laisse derrière lui des films pour les générations à venir, et le souvenir d’un philanthrope reconnu qui a œuvré pour le bien public et la paix dans le monde ».

Né le 9 décembre 1916 à Amsterdam (État de New York), Kirk Douglas était un acteur, producteur, réalisateur et écrivain américain qui a fait fureur dans les années 50 et 60.

Nombre de ses films deviennent des classiques, (Au fil de l’épée en 1959), (Les Vikings en 1958), (Règlement de comptes à O.K. Corral en 1957), (Spartacus en 1960), (Les Sentiers de la gloire en 1957, Sept jours en mai en 1964, Les Héros de Télémark en 1965), (La Vie passionnée de Vincent van Gogh en 1956)…

Douglas a tourné avec de nombreux réalisateurs réputés comme Brian De Palma, Stanley Kubrick, Vincente Minnelli, John Huston, Howard Hawks, Otto Preminger, Joseph L. Mankiewicz, Elia Kazan, Billy Wilder et King Vidor. Plusieurs films dans lesquels il joue abordent des thèmes sensibles, comme celui des cours martiales lors de la Première Guerre mondiale avec Les Sentiers de la gloire, qui est interdit à sa sortie dans beaucoup de pays européens. Dans le genre du western avec La Captive aux yeux clairs (1952), La Rivière de nos amours (1955) et Le Dernier Train de Gun Hill (1959), il tourne des films qui réhabilitent la figure de l’Amérindien et dénoncent le racisme.

Connu pour son engagement démocrate, il est un producteur courageux à une époque où le cinéma américain est en proie au maccarthysme, notamment en engageant Dalton Trumbo, le scénariste figurant sur la « liste noire d’Hollywood ».

Malgré la richesse de son parcoure exceptionnelle, Douglas n’a remporté qu’un Oscar d’honneur « pour 50 ans de force créative et morale dans la communauté cinématographique » en 1996.

En 1999, l’American Film Institute l’a classé 17e plus grande star masculine du cinéma américain de tous les temps.

En 1988, Kirk publie la première partie de son autobiographie, le Fils du chiffonnier. Il se décrit étouffé par une multitude de grandes sœurs et en quête pathétique de reconnaissance vis-à-vis d’un père indifférent. Le ton est souvent critique et caustique envers lui-même. Il y raconte de nombreux tournages, des anecdotes sur les vedettes américaines, ses joies et ses colères. Son cœur abrite toujours Issur Danielovitch Demsky, le fils du chiffonnier. C’est ce que ce livre démontre. Derrière la vedette du cinéma américain se cache le petit garçon peureux. L’ouvrage est un succès mondial lors de sa sortie.

La deuxième partie, Climbing The Mountain: My Search For Meaning, parue en 2000, est un texte sur la découverte par l’acteur de sa propre judéité. La troisième partie, My Stroke Of Luck, en 2002, raconte l’accident vasculaire cérébral dont il est victime en 1996. Diminué et incapable d’émettre le moindre mot, il raconte la violente dépression qui suivit et la redécouverte de l’amour, de la vie et des siens.

En 2006, il publie à quatre-vingt-dix ans le dernier tome de son autobiographie, Let’s face it: Ninety years of Living, Loving, and Learning. Il y parle de l’équilibre et de la quiétude avec laquelle il aborde désormais l’existence et parle pour la première fois de la disparition tragique par overdose de son plus jeune fils, Eric.

En 2012, il publie I Am Spartacus ! : Making a Film, Breaking the Blacklist, récit de l’élaboration puis du tournage du film réalisé par Stanley Kubrick, mais qui est en fait, de bout en bout, le projet de Kirk Douglas. Le livre se situe dans le contexte de la fin du maccarthysme, ce qui en fait aussi un témoignage sur le contexte politique de l’époque. La préface du livre a été écrite par l’acteur George Clooney.

Le fils de chiffonnier juif devenu fils d’Ulysse laisse derrière lui un cinéma orphelin du dernier monstre sacré d’Hollywood.

3 films légendaires :

Le Champion (1949)

C’est l’un de ses premiers rôles qui le fait décoller: celui d’un boxeur à l’ambition dévorante dont on suit l’ascension et la chute. Dans ce film de Mark Robson, l’acteur joue avec toute la fougue et l’opiniâtreté dont il fit preuve pendant le reste de sa carrière. Il remporte la première de ses trois nominations aux Oscars et un contrat avec la Warner. «Jusqu’à ce que je fasse Le Champion, je ne pensais pas être solide et puis après je suis devenu un gars coriace», affirma-t-il dans la revue The Hollywood reporter.

La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956)

Dans l’une des meilleures adaptations biographiques sur le peintre hollandais, Kirk Douglas rompt – sous la direction de Vincente Minnelli – avec ses rôles de durs-à-cuire et incarne brillamment le génie torturé de Van Gogh. Le rôle lui vaut un Golden Globe. «J’ai failli me perdre dans le personnage», racontait l’acteur dans ses mémoires Le Fils du chiffonnier (1988). «Parfois, il fallait que je m’empêche de me toucher l’oreille pour vérifier qu’elle était bien là», confessait-il, faisant allusion au fait que le peintre s’était tranché l’oreille. «Ca a été une expérience effrayante proche de la folie».

Spartacus (1960)

En 1960, il produit Spartacus réalisé par Stanley Kubrick et embrasse ce grand rôle d’esclave devenu le meneur de tout un peuple contre l’empire romain. Après un tournage long et difficile, le film remporte un succès mondial et le consacre comme star d’Hollywood mais aussi comme rebelle des grands studios, contribuant à défaire le système qui l’avait fabriqué. En pleine chasse aux sorcières, il fait notamment apparaître au générique du film un scénariste ostracisé à Hollywood. Son engagement contre le maccarthysme a été une de ses plus grandes fiertés comme il l’expliquait dans son dixième livre, I am Spartacus. «Il faut s’engager, le plus grand pouvoir américain à l’étranger, c’est Hollywood», clamait l’acteur devenu à cent ans, un farouche opposant au président Trump.

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