Benzema, le hors-jeu de trop

Considéré comme un équipier modèle, l’attaquant du Real Madrid Karim Benzema a cependant connu une carrière jalonnée de soucis extra-sportifs, sa mise en examen dans l’affaire de la sex-tape entraînant sa mise à l’écart de l’équipe de France.

«Je ne calcule que le football et les gens qui m’aiment», a déclaré l’attaquant. En une phrase, Benzema a parfaitement résumé sa philosophie, laissant aussi entrevoir ses propres limites. Car c’est bel et bien sa fidélité à son ami d’enfance du quartier populaire de Bron (banlieue de Lyon), Karim Zenati, connu de la justice notamment pour des braquages et désormais écroué, qui lui vaut ses ennuis actuels.
Plutôt discret, adepte d’un discours souvent lisse, Benzema avait tout pour se distinguer des autres représentants de la fameuse «génération 87» (Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, Jérémy Ménez), brocardés pour leurs problèmes de comportement. Mais son implication présumée dans la tentative de chantage envers Mathieu Valbuena est venue ternir cette image lisse, faisant surgir la face sombre du personnage.
Avant cette histoire, il y avait bien eu d’autres passages à la rubrique faits divers mais rien à voir avec la dimension prise par l’affaire de la sex-tape.

Ligne rouge
Avec Franck Ribéry, il est ainsi associé à «l’affaire Zahia». Renvoyé devant le tribunal correctionnel pour «sollicitation de prostituée mineure», il est toutefois relaxé en janvier 2014, comme Ribéry.
L’attaquant vedette du Real Madrid, qui aura 28 ans le 19 décembre, s’est aussi distingué par un écart classique de footballeur : l’infraction routière. En mars 2013, il a été condamné à une amende de 18.000 euros et un retrait de permis provisoire pour un excès de vitesse sur le périphérique de Madrid, limité à 80 km/h.
Une enquête préliminaire a été également ouverte en mai pour un excès de vitesse présumé alors qu’il roulait près de l’aéroport de la capitale espagnole, la justice voulant aussi savoir s’il disposait d’un permis de conduire valable. Des péripéties au regard de ses ennuis actuels.
Mis en examen le 5 novembre pour avoir joué les intermédiaires pour faire chanter un coéquipier dans le cadre d’un rassemblement de l’équipe de France, Benzema a cette fois franchi la ligne rouge, révélant au grand jour des fréquentations et un environnement douteux.
Dès juillet 2014, son agent, Karim Djaziri, accompagné de Zenati, avait été accusé par le quotidien « L’Equipe » d’avoir «agressé» certains de ses journalistes à Ribeirao Preto, camp de base des Bleus au Mondial au Brésil. M. Djaziri, contacté à l’époque par l’AFP, s’était refusé à tout commentaire.
Son amitié avec Franck Ribéry ou son refus de chanter la Marseillaise n’ont pas non plus aidé à polir son image, qu’il soigne pourtant sur les réseaux sociaux, où il exhibe ses tenues à la mode et ses liens avec des stars comme le rappeur français Booba ou la chanteuse américaine Rihanna. Il affiche aussi sa fille Mélia, née début 2014.

Respect
Au sein du vestiaire des Bleus, le joueur a toujours inspiré le respect, fort de son transfert au prestigieux Real Madrid en 2009, de son rôle de lieutenant préféré du triple Ballon d’or Cristiano Ronaldo et de sa victoire en Ligue des champions (2014), malgré des statistiques plutôt moyennes pour un attaquant de niveau mondial (81 sélections, 27 buts).
Le sélectionneur Didier Deschamps l’a aussi toujours défendu en dépit de prestations inégales. Il ne marqua pas à l’Euro-2012 et resta muet durant 1.222 minutes en équipe de France entre juin 2012 et octobre 2013, ce qui ne l’empêcha pas de conduire l’attaque à la Coupe du monde 2014 avec un bilan très mitigé (3 buts au 1er tour, aucun au cours des matches à élimination directe).
Depuis le déclenchement de l’affaire, il a aussi bénéficié du soutien de l’icône du football français Zinédine Zidane, salarié comme lui du Real Madrid, où il entraîne l’équipe réserve.
Mais Deschamps et Zidane doivent se faire une raison : aux yeux de la Fédération française de football, soumise à une pression politique et populaire intense à six mois de l’Euro-2016 organisé à la maison, le cas Benzema est subitement devenu indéfendable.

Par Keyvan Naraghi, Yann Bernal (AFP)

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