Trois questions au président du Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques
Propos recueillis par Nadia Abram – MAP
Les arts vivants en général et le théâtre en particulier connaissent une récession notable suite à l’arrêt de toutes les activités et programmes artistiques qui divertissaient le public tout au long de l’année. En effet, ces arts ont été les plus touchés depuis l’apparition du coronavirus suite à la suspension de tous les rendez-vous artistiques, notamment les festivals et les manifestations nationales et internationales basées sur des performances vivantes. Le président du Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques, Messaoud Bouhcine, braque les projecteurs dans une interview accordée à la MAP, sur les répercussions de cette crise et sur certaines propositions qui pourraient améliorer la situation des dramaturges et des acteurs du secteur des arts vivants.
Comment évaluez-vous cette crise et comment est-elle vécue par les artistes ?
Je pense que les
aspects de la crise ont deux faces, la première est liée au volet social des
métiers des arts vivants en général, et la seconde réside dans le volet
culturel et les pertes subies par ces arts en termes de production, ce qui
pourrait affecter la restauration de leur position dans le futur.
Cet aspect culturel concerne principalement la production d’œuvres culturelles
dans divers domaines qui nécessitent la présence du public et qui occupent une
place prépondérante comme étant des activités culturelles et économiques à la
fois.
La crise s’est imposée poussant les artistes d’autres domaines artistiques à trouver des moyens de l’affronter, et ils ont donné leurs fruits. Les chanteurs ont produit des chansons et des vidéos clips, les artistes peintres ont organisé des expositions avec des conditions particulières, et aussi certains cinéastes. Le Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques, comme force de proposition, a-t-il pensé à des initiatives pour sortir les dramaturges de la crise ou du moins pour atténuer ses effets ?
Les politiques et mesures gouvernementales sont sans aucun doute responsables de la recherche de solutions adéquates pour le secteur en général, et le Syndicat reste un organe et une force de proposition et de plaidoyer, et il a en effet présenté, à titre proactif, un ensemble de suggestions et de mesures à une date précoce, outre d’alerter que le secteur culturel et tous les arts vivants qui dépendent du public, recevront un coup dur, que ce soit au niveau de la production ou au niveau social, et la question n’a pas été traitée avec sérieux.
Il existe bien sûr des initiatives individuelles pour organiser des activités alternatives, mais elles restent limitées, car les œuvres théâtrales ont leurs spécificités et sont présentées devant le public, mais comme solution à la crise, les performances peuvent être présentées devant un nombre limité, à condition de conserver leurs éléments vivants, ou de les diffuser sur les réseaux sociaux. La résolution du problème des dramaturges peut également s’appuyer sur le cinéma car la plupart d’entre eux travaillent dans le septième art, ainsi que dans le secteur audiovisuel, et ce en enregistrant et en diffusant des performances théâtrales. Je pense que c’est le moins que l’on puisse permettre, par exemple, à travers la conclusion d’un accord entre le ministère chargé de la culture et le secteur de la télévision.
Ces suggestions s’appliquent à tous les autres arts vivants, pas seulement au théâtre, et il en est de même pour le domaine de la musique dont les activités vivantes ont cessé. En général, les arts du spectacle sont à moitié paralysés à l’heure actuelle, et la crise persiste en l’absence de solutions claires.
En effet, la pandémie du coronavirus a contribué à révéler bon nombre de problèmes que le secteur culturel connaît en général, et a révélé la faiblesse des mécanismes institutionnels de gestion de la culture, l’insuffisance des moyens, la difficulté de mettre en place certains textes juridiques, ainsi que les relations tendues avec les organismes professionnels et l’émergence de fissures au niveau des organismes culturels et de problèmes dans la politique de soutien, ainsi qu’un manque de compréhension de cette politique et de ses objectifs.
Quelle est, selon vous, l’alternative pour sortir de cette crise ?
En tant qu’acteur de la scène et connaisseur des détails du secteur, je crois que le problème de la chose culturelle au Maroc ne sera résolu qu’en revoyant ses mécanismes de gestion et l’élaboration de grands plans et orientations, même si la mise en oeuvre reste la plus importante.
Le secteur culturel, de par ses aspects symboliques et la place des acteurs culturels en son sein, exige de « l’audace politique » dans la mise en place d’une structure dont le but premier est l’intérêt du citoyen, le développement de la culture et son efficacité dans l’économie et la préservation des valeurs. Or, depuis un certain temps, ce qui se passe donne l’impression que le problème est restreint aux intellectuels, alors que la vérité est que le problème réside dans le développement du secteur dans son ensemble, pour que son rôle et sa valeur ne soient pas réduits et limités aux seuls intellectuels. Il est urgent de briser le goulot d’étranglement, et cela ne sera réalisé que par une révision des mécanismes juridiques et institutionnels de gestion du secteur culturel.