Colombie : Les défenseurs des droits fondamentaux dans le viseur des narco-trafiquants

Attendons pour voir…

En Colombie, il est vivement conseillé de s’abstenir de défendre les droits humains ou l’environnement et c’est le moins que l’on puisse dire car le rapport publié ce mardi par la Commission inter-américaine des droits de l’homme (CIDH) nous apprend qu’en 2023, 181 représentants communautaires et défenseurs des droits fondamentaux ont été assassinés ; un chiffre particulièrement élevé même s’il est en baisse de 16 % par rapport à celui de l’année précédente qui a enregistré 215 assassinats.

Aussi, après avoir qualifié d’« absolument inacceptable » une telle situation et déploré l’explosion des violences consécutives aux luttes auxquelles se livrent des organisations criminelles liées essentiellement au trafic de drogue et qui ont visé des « défenseurs de l’environnement et du territoire »  et des « dirigeants indigènes et afro-descendants », la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH) a fermement dénoncé les actes d’intimidation dont furent victimes, en Janvier dernier, l’avocat Santiago Salinas Miranda et son épouse ainsi que les menaces subies, en Février, par les défenseurs sociaux Richard Zapata, Luz Angela Agudelo et Maria Rojo Villa, engagés dans une plate-forme associative ayant dénoncé l’impact socio-environnemental généré par le méga-projet hydroélectrique « Hidroituango » qui a vu le jour à Antioquia au nord-ouest du pays.

Ainsi, bien qu’en reconnaissant le bien-fondé et l’opportunité des diverses mesures prises au titre de la promotion et de la protection du travail des défenseurs des droits humains par le gouvernement de Bogota depuis l’arrivée au pouvoir du président Gustavo Petro, la FIDH insiste sur le fait que la lutte contre l’impunité reste « le moyen le plus efficace pour (les) protéger » car « il ne suffit de mettre en place des mécanismes de protection et de créer de nouvelles lois » mais qu’il est « nécessaire que la justice et les organes chargés des enquêtes se mettent en branle pour identifier les responsables matériels et intellectuels de ces assassinats, afin de les sanctionner de la manière la plus stricte possible ».

Même son de cloche du côté d’Amnesty International qui a déclaré, par la voix d’Ana Piquer,  la directrice de son programme « Amériques », avoir reçu « d’innombrables signalement d’agressions et de menaces subies par les défenseurs des droits humains en Colombie en raison de leur action ».

Mais, en déplorant le fait que les autorités colombiennes n’aient pas pris « de mesures publiques visant à assurer la protection collective des défenseurs des droits humains, et principalement « ceux qui défendent la terre, le territoire et l’environnement dans différentes régions du pays », Ana Piquer a insisté sur la nécessité d’apporter « une réponse institutionnelle, forte, intégrée et coordonnée ».

Or, s’il est vrai que la Colombie occupait, depuis plusieurs décennies déjà, la première place sur ce triste podium réservé aux assassins des défenseurs des droits fondamentaux et que l’on pouvait aisément mettre cela sur le compte des anciennes Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), force est de reconnaître que les choses n’ont pas changé depuis que ces dernières ont signé, en 2016, un « accord de paix » avec le gouvernement de Bogota puisqu’entre la date de signature de cet arrangement et l’année 2020, ce sont 1.270 défenseurs des droits humains qui ont été assassinés par les divers groupes armés d’après les données communiquées par l’Institut d’études pour le développement et la paix.

En considérant, enfin, que les départements les plus dangereux pour les défenseurs des droits humains se situent dans des régions où le trafic de drogue et la présence de groupes armés rythment la vie locale du moment que  Jhon Rojas, le gouverneur du Nariño, où la culture de coca est la plus importante avec près de 60.000 hectares cultivés, d’après l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, avait déclaré, en Août dernier, que son département était en état de « crise humanitaire et d’ordre public » et en avait appelé au pouvoir central pour faire face aux « actions violentes perpétrées par des groupes armés », il semble que cette hécatombe soit là pour durer mais attendons pour voir…

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