Ils l’avaient annoncé. Et cela n’était pas une prophétie, mais un simple secret de Polichinelle. Dès l’annonce du «Grand plan» de «déringardisation» du français par Emmanuel Macron, Achille Mbembe, Alain Mabanckou, Abdourahman Waberi… n’y ont vu qu’une «version améliorée» du colonialisme en Afrique.
Ces intellectuels africains, rôdés à la théorie du postcolonialisme, avaient mis en garde le président français contre le terme «francophonie», le qualifiant d’être un «appareil idéologique». D’ailleurs, dans la même veine, ils avaient déclaré au chef de l’Elysée que le «français n’était pas un bien commun aux Français et Africains», comme ce dernier l’avait laissé entendre à Ouaga en novembre 2017, puisque Paris continuait de dicter la politique du français dans le monde, alors que l’avenir de cette langue était ailleurs.
Eh bien ! le temps n’aura fait que leur donner raison. Le plan de Macron, annoncé ce 20 mars pour redorer le blason du français, n’aura finalement pas été si exceptionnel et révolutionnaire, comme le prétendait le président français, encore moins en disruption de l’ère coloniale. «Qui chasse le naturel, il revient au galop». Décidément, l’héritage colonial a la peau dure, malgré la «bonne volonté» et de «belles paroles». «Je suis comme vous d’une génération qui n’a jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé», «Je suis d’une génération où on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire»… le président français avait multiplié de beaux propos au pays des hommes intègres. Au final, son Plan francophonie n’aura été qu’un remake de l’approche coloniale.
Ce 20 mars, c’est de l’Académie française, que le président français s’est adressé aux «sujets» francophones. Et non à partir de l’un de ces pays d’Afrique considérés comme l’avenir de la langue française ou un quelconque autre pays francophone. L’on aura bien compris que le français reste encore cette langue de la France et les autres, notamment les Africains,n’ont tout simplement qu’à se soumettre au Plan ficelé dans l’Hexagone, sans avoir été consultés ni écoutés au préalable. Comment pourront-ils la «défendre, y mettre leurs mots, leurs expressions, la transformer», avoir un droit de regard sur l’évolution de la langue, comme l’annonçait le président français, si on sait que le nouveau laboratoire de la francophonie, le Château de Villers-Cotterêts en France, est à des milliers de kilomètres de chez eux, plus précisément chez l’ancien colon?
Somme toute, malgré une kyrielle de mesures pour renforcer la place du français dans le monde, le président français n’aura pas réussi à paraitre aux yeux de plusieurs comme ce brave «héraut désintéressé» de la francophonie.
Danielle Engolo