Le tant attendu rapport d’enquête parlementaire sur les prix des hydrocarbures vient d’être officiellement présenté en commission des Finances de la Chambre des représentants.
Comme on s’y attendait, le document pointe une très forte hausse de la marge de profit des distributeurs depuis la libéralisation du secteur en 2015. Selon Abdellah Bouanou, président de la commission d’enquête, l’écart entre le prix fixé par le gouvernement et celui de vente s’élève à 1 DH par litre. Compte tenue d’une demande estimée à 6,5 millions de tonne, les distributeurs génèrent un chiffre d’affaires additionnel de 7 milliards de DH. Pour Bouanou, les profits dégagés peuvent être plus importants, puisque les chiffres de la commission ne tiennent compte que des données officielles.
Le document s’arrête aussi sur le cas d’une entreprise qui «a triplé ses bénéfices, alors qu’elle enregistre des déficits à l’étranger». Le distributeur en question a vu ses bénéfices passer de 300 millions de DH à 900 millions de DH entre 2015 et 2016.
D’après la commission d’enquête, il n’est pas raisonnable que les pétroliers dégagent autant de bénéfices alors qu’ils achètent la matière première sur les marchés internationaux à seulement 3,5 DH/L. Abdellah Bouanou s’interroge d’ailleurs si l’écart entre le prix d’achat sur le marché international et les tarifs à la pompe est entièrement destiné à couvrir les coûts de stockage et de distribution. Pour autant, les données fournies par le ministère de l’Energie affirment que les prix internationaux sont automatiquement appliqués sur les tarifs à la pompe. Le rapport met en avant des courbes qui démontrent de la corrélation entre les prix internationaux et ceux pratiqués au Maroc.
Quoi qu’il en soit, le président du groupe parlementaire du PJD, Driss El Azami,estime que le secteur n’a pas été au rendez-vous de la libéralisation qui était pourtant destiné à renforcer la concurrence entre les opérateurs. Pour lui, « il est inacceptable que le consommateur n’ait pas profité de la libéralisation alors que les pétroliers ont doublé leurs bénéfices». Mais il est hors de question de revenir en arrière sur la libéralisation du secteur, de l’avis de l’ex-ministre délégué au Budget. Sa position est claire : «les 50 milliards versés par le gouvernement dans le cadre de la compensation profitaient plus aux catégories les plus riches qu’aux couches défavorisés».
Les économies réalisées depuis la libéralisation ont indirectement profité au citoyen, «puisque 50% du budget de l’Etat est alloué aux secteurs sociaux, comme la santé et l’éducation», dit-il. Le ministre de l’Energie, également présent, s’accroche aussi à la libéralisation. Pour lui, le défi est de maintenir la libéralisation, tout en protégeant le pouvoir d’achat des citoyens.L’adoption d’un plafond des prix de vente, comme l’a recommandé Driss El Azami, pourrait contribuer au respect du pourvoir d’achat. La mesure permettrait aussi de mettre fin aux écarts constatés par la commission au niveau des prix de vente pratiqués dans les provinces du Sud et ceux appliqués dans les autres régions du pays.
Hajar Benezha