La question qui devrait se poser aujourd’hui doit porter sur la manière avec laquelle nous devrions agir pour lutter contre les «fake news» ou les fausses informations, juge Noureddine Miftah, Président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ). Selon lui, la loi constitue en elle-même une feuille de route et met l’accent sur plusieurs chantiers devant être pilotés par les membres du Conseil national de la presse (CNP) durant les 6 premiers mois de son existence, à commencer par l’élaboration du règlement intérieur et la charte nationale de la déontologie de la profession qui devrait servir de référentiel aux journalistes.
Al Bayane : Quelles sont vos attentes par rapport au Conseil national de la presse?
Noureddine Miftah : Les attentes sont énormes ; il est donc difficile de les résumer en quelques mots. Le métier de journaliste se trouve aujourd’hui confronté à plusieurs défis, vu les transformations technologiques ou ce qu’on l’on désigne par ère numérique et la prolifération des sites électroniques et réseaux sociaux qui ont bouleversé le champ médiatique. Le Conseil national de la presse (CNP) est appelé à réhabiliter la production journalistique, en veillant à améliorer la qualité de l’information. C’est une condition sine qua non de la réforme du champ de la presse. Il s’agit d’ailleurs de la crédibilité du corps professionnel auprès de l’opinion publique.
Selon vous, ce Conseil réussira-t-il sa mission de régulatrice du champ médiatique?
La question qui devrait se poser aujourd’hui doit porter sur la manière avec laquelle nous devrions agir pour lutter contre les «fake news» ou les fausses informations. Avant de parler de réforme, il faut d’ailleurs interpeller les principaux acteurs du champ médiatique. Il en va de la crédibilité du métier. Ainsi, le CNP est censé mettre en place des mécanismes qui protègent à la fois la liberté de la presse et contribuent à la défense de la déontologie du métier afin de renforcer la crédibilité du journaliste lui-même auprès de la société. A cela s’ajoutent aussi, l’appui de l’entreprise de presse, l’amélioration du statut des journalistes et l’exercice de la fonction de médiation et d’arbitrage en ce qui concerne les litiges relevant du secteur de l’édition et de la presse.
Les éditeurs ont-ils un rôle à jouer dans ce Conseil?
Il existe 86 conseils dans le monde. Chaque Conseil fonctionne selon ses propres modalités. Il existe donc plusieurs modèles. Il faut reconnaitre que l’expérience marocaine demeure unique, car les membres qui siègent dans le Conseil, notamment les journalistes, disposent du pouvoir de sanction à l’égard de leurs entreprises qui n’observent pas les règles déontologiques. Les éditeurs sont aussi appelés à contribuer au financement du Conseil. Ce qui constitue aussi un cas unique dans le monde. Il faut dire que la présence des journalistes aux côtés des éditeurs ne peut que donner de la force au Conseil et ce, pour toutes les décisions portant sur l’intermédiation ou ayant un caractère réglementaire. Il est à souligner que les éditeurs qui seront représentés par les directeurs de publication seront les premiers à respecter les règles déontologiques dans leurs propres entreprises. En termes plus clairs, leur rôle est déterminant. Donc si les directeurs veillent au respect de la charte déontologique, qui sera élaborée par le CNP, au sein de leurs propres entreprises, on peut dire qu’on a réalisé 60% de la mission.
Certains considèrent que la loi n’est pas suffisante pour réaliser la réforme?
Je pense que le texte accuse quelques lacunes, notamment en ce qui concerne le statut juridique de son président. J’estime donc qu’il est un peu fragile. Je trouve qu’il est illogique que les membres du Conseil aient le droit de suspendre le président qui est chargé, conformément à la loi, d’arrêter l’ordre du jour du Conseil et de présider ses réunions.
Cependant, sans sombrer dans une approche nihiliste, la loi actuelle est un pas en avant, sachant que la loi n’est pas un texte sacré. Ce qui est important, c’est qu’elle constitue en elle-même une feuille de route et mette l’accent sur plusieurs chantiers devant être pilotés par les membres du Conseil durant les 6 premiersmois de son existence, à commencer par l’élaboration du règlement intérieur et la charte nationale de la déontologie de la profession qui devrait servir de référentiel aux journalistes.
Qu’en est-il du financement du CNP?
J’ai une remarque concernant le texte de loi. En fait, l’utilisation du terme « subvention de l’Etat »au lieu de budget est péjorative. Or, pour assurer une légitimité au CNP, il faut élaborer un budget relevant du budget de l’institution parlementaire. Une telle mesure va permettre au CNP de ne pas être à la merci des pressions politiques.