Faisant partie des «zones de désescalade» mises en place au terme des négociations de paix d’Astana qui avaient été parrainées, d’un côté, par la Russie et l’Iran en leur qualité de soutiens du régime de Bachar Al-Assad et, de l’autre, par la Turquie qui se tient du côté des rebelles, le gouvernorat d’Idleb, dernière région échappant au contrôle des forces gouvernementales syriennes, occupée à 60% par Hay’at Tahrir Achcham (anciens combattants de la branche syrienne d’Al Qaïda) et par une multitude de groupes rebelles, ferait prendre un autre tournant à la guerre en Syrie.
C’est pour cette raison que lors de sa dernière visite à Moscou, le ministre turc des Affaires étrangères avait mis en garde la Russie sur la «catastrophe» qui verrait le jour si le régime de Bachar Al-Assad venait à opter pour une «solution militaire» à Idleb.
Ainsi, sur le plan stratégique et du fait même de sa situation le long de la frontière turque, le pire serait à craindre si ce dernier bastion de l’opposition au régime de Damas venait à être attaqué et ce du fait même de l’implication de Moscou et d’Ankara car si la Turquie avait aidé les opposants à Bachar Al-Assad à se «structurer» à Idleb afin de barrer la route aux Kurdes qui rêvent de contrôler le Nord de la Syrie, Moscou, de son côté, combat ces mêmes groupes en soutien au régime de Damas.
Mais, comme Moscou entend chasser définitivement les jihadistes de cette région afin d’y asseoir l’autorité du régime de Damas, alors Ankara n’aura, du même coup, aucune autre solution que d’aider ces mêmes jihadistes qui n’auront plus aucune échappatoire que la fuite vers la Turquie.
Cette situation particulièrement ambigüe est en même temps la victoire d’un Bachar Al-Assad qui, pour garder la mainmise sur la situation, est, tout de même, parvenu à attirer aussi bien ses partenaires que ses adversaires dans un bourbier, à plonger ses amis et ses ennemis dans une situation inextricable.
C’est à ce titre que jeudi dernier, Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, avait proposé d’aller à Idleb pour garantir la mise en place d’un «couloir humanitaire» qui permettrait d’évacuer la population civile. Or, bien qu’étant imminente, à première vue, une offensive du régime dans cette zone reste, cependant, tributaire d’un accord entre Moscou qui soutient Bachar Al-Assad et Ankara qui parraine les rebelles.
Mais si le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a déclaré que, nonobstant le risque d’une «agression occidentale», Damas reste disposée à «libérer tout le territoire syrien», que Serguei Lavrov, le chef de la diplomatie russe a, de son côté, formulé le souhait de ne point voir les pays occidentaux «entraver l’opération antiterroriste» qui sera menée à Idleb, que Washington, Paris et Londres ont, pour leur part, signalé à Bachar Al-Assad que toute utilisation d’armes chimiques ne resterait pas impunie et qu’enfin les présidents de Russie, d’Iran et de Turquie se réuniront le 7 septembre prochain à Tabriz en Iran pour essayer de mettre un terme au conflit syrien, à quoi allons-nous assister dans les prochains jours ? A une déflagration ou, au contraire, à un apaisement de la situation ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi