Al Bayane: Pour la journée mondiale du cœur, le slogan : «My Heart, Your Heart» a été choisi. Pourquoi ce thème?
Professeur Ahmed Bennis: Vous avez parfaitement raison. Ce thème se démarque de tous les autres que nous avons connus depuis la première journée mondiale du cœur qui a été initiée en 2000. «My Heart, Your Heart» ou «mon cœur, ton cœur », c’est se demander et demander à ceux qui nous sont chers ainsi qu’à tout un chacun dans le monde «Que puis-je faire pour prendre soin de mon cœur… et du vôtre ?»
En quelque sorte, nous sommes tous concernés par la santé de nos cœurs et chacun doit y mettre du sien. En d’autres termes, il s’agit de faire une promesse
en tant qu’individu de devenir plus actif, de renoncer à fumer ou manger plus sainement… en tant que professionnel de la santé pour sauver plus de vies… ou en tant que politicien pour mettre en œuvre un plan d’action contre les maladies non transmissibles dont les maladies cardiovasculaires.
Quelles sont ces maladies cardiovasculaires?
Les maladies cardio-vasculaires constituent un ensemble de troubles affectant le cœur et les vaisseaux sanguins. Parmi ces maladies, il y a lieu de citer les cardiopathies coronariennes (infarctus), les maladies cérébrovasculaires (accidents vasculaires cérébraux), l’hypertension, les artériopathies périphériques, les cardiopathies rhumatismale, les malformations cardiaques congénitales et l’insuffisance cardiaque. Ces maladies cardiovasculaires vont apparaitre, se voir particulièrement chez certaines personnes du fait de leur exposition aux facteurs de risque de ces maladies.
Justement quels sont les facteurs de risque de ces maladies?
Les principaux facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires sont liés au mode de vie. C’est notamment le cas du tabagisme, de l’alimentation déséquilibrée, du manque d’activité physique, de l’usage nocif de l’alcool, des facteurs psychosociaux tels que le stress. Ce qui est grave à mon sens, c’est le manque d’information de nos concitoyens sur ces maladies. Dans leur majorité, nos concitoyens sous-estiment l’ampleur et la gravité de ces maladies. Pourtant, selon l’Organisation mondiale de la santé, 80 % des infarctus prématurés pourraient être évités grâce à la prévention des facteurs de risque dont le tabac, l’obésité, l’alcool, l’hypertension, le diabète…
Cette situation est-elle préoccupante?
Vous avez parfaitement raison de me demander si c’est préoccupant. Je confirme tout à fait que c’est préoccupant surtout lorsqu’on remarque les modifications et les transformations que connait notre société. Vous remarquez comme moi que notre population s’occidentalise de plus en plus, que notre mode de vie change et que les Marocains se sédentarisent de plus en plus. L’absence d’activité physique touche jusqu’à 70% de la population marocaine. Ce qui se traduit par les maladies cardiovasculaires. Le Maroc est, selon les spécialistes, un pays à haut risque cardiovasculaire. Les statistiques nationales, alarmantes à cet égard, le confirment : 33, 6% des Marocains examinés sont atteints d’hypertension artérielle, 8% sont diabétiques, 13% sont obèses et 29 % ont un taux de cholestérol élevé (plus de 2 g/l). A tout cela il faut ajouter le tabac, l’alcool, la mauvaise alimentation…
Tous ces facteurs combinés entraînent l’estimation du risque cardiovasculaire. Lorsqu’on dit que quelqu’un a un risque élevé, cela veut dire qu’il a plus de 30% de risques de faire un gros accident cardiovasculaire : un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral ou une mort subite. Autrement, on peut dire qu’il a une chance sur trois de faire un événement dans les 10 ans qui viennent.
Effectivement, il y a vraiment lieu de prendre les choses très au sérieux et de privilégier une approche préventive face aux maladies cardiovasculaires.
Quels sont vos conseils pour prévenir ces maladies?
Je ne vais pas aller par quatre chemins. Il faut dire que tout est dans notre mode de vie, dans notre quotidien, dans la façon dont nous nous comportons avec notre corps. Concernant les facteurs de risque, il est souhaitable de sensibiliser le plus grand nombre de citoyens contre ces facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et promouvoir un mode de vie sain. Si la maladie est dépistée à temps et prise en charge correctement, le malade peut éviter les graves complications.
Il faut organiser des campagnes de sensibilisation, de dépistage au profit de la population. Au dispensaire, au centre de santé, à l’hôpital, on peut organiser des séances d’éducation et d’information avec des séquences vidéo, diapo, affiches. Au niveau des écoles, des collèges et lycées, il faut organiser 10 minutes par mois pour parler des facteurs de risques des maladies cardiovasculaires. La TV, la radio, la presse écrite, tous peuvent contribuer à sensibiliser contre le fléau des maladies cardiaques. Aujourd’hui, il est admis qu’avec une bonne information, de l’éducation et la prévention, on réduit 50% les complications mortels de HTA.
Je ne saurais trop insister sur l’importance d’une alimentation saine et équilibrée qui est essentielle pour un cœur sain et un système de circulation. Ceci devrait inclure beaucoup de fruits et légumes, grains entiers, viandes maigres, le poisson et les légumineuses, et enfin limiter la consommation du sel, du sucre et l’apport de gras.
Concernant la pratique de l’activité physique régulière, il faut consacrer au moins 30 minutes d’activité physique régulière tous les jours, ce qui aide à maintenir la santé cardiovasculaire.
L’usage du tabac sous toutes ses formes est très nocif pour la santé (cigarettes, cigares, chicha, pipes…). L’exposition à la fumée de tabac secondaire (tabagisme passif) est également dangereuse. Je lance ici un appel au Chef du gouvernement, au ministre de la santé et à nos parlementaire pour que la loi anti- tabac dans les lieux publics soit effective.
Autre conseil qui a son importance, c’est de consulter son médecin traitant pour vérifier sa pression artérielle au moins deux fois par an. L’hypertension artérielle est habituellement sans aucun symptôme, mais peut provoquer un AVC ou une crise cardiaque soudaine.
C’est aussi l’occasion pour contrôler votre taux de glucose dans le sang (glycémie), car quand la glycémie est surélevée (diabète), cela augmente le risque d’attaques cardiaques et cérébrales. Si vous souffrez de diabète, il est très important de contrôler votre pression artérielle et la glycémie pour minimiser les risques.
Le contrôle du taux de cholestérol sanguin est très important car des résultats de lipides sanguins anormaux augmentent le risque d’attaques cardiaques et cérébrales.
Chaque citoyen a un rôle à jouer dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires, d’où le thème «My heart, your heart». La lutte contre les maladies cardiovasculaires nous engage tous et pas seulement les professionnels de santé ou le ministère de la Santé.
Propos recueillis par Ouardirhi Abdelaziz