STCR: Une augmentation de capital pour rester dans la danse!

Acteur historique sur le marché du transport de personnel, la Société de Transport Casa-Rabat (STCR) vient d’augmenter son capital. Officiellement pour se renforcer, cette opération sur le capital serait-elle surtout le résultat d’un secteur mal régulé mais très concurrentiel ? Car dans le transport de personnel, les exigences des clients et l’optimisation des ressources n’épargnent guère aux acteurs quelques échanges de coups «canif».

Somme toute banale mais caractéristique d’un secteur en proie à une concurrence féroce, l’augmentation de capital de STCR en dit plus long qu’il n’y paraît. C’est tout du moins la troisième fois depuis 2013 que le transporteur augmente son capital. Si une telle opération fait montre d’une part du dynamisme des affaires, elle reflète aussi un secteur très concurrentiel, où le facteur prix est certes déterminant, mais pas non plus absolument décisif. D’autant plus que les clients sont devenus de plus en plus exigeants, la qualité du matériel roulant et les services annexes commençant peu à peu à prendre le pas dans la décision de contractualiser avec un transporteur. STCR a-t-elle ressenti la nécessité de rafraîchir ses véhicules et ses prestations pour ne pas se faire larguer par la concurrence ? L’idée n’est pas inconcevable.

En portant son capital à 26 millions de dirhams suite à une recapitalisation de 5 millions de dirhams, cet acteur historique très présent dans le paysage urbain casablancais s’est donné de quoi consolider ses appuis. Dans ses plans, le transporteur envisage de « renforcer sa flotte », laquelle compte déjà plus de 600 véhicules de toutes les capacités. Mieux, il s’agira d’un vrai renouvellement de flotte pour cet acteur cinquantenaire, accompagné d’un rehaussement du standing de ses prestations si STCR veut continuer à jouer les premiers rôles dans le secteur et garder son leadership. En effet, il transporte des dizaines de milliers de passagers par jour à travers le Royaume.

3 augmentations en 5 ans

Avec une demande en forte croissance, STCR justifie amplement cette augmentation de capital. Le transporteur a généré en 2016 un chiffre d’affaires de près de 375 millions de dirhams et un résultat d’exploitation de plus de 40 millions de dirhams. Et ce, dans un environnement où la croissance folle des années 2000 a graduellement fondu dans une certaine atonie. Mais si la demande est là, la croissance du marché n’est pas forcément au rendez-vous. D’ailleurs, pour continuer à jouer dans cette cour prise d’assaut par des concurrents de tous ordres et de toutes tailles, STCR n’a pas manqué de mettre la main à la poche à plusieurs reprises pour relever le niveau de son capital.

En 2013 déjà, le transporteur avait réalisé une augmentation de son capital. Il avait ainsi porté son capital de 15,1 millions de dirhams à 17,6 millions de dirhams. Ce renchérissement de son capital qui s’est fait par le truchement d’une compensation de créances, notamment celles des comptes courants créditeurs des actionnaires souscripteurs, a donné lieu à la création de 2500 nouvelles actions de 1000 dirhams en ce temps. Entre temps, ce même capital avait été porté à 21 millions de dirhams, avant cette nouvelle augmentation de fin septembre 2018. Trois augmentations de capital en l’espace de cinq années ! Il faut dire que la nécessité s’impose pour tout acteur qui veut garder ses positions sur le marché. La concurrence induite par la libéralisation du secteur au début des années 2000 a amené sur le marché de nombreux acteurs qui ne s’embarrasseraient pas tant que cela des dispositions de la loi. Car selon un acteur du secteur, « il y 6 à 7 ans, le secteur ne comptait réellement que 5 opérateurs structurés.

Pour devenir transporteur de personnel, il fallait être agréé et avoir déjà exercé, au moins pendant 5 ans, dans le transport touristique et le transport des voyageurs. Mais lorsque le ministère du transport a décidé de libéraliser le secteur, tous ceux qui voulaient y entrer dans le transport mais en étaient empêchés par l’obligation d’agrément en ont profité pour s’y lancer. Aujourd’hui, une personne peut juste signer un cahier de charges de trois pages et devenir un opérateur à part entière, nonobstant la détention d’une structure adaptée à ce métier ». Dès lors, le nombre d’acteurs du transport de personnel s’est considérablement accru, que ceux-ci soient structurés ou non.

De nouveaux arguments pour attirer le client

Dès lors, d’autres opérateurs ont investi le marché, en plus des acteurs très familiers aux yeux des casablancais qui existaient depuis longtemps (Corail, GDS, STCA, LUX Transports ou encore Maroc Express). Aujourd’hui, le secteur compterait plus d’une dizaine d’acteurs structurés, ne serait-ce qu’à Casablanca. Mais de petits acteurs, avec des flottes réduites, grignoteraient aussi ici et là des marchés aux grands. Même CTM avait, un temps, fait une incursion dans le secteur à travers une filiale dédiée. Toutefois, intégrer le transport de personnel nécessite d’avoir « les reins solides ». Car le marché a été, et reste dans une certaine mesure, drainé par les prix. « On est dans un marché de prix, rappelle cet acteur du marché. Néanmoins, les clients basent également leur choix sur le rapport qualité/prix et la notoriété du transporteur sur le marché. Mais clairement, avoir des compétitifs, pour ne pas dire bas, aide le client à se décider et à franchir le pas », avance-t-il.

D’ailleurs la réputation avait, pendant des années, assuré de bons contrats et une certaine prééminence à STCR sur le marché. Mais ce dernier a fini par s’aligner sur les prix du marché, suite à la pression de la concurrence et à la baisse des prix des prestations. Mais si la concurrence se faisait essentiellement sur le prix, d’autres critères commencent véritablement à prendre de l’ampleur. Aujourd’hui, certains acteurs misent sur d’autres atouts pour conquérir des clients : expérience des chauffeurs, formation, secourisme, maîtrise de la conduite défensive. Mieux, la qualité du véhicule est aujourd’hui primordiale, mais n’enlève rien à des prestations annexes telles que la géolocalisation, l’accès des clients à la position des véhicules dédiés au transport de leur personnel, des plannings taillés sur mesure et un service client de plus en plus parfait.

De nouveaux types de concurrents

Dans cette bataille sans merci pour signer de gros contrats, certains opérateurs s’en sortent bien. C’est le cas du transporteur espagnol Autasa qui a raflé le méga-contrat du constructeur Renault pour son site de Tanger Melloussa. Comment expliquer que des acteurs historiques du marché marocain n’aient pas pu capter ce marché ?! Mais, en dehors des structures historiques et classiques, de nouveaux acteurs sont en train de reconfigurer, peu à peu, le visage de la profession. Avec la poussée technologique, le secteur ne serait pas épargné par des opérateurs qui miseraient sur les plateformes offrant un fort contenu technologique. Manavette.com en est un exemple. La jeune entreprise financée par Maroc Numeric Fund entend se faire une place dans le secteur.

Il faut noter que l’activité du transport de personnel est prioritairement portée par le développement des zones industrielles à la périphérie des villes. Abandonnées par les services de transport en commun, les entreprises installées dans ces zones ont dû se rabattre sur ces prestataires. «De plus, les entreprises, préférant se concentrer sur leur métier de base, apprécient le fait que le prestataire assure le transport des effectifs de bout en bout, avec ponctualité, dans des tranches horaires difficiles, notamment pour des métiers arrimées à l’international à l’instar des centres d’appel», expliquait il y a quelques années Noureddine Safadi, président de la Fédération national du transport du personnel (FNTP).

Cette fédération est affiliée à la Fédération nationale du transport (FNT). Selon des professionnels, les opérateurs structurés facturent en moyenne entre 500 et 600 DH la rotation simple (entrée et sortie du personnel), 900 DH les deux fois huit (transport de deux shift) et 750 DH les trois fois huit. «À ce prix, un autocar acheté à 2,2 MDH et devant être remboursé à crédit à 2,8 MDH rapporte au meilleur des cas, s’il est actif 24h/24, 46 000 à 50 000 DH le mois.

Entre la traite, les frais du carburant, la rémunération du chauffeur, les frais du technicien et l’assurance, le calcul est vite fait. Aucune marge n’est encore possible», avançait un opérateur chez un confrère. Aujourd’hui, et avec la décompensation, le prix du carburant avoisine parfois les 50% du coût global. Et malgré la demande, les chiffres d’affaires hésitent toujours à flamber. D’ailleurs faut-il le rappeler, le transport de personnel est une activité qui n’existe pratiquement qu’au Maroc ; ce qui rend difficile un benchmark sur les procédures et process. Une “exclusivité“ mondiale pas toujours aisée à gérer…

Douieb Soumayya

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