Et c’est l’autorité gouvernementale chargée de la sécurité sanitaire qui l’annonce : la «présence de résidus de pesticides dans la menthe destinée à la consommation» constitue «un risque sanitaire imminent pour la santé du consommateur». Toutefois, il est important d’assurer que «Le Maroc exporte de grandes quantités de menthe qui sont conformes à la règlementation».
C’est cette distinction qui fait peur comme si le risque sanitaire est variable selon qu’il s’agit de la population locale ou celle intéressée par notre production agricole contre des devises sonnantes et trébuchantes.
Il est loin le temps du drame des huiles frelatées, il y a soixante années ! Intoxication collective dont les conséquences sur la santé sont toujours subites par les rescapés dans l’indigence et l’inattention. Devoir de mémoire pour que l’on soit préservé de tout « crime de santé contre la nation » dont l’un des vecteurs a été le beignet traditionnel !
Avec la lutte anti-acridienne, l’utilisation des pesticides va se pratiquer à grande échelle et avec des moyens organisés pour faire face à toute invasion du fléau ravageur qu’est le criquet pèlerin. Dans ce temps, des tragédies ont été vécues par la consommation de la sauterelle, «crevette du pauvre», infestée par le traitement chimique.
L’utilisation des produits phytosanitaires va devenir une pratique de plus en plus effective pour répondre aux exigences de la productivité agricole et, il faut le reconnaitre, à l’appel des marchés. A l’export, les normes sont bien déterminées pour faire face à l’usage non raisonné des pesticides. Par contre, le marché intérieur ne se préoccupe pas aussi convenablement de «ces détails» et devient le réceptacle peu contrôlé de la marchandise. Ainsi, «l’utilisation des méthodes de protection des cultures respectueuses de la santé humaine et des autres composantes de l’environnement» reste à l’ordre du jour autant que «l’information et la sensibilisation des utilisateurs et des consommateurs sur la dangerosité des produits phytosanitaires sur la santé humaine et sur l’environnement».
L’annonce effectuée par l’ONSSA sur la menthe ne peut être l’arbre qui cache la forêt. C’est une bonne action, nécessaire mais encore insuffisante eu égard à l’empoisonnement sournois de la population par différents produits utilisés dans la production, la préservation ou le stockage d’une alimentation de plus en plus «chimique». L’organisation et la réglementation des circuits d’approvisionnement des produits phytosanitaires et des produits chimiques dans l’activité agricole et l’industrie agroalimentaire doit être une priorité
Cet état de la menthe est aussi un avertissement pour qui de droit contre cette agriculture sans âme, qui ne respecte pas la nature, productiviste et dont le profit est le seul objectif ; quitte à empoisonner aussi bien «ceux d’en haut que ceux d’en bas».
Les politiques publiques doivent se préoccuper de la promotion d’une agriculture solidaire, viable et durable. L’amélioration de la situation des petits et moyens agriculteurs ne se contredit pas avec une production agricole saine et respectueuse de l’environnement. Nos campagnes doivent rester riches en biodiversité, garantes d’une alimentation nutritive et saine et permettre l’éradication de la faim et du dénuement. Il ne s’agit pas de revenir aux procédés d’antan,acquis depuis le Néolithique, sans recours aux techniques modernes et au savoir scientifique développé jusqu’à présent. Il s’agit d’investir le capital sol et de le préserver dans sa globalité pour assurer la sécurité alimentaire dans le bienêtre de la population et le respect de l’environnement. L’intégration des considérations environnementales est inévitable pour prévenir l’empoisonnement de tous. Il en va de la mutation de notre agriculture, de sa modernisation et du développement du monde rural. Il en va de la santé de notre population qui mérite de déguster son thé à la menthe sans se préoccuper de tous les résidus quels que soient leur nature et leurs supports.