La mort de George Floyd
Beniaich Mohamed
Après l’effondrement du bloc socialiste et la fin de la guerre froide, deux théoriciens ont pris de l’importance avec des thèses néolibérales préconisant la transnationalisation et l’hégémonie du capital financier.
Le premier n’est autre que Francis Fukuyama, universitaire américain et directeur adjoint du service de planification du Département d’Etat à Washington, qui écrivait un article intitulé La Fin de l’Histoire, dans la revue The National Interest. Il y annonçait la victoire finale et totale du capitalisme, la dissolution ultime du matérialisme dialectique et sa fameuse loi d’unité et la lutte des contraires en universalisant la démocratie libérale occidentale comme forme finale de tout gouvernement humain. Le second théoricien, Samuel Huntington, et contrairement à l’idéalisme de Fukuyama, savait que l’histoire est toujours ouverte et que plus le capitalisme crée des inégalités, plus il sème les graines de sa propre destruction. Et pour sauver le capitalisme des forces de sa destruction, il a formulé le concept incantatoire de « choc des civilisations » pour plonger le monde dans de fausses luttes et des confrontations religieuse, identitaire, sectaire et séparatiste qui facilitent une reconfiguration mondiale et un contrôle direct sur les emplacements géopolitiques par le biais du « chaos créatif ».
Pour implémenter cet agenda de remodelage, Huntington a réussi à pousser, d’une façon forcenée et insidieuse, la religion politique, le racialisme et l’idéologie identitaire dans le domaine politique et dans les relations internationales dans l’optique de raviver les conflits et les haines émanant des guerres « saintes » et primitives historiques , permettant , ainsi, au néolibéralisme de désintégrer, reconstruire et réintégrer les espaces politiques et les relations économiques et sociales des pays dans les lois du marché. Le but ultime de cette stratégie est de préserver et étendre la prétendue position de l’Amérique en tant que pôle unique du pouvoir mondial, pouvant intervenir de manière décisive dans tout conflit quand et où bon lui semble.
L’Extrême droite ou alternative right :« Le moment néofasciste du néolibéralisme »
L’Extrême droite ou alternative right peut être définie comme une forme de comportement politique caractérisée par une préoccupation obsessionnelle vis-à-vis du déclin de la communauté, de l’humiliation ou de la victimisation et par des cultes compensatoires d’unité, d’énergie et de pureté, dans lesquels le parti de masse constitué de militants nationalistes engagés, travaillant dans une collaboration difficile mais efficace avec les élites traditionnelles, abandonne les libertés démocratiques et poursuit avec une violence rédemptrice sans contraintes éthiques ou légales des objectifs de nettoyage interne et d’expansion externe .( Paxton). Aux États-Unis, l’extrême droite est constituée principalement de deux grands mouvements qui se chevauchent légèrement. Le premier mouvement est constitué de suprématistes blancs, y compris leurs divers sous-mouvements, tels que les néonazis, les skinheads racistes, et Alt-America, entre autres, qui affirment qu’il existe (1) des différences biologiques réelles clairement et facilement différenciablesentre des groupes humains et (2) que ces différences sont hiérarchiques. Pire encore, les suprématistesinsistent souvent sur le fait qu’ils doivent purger l’humanité des races génétiques inférieures afin d’améliorer la pureté de la race humaine (Rattansi, 2007). Balivernes ! Dans l’autre mouvement, on trouve les sionistes chrétiens, comprenant environ 25% des évangéliques américains, qui pensent que la seconde venue du Christ est nécessairement liée au rétablissement du Grand Israël qui s’étend « du fleuve d’Égypte à l’Euphrate ». Selon leur interprétation de la Bible, Christ gouvernera le monde depuis la ville sainte de Jérusalem. Cela ne laisse aucune place aux musulmans, qui doivent être détruits, ni aux juifs qui refusent de devenir chrétiens.
Les 9 «passions mobilisatrices» alimentant les feux des mouvements d’extrême droite :
Alt-right a toujours fonctionné comme un refuge pour les personnes qui rejettent la réalité factuelle, un lieu où ils peuvent se réunir et se rassurer mutuellement sur leur version fabriquée de la façon dont le monde fonctionne. Depuis ses débuts dans les années 1990, en tant qu’univers alternatif avec ses propres « faits », à sa croissance au début du nouveau siècle par la propagation du complot antigouvernemental, à travers son évolution dans le courant conservatiste par le biais du Tea Party, et enfin, sa réalisation ultime en tant que force politique par le biais de l’ascension de Donald Trump, la principale utilité de Alt-right ou Alt-America comme aime à l’appeler David Neiwert, dans son livre, Alt-America: The Rise of the Radical Right in the Age of Trump, a été d’être un outil prêt pour l’autoritarisme de droite. L’armée d’adeptes était déjà entièrement préparée en 2015, lorsque Trump prit son sceptre d’attente.
Paxton détermine neuf «passionsmobilisatrices» alimentant les feux des mouvements fascistes :
1. Un sentiment de crise accablante qui échappe à toutes les solutions traditionnelles.
2.La primauté du groupe envers lequel on a des devoirs supérieurs à tout droit, qu’il soit universel ou individuel, et la subordination de l’individu à sa narrative.
3.La conviction que son groupe est une victime, un sentiment qui justifie toute action, sans limite légale ou morale, contre ses ennemis, tant internes qu’externes.
4.La peur du groupe sous l’effet corrosif du libéralisme individualiste, des conflits de classes et des influences étrangères.
5. Nécessité d’une intégration plus étroite d’une communauté plus pure, par consentement si possible, ou par violence d’exclusion si nécessaire.
6.Le besoin d’autorité des leaders naturels (toujours des hommes) aboutissant à un chef national qui seul est capable d’incarner le destin du groupe.
7.La supériorité des instincts du dirigeant sur la raison abstraite et universelle.
8.La beauté de la violence et l’efficacité de la volonté, lorsqu’elles sont consacrées au succès du groupe.
9.Le droit du peuple élu de dominer autrui sans contrainte d’aucune sorte de loi humaine ou divine, le droit étant décidé par le seul critère de la prouesse du groupe dans une lutte darwinienne.
Les fondements idéologiques de l’Extrême droite ou alternative right :
L’inégalité, le nationalisme et le radicalisme constituent les trois fondements de l’idéologie d’extrême droite. Ces trois fondements séparent et classent les extrémistes de la droite en même temps qu’ils établissent un cadre idéologique cohérent : l’inégalité en tant qu’axiome cognitif et base épistémologique. Elle fait tout d’abord référence au nationalisme en tant que projet et en tant qu’organisation politique cohérente, et répond ensuite au radicalisme en tant que moyen et action pour atteindre ces objectifs.
-Inégalitarisme racial : Bien que la génétique moderne ait démontré que tous les êtres humains sont génétiquement égaux (Shipman, 1994). Pas identiques, mais égaux, et qu’Il existe un génome humain et tous les humains le partagent (Ridley, 2010), et que les distinctions les plus importantes entre les humains sont sociologiques et que l’inégalité est un phénomène social très réel et l’inégalité raciale a été utilisée comme une rationalisation malveillante pour commettre bon nombre des pires crimes de l’histoire (Kühl, 1994), les extrémistes de la droite avertissent que les gens sont « dangereusement différents ». Pour eux, Il existe des frontières biologiques nettes entre les races et que les mérites relatifs des différentes races sont hiérarchiques. Dobratz et Shanks-Meile décrivent les principes fondamentaux de leur discours raciste de la manière suivante : (1) les êtres humains sont naturellement divisés en plusieurs types physiques différents ; (2) ces traits physiques ont un lien défini avec la culture, la personnalité et l’intelligence ; (3) le patrimoine génétique permet la supériorité de certains groupes sur d’autres (Dobratz&Shanks-Meile1997: 90 et 91). Ainsi les races ne sont-elles pas simplement des regroupements d’individus ayant des appartenances semblables, les extrémistes de la droite vont plus loin et ‘postulent la solidarité´ des caractéristiques physiques et des caractéristiques morales’.
A la division et la séparation des races, ils ajoutent la division et la séparation des cultures (Todorov 1989 : 135). Ils prônent que ‘les différences physiques déterminent les différences culturelles’ et soutiennent ‘la transmission héréditaire du mental et l’impossibilité´ de modifier le mental par l’éducation’ (Todorov 1989: 136). Par exemple, Wade (2014) rejette l’argument scientifique selon lequel la race n’est pas un phénomène biologiquement réel. Il insiste sur le fait que les scientifiques doivent se tromper car son bon sens insiste sur le fait que la race est réelle. « Comment le monde universitaire a-t-il réussi à se positionner sur une race aussi éloignée de la réalité et de l’observation du bon sens ? (Wade, 2014, p. 68,).
Bien sûr, Wade commet la même erreur que ceux qui insistent sur le fait que la Terre est plate (Garwood, 2008) ou que l’univers est géocentrique (Sungenis et Bennett, 2007) ou que Dieu ne joue pas aux dés avec des particules quantiques (Stone, 2013). Aussi bouleversant que cela puisse être, la science a maintes fois révélé que l’univers fonctionnait souvent de manière à défier les attentes du sens commun. C’est vrai avec les particules quantiques (Kumar, 2009b) et c’est également vrai avec la race. Malgré ce que Wade pourrait penser, des recherches scientifiques exhaustives sur le génome humain ont permis de déterminer que la race était aussi mythique que les licornes. L’extrême droite est donc ‘une doctrine de psychologie collective’ qui ‘ne se contente pas d’affirmer que les races sont différentes ; elle les croit aussi supérieures ou inferieures les unes aux autres, ce qui implique qu’elle dispose d’une hiérarchie unique des valeurs, (et) d’un cadre évaluatif par rapport auquel il peut porter des jugements universels’. (Todorov 1989: 137).( Betty Dobratz, “The Role of Religion in the Collective Identity of the White Racialist Movement,”).
Par conséquent, les extrémistes de la droite pensent qu’au regard de la description du monde telle qu’elle est déterminée par la race, il est nécessaire d’engager une politique adaptée en la matière. La théorie doit donner lieu à` la pratique, une politique d’organisation du monde doit être en harmonie avec la réalité´ du monde, des races et de leur hiérarchie. Ils établissent donc un lien entre le racisme et le racialisme dans la mesure ou` l’application d’une politique basée sur la doctrine racialiste peut mener à des comportements racistes, àla soumission des ‘races inferieures’, ou à` leur élimination (Todorov 1989: 137).
Le nationalisme blanc ou le protectionnisme racial est un ethno nationalisme paneuropéen attaché à la survie de la communauté raciale blanche imaginaire. Le nationalisme blanc est une société fermée organisée autour de la mythologie de la blancheur pour former une communauté raciale imaginée que le nationaliste blanc est obligé de défendre face à des ennemis raciaux imaginaires. Dans la société fermée, la guerre et la haine découlent des injonctions mêmes à aimer et à protéger la société contre les agents déstabilisants et extraterrestres. En d’autres termes, les expressions de haine des personnes racialisées dans le nationalisme blanc américain sont en même temps des expressions d’amour pour la communauté raciale blanche imaginée. Les nationalistes blancs prouvent leur loyauté et leur amour pour la race blanche dans leur haine catégorique contre l’ennemi racial mythique. Chaque discours haineux raciste est donc en même temps une déclaration d’amour pour la race blanche. Chaque acte de violence raciale devient la preuve du dévouement amoureux à la race. Ce nationalisme forme la base des visions du monde des nationalistes blancs et construit une éthique motivante qui façonne et informe leurs pensées et leurs actions. Même s’ils diffèrent souvent les uns des autres de manière significative, Les nationalistes blancs partagent la conviction commune que la race blanche est en danger et que chaque homme et femme blancs a le devoir de faire ce qui est en son pouvoir pour la protéger de l’extinction biologique. Ils soutiennent que les Blancs doivent conserver leur majorité dans des pays à majorité blanche, conserver leur domination politique et économique et que leurs cultures doivent être au premier plan.
De nombreux nationalistes blancs croient que la métisse, le multiculturalisme, l’immigration de non-Blancs et le faible taux de natalité parmi les Blancs menacent la race blanche, et ainsi leur nationalisme prend diverses formes, y compris le recours à la violence, mais il se concrétise plus souvent dans la lutte contre la contamination culturelle et idéologique perçue. Ces efforts de pureté idéologique reflètent la fétichisation de la soi-disant pureté biologique raciale et donnent lieu à une orientation dans laquelle l’un est imaginé comme étant lié à l’autre. La pureté idéologique et biologique devient alors le foyer de l’auto surveillance dans le but de protéger la communauté raciale blanche imaginaire contre une pollution destructrice et affaiblissante, qu’il s’agisse de sexualité interraciale ou d’idéologies religieuses ou politiques qui contredisent ou sapent son engagement à la survie raciale blanche. (O’Meara and Swain ; Timothy McGettigan, Earl Smith).
Le nationalisme blanc est parfois décrit comme un euphémisme pour la suprématie blanche, ou un sous-ensemble de cette suprématie, et les deux ont été utilisés indifféremment par les journalistes et autres analystes. Les groupes nationalistes blancs épousent le séparatisme blanc et la suprématie blanche. Le séparatisme blanc est la poursuite d’un « État blanc « ; le suprématisme est la conviction que les Blancs sont supérieurs aux non-Blancs, prenant ainsi des idées issues du darwinisme social et du nazisme. Les nationalistes blancs évitent généralement le terme « suprématie » parce qu’il a une connotation négative.
Les critiques soutiennent que le terme « nationalisme blanc » et des idées telles que l’orgueil blanc existent uniquement pour donner un visage public humain à la suprématie blanche et que la plupart des groupes nationalistes blancs encouragent la violence raciale.
Le radicalisme : Si l’inégalité entre les hommes, les peuples, les nations et les cultures est établie, et si le nationalisme extrême existe dans la meilleure organisation politique de la société, le radicalisme devient un mode d’action,une opposition radicale et sans compromis aux obstacles, aux barrières et aux acteurs qui empêchent la réalisation du nationalisme blanc. La réalisation du nationalisme doit donc être comprise comme un motif d’activité. On peut, par exemple, y voir une violence motivante, comme ce fut certainement le cas récemment avec l’attaque terroriste contre deux mosquées de la ville néo-zélandaise de Christchurch. Cela motive également de nombreuses formes d’activisme, notamment des campagnes de sensibilisation tels que le site White Genocide Project,#White Genocide Project A Success! , la création de blogs et de forums de discussion, ainsi que la publication imprimée et numérique.
La victoire électorale de Trump a été applaudie par les nationalistes du monde entier, y compris le Front national français et le parti manifestement antimusulman de l’Allemagne, Alternative al-Deutsch land. Les nationalistes hindous ressentaient également une fierté particulière face à la victoire de Trump, les félicitant même comme étant la seule personne capable de sauver l’humanité de l’islam en raison de sa forte position vis-à-vis de l’immigration musulmane et de la nécessité de créer un registre musulman.La raison de ce soutien généralisé de la part de l’extrême droite mondiale est bien sûr ce qui a attiré l’attention de David Duke, Jared Taylor, et de ceux associés à l’Alt-Right en premier lieu à Trump: sa rhétorique anti-immigration et anti-mondialisation et son discours très fortement racialisée et sectaire à propos des Mexicains et des musulmans. Ce qui est peut-être préoccupant également, en particulier pour les étudiants en histoire religieuse américaine, est que les chrétiens sionistes blancs ont soutenu Trump pour des raisons très similaires. ( Damon T. Berry).