«La crise sanitaire a fortement accéléré le virage numérique de notre pays»

Mohammed Drissi Melyani, directeur général de l’ADD

Le directeur de l’Agence de développement digital (ADD), Mohammed Drissi Melyani, a accordé une interview à la MAP dans laquelle il met l’accent sur l’importance de la digitalisation en cette période de crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) et sur l’essor de ce secteur :

La crise liée à la pandémie du covid-19 a mis en évidence l’importance de la digitalisation dans divers domaines (éducation, banques, achats et paiements en ligne, conférences, etc.). Quelle est votre lecture de cet essor du digital au Maroc ?

Le constat est sans appel, la crise sanitaire que nous vivons depuis mars dernier a fortement accéléré le virage numérique de notre pays. En effet, l’esprit d’innovation marocain et l’adoption des technologies numériques ont indéniablement contribué à renforcer la collaboration entre acteurs publics et privés en vue d’assurer la continuité des services offerts à leurs usagers (citoyens et entreprises). Aujourd’hui, les outils digitaux font désormais parties intégrantes de notre quotidien. Nous observons avec fierté qu’un progrès technologique s’est développé dans tous les secteurs socio-économiques (la santé, les services publics/e-gov, l’enseignement, la formation, etc) visant à mettre à la disposition des usagers de nouvelles solutions répondant à ses attentes.

Il suffit de prendre l’exemple de l’adoption par les administrations des solutions digitales, «Bureau d’Ordre Digital», «Parapheur Electronique» et «Télé-rendez-vous», déployées par l’ADD pour constater l’accélération du chantier e-gov au Maroc et leur adhésion à ce vaste chantier stratégique.

En effet, le nombre d’administrations ayant souscrit aux plateformes «bureau d’ordre digital» et «parapheur électronique», est passé de 30 à près de 900 administrations en l’espace de 6 mois. Ceci dénote de l’intérêt grandissant accordé au digital par les acteurs publics et de la prise de conscience collective grandissante de recourir aux outils innovants et la volonté d’instaurer et d’adopter une nouvelle culture digitale au sein du secteur public.

Sur unautre registre, nous remarquons avec satisfaction que certaines entreprises ont initié très rapidement les premières démarches et actions de transformation digitale au sein de leurs organisations, ce qui nous rassure de l’engouement que ce vaste chantier a suscité et dont l’impact sur la relance économique de notre pays est bénéfique.z

Ce développement rapide nécessite bien évidemment un accompagnement à tous les niveaux. Quelles sont les actions que l’ADD compte mener dans ce sens?

Les travaux conduits par l’ADD ont permis de relever les obstacles rencontrés lors de la mise en œuvre des stratégies numériques précédentes et de proposer en conséquence, des orientations générales pour le développement du digital pour les cinq prochaines années.

Ces travaux ont pris en compte les tendances et évolutions internationales en la matière ainsi que les exigences de développement du digital pour formuler ensuite ces orientations articulées autour de trois axes stratégiques:

– «Administration digitale» regroupant les différentes initiatives visant à assurer la transformation digitale de l’administration marocaine;
– «Ecosystème Digital et innovation» ayant pour ambition de garantir le développement accéléré de l’économie digitale au Maroc;
– «Inclusion sociale et développement humain» a pour but d’améliorer la qualité de vie des citoyens via le Digital.

La mise en œuvre de cette vision nécessite au préalable de mettre en place un environnement favorable et propice au développement du digital qui repose sur le développement de quatre piliers transverses suivants:
– Elaboration d’un programme dédié de formation aux nouveaux métiers du Digital ;
– Mise en place des infrastructures nécessaires;
– Meilleure adaptation du cadre réglementaire;
– Instauration d’une culture du Digital dans le pays.
L’ADD, en tant que catalyseur de la transformation digitale du pays, a déjà entamé la mise en œuvre de cette vision à travers sa feuille de route qui regroupe 15 chantiers structurants dont 5 sont prioritaires, à savoir:
– La plateforme d’échange de données entre les administrations qui consiste à mettre en place une plateforme d’interconnexion des systèmes d’informations des différentes administrations et institutions publiques au profit des citoyens et des entreprises.
– La mise en place d’une digital factory qui fonctionne en mode agile, et en charge de la digitalisation rapide des services publics.
– La mise en place d’un écosystème dédié à l’intelligence artificielle qui ambitionne de créer de nouveaux services, de nouveaux emplois et de nouvelles compétences.
– Le programme génération digitale qui consiste à élaborer et mettre en place un programme national de formation au digital pour inclure les nouveaux métiers du digital dans l’enseignement supérieur, la formation continue, la formation professionnelle et la recherche scientifique ainsi que la promotion de la culture digitale auprès des jeunes et des citoyens.
– L’appui à l’évolution du cadre réglementaire pour la réussite de la transformation digitale au Maroc, notamment via la promotion des investissements dans le domaine du digital, l’accès des startups aux marchés publics et la généralisation de la signature électronique et du paiement électronique au sein de l’Administration.

Enfin, il est clair qu’un accompagnement à tous les niveaux est nécessaire pour favoriser l’appropriation et la pérennisation de cette dynamique de digitalisation dans notre pays. Cet accompagnement passe notamment par la mise en œuvre de réels programmes de conduite de changement permettant la contribution des usagers dans la recherche des leviers de la croissance.

Quels sont les défis auxquels fait face le Royaume en matière du développement digital?

Il faut savoir que depuis quelques années une attention toute particulière est accordée au secteur du digital, sous la conduite éclairée de SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, en vue de lui favoriser les conditions optimales pour son développement et ainsi assurer le développement durable de notre pays.

Toutefois, des défis majeurs restent à surmonter pour permettre une meilleure transition numérique efficiente. Ces défis ont d’ailleurs été mis en exergue par l’ADD dans l’élaboration de la note d’orientations générales pour le développement du digital à horizon 2025 (https://add.gov.ma/storage/pdf/Avril_NOG_ADD_fr_SITE_VF.pdf) à savoir :
 • Identifier et clarifier les missions et compétences de chaque acteur public impliqué dans le développement d’un gouvernement numérique;
 • Définir un modèle de gouvernance clair devant fédérer l’ensemble des acteurs de l’écosystème digital marocain et coordonner leurs actions;
 • Se doter d’outils de pilotage performants permettant d’avoir des indicateurs fiables et d’assurer une veille stratégique et concurrentielle par rapport aux indicateurs fixés, ainsi que de suivre les tendances technologiques.
 • Opérer des choix d’infrastructures structurants tels que l’utilisation de la technologie du cloud, la construction de data centers à l’échelle nationale, le cadre approprié dédié à la cybersécurité, le plan Haut Débit national, etc;
 • Mettre en place un plan sectoriel de transformation digitale transverse visant à faciliter à l’ensemble des opérateurs économiques actifs dans les divers secteurs d’activités (industrie, commerce, agriculture, santé, éducation, tourisme, etc) de s’impliquer et de s’inscrire dans le processus du virage numérique, de promouvoir l’innovation et d’encourager la recherche et développement.

Pour faire face aux défis pré-cités et assurer ses missions, l’ADD adopte une approche participative impliquant l’ensemble des parties prenantes. A cet égard, elle assure la coordination et la concertation autour des enjeux multiples de la transformation digitale et de son impact sur l’environnement global des usagers (entreprises et citoyens).

Le Rapport «Digital Riser Report 2020» révèle le classement des pays de chaque région, en termes de compétitivité digitale. Le Maroc tient la 4ème place importante dans la région MENA. Quel est votre commentaire?

Le nouveau classement du Maroc au niveau du rapport «Digital Riser Report 2020» montre la forte volonté, l’engagement et le soutien du gouvernement marocain à l’écosystème Start-up, et sa détermination à soutenir le chantier de la transformation digitale du pays.

En effet, l’écosystème Start-up regroupe différents acteurs, dont les entités spécialisées dans le financement (les établissements de crédit), l’accompagnement et l’internationalisation des entreprises (les incubateurs et les accélérateurs). Ces derniers veillent au développement des compétences numériques et à l’instauration d’un esprit d’innovation favorisant la création de solutions disruptives essentielles à l’accélération de la transition numérique et à l’amélioration de la compétitivité des startups.

Cela dit et pour un développement inclusif et plus soutenu de l’écosystème startup, des efforts restent à fournir afin d’alléger les contraintes réglementaires et administratives pour ce type d’entreprises innovantes et permettre ainsi d’améliorer la position du Maroc dans ce classement.

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