A Salé, le métier de potier en voie de disparition…

Il est 15h. Derrière les murs de béton du complexe des potiers d’Oulja à Salé, se niche l’atelier d’Hassan Hmitchate, potier de 57 ans. A la vue de l’artisan, une passion pour son travail  se lit sur les traits de son visage. L’homme qui exerce le métier depuis 1971 en connait les secrets et les rouages.

Cette année, le mois de Ramadan coïncide avec la saison estivale. Hassan et les autres artisans, mélangeant la pâte avec leurs mains, défient la chaleur et les contraintes du jeûne. «J’ai commencé à  exercer ce métier artisanal en 1971. A l’époque, cette profession connaissait son apogée. Aujourd’hui, c’est tout à fait le contraire. On remarque une certaine régression et un recul considérable», nous explique Hassan. «Dans cet atelier, travaillaient une cinquantaine de personnes. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que trois », déplore-t-il. Et pour cause, de nos jours, les jeunes préfèrent s’orienter vers d’autres carrières professionnelles au lieu de manier la boue au quotidien.

Aujourd’hui, la poterie traditionnelle fait face à plusieurs défis, notamment la concurrence des ustensiles en inox et en aluminium qui inondent le marché. «Notre métier ‘’souffre’’ de la concurrence. A cela s’ajoutent les enfants et les jeunes  qui ne viennent plus apprendre  le métier. Il faut dire que c’est un métier qui n’est pas structuré, car il n’y a pas un temps précis et réglementaire pour l’exercer. Bref, ici, à salé, ce métier est en voie de disparition», ajoute Hassan.

Qui plus est, la matière première de la poterie se fait rare. Aujourd’hui, poursuit Hassan, il  n’y a plus de carrières de  boue.  Il y en avait une seule, confie-t-il, celle de Bab Challah qui a été fermée en 2004 ou 2005. Il faut attendre qu’un immeuble soit construit pour récupérer la terre de sa cave et en faire de la pâte, nous explique l’artisan.

A l’instar des autres pays connus dans la poterie, le Maroc fait partie des destinations disposant d’une compétence remarquable en la matière. A Safi, comme à  Salé, à Fès, à Tamgrout à Zagora, à  Safi,  au Nord et au  Sud du pays, chaque pièce et poterie traditionnelle a sa spécificité.

À l’intérieur de l’atelier, il fait frais.  En rentrant dans l’atelier, c’est l’odeur de la pâte conservée il y a quelques semaines voire des mois qui s’exhale et renforce le sentiment de retour et d’attachement  à la terre. Sur les ondes d’une radio privée, une musique occidentale électrique brise le silence de l’espace. Hassan, potier inlassable, continue de fabriquer ses pièces de  tagines marocains. Avec dextérité, il manie la pâte et réalise des formes à sa guise. Une fois les pièces prêtes, un jeune homme, la trentaine environ, se charge de les exposer au soleil et les met ensuite dans le four.

«Nous fabriquons ici les tajines marocains, les «kasriya» et tous les autres ustensiles à usage domestique ou culinaire. Je réalise presque 300 pièces, soit 1600 dirhams par semaine que je gagne avec ce jeune qui m’aide. La plupart des clients demandent des tagines sans peintures», poursuit-il.

Dans un autre atelier, le jeune Abdelmadjid Abou Lfaraj marche sur les traces   de son père et préserve ce métier. «J’ai ouvert mes yeux dans un atelier de poterie. J’exerce ce métier depuis 20 ans. C’est à l’âge de 13 ans que j’ai fait mes premiers pas dans ce métier…  Dans cet atelier, nous sommes trois artisans professionnels qui travaillons. Il y’en a trois autres qui s’occupent du four traditionnel et deux employés qui préparent la pâte. Il faut dire que les jeunes d’aujourd’hui ne veulent pas apprendre ce métier», souligne Abdelmadjid en esquissant un sourire.

Pour réaliser une pièce, les artisans passent  une semaine environ à la préparer  à  travers cinq  étapes. Chaque pièce est gardée à l’ombre pendant trois ou quatre  jours.  Par la suite, on l’expose au soleil durant trois ou quatre jours. Une fois prête, elle est mise immédiatement dans le four.  Au Complexe de la poterie  d’Oulja à  Salé, Younes, jeune de  30 ans a préféré investir dans une boutique pour la vente des produits artisanaux notamment les tagines, vases, cendriers, tasses et de produits de décoration. Mais il rencontre également des défis. Le problème  des produits du complexe réside dans leur commercialisation, indique-t-il. «L’artisanat est en recul. Cela fait des années que les étrangers ne viennent pas acheter des produits. La plupart de nos clients, ce sont des Marocains qui achètent des tagines, les plats couscous et les pièces de décoration. L’artisanat de poterie, à mon avis, est en voie de disparition», déplore le jeune  commerçant.

Naît Youssef

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