«Abdelaziz, l’organisateur du parti révolutionnaire…»

Feu Ahmed El Gharbaoui :

Un des fils le plus valeureux de notre peuple, un des dirigeants émérites du parti d’avant-garde de la classe ouvrière, Aziz Belal, vient de disparaitre brusquement… et combien brusquement.

Bien qu’il remonte à plus d’un moins, l’événement est toujours à la fois stupéfiant et dramatique. On sait que dans la grande peine et dans leur grande affliction, les militants de notre parti et des autres forces progressistes et patriotiques, politiques et syndicales, ne trouvent pas les termes convenables pour le qualifier.

Un hommage unanime…

D’autant  qu’il reste beaucoup à apprendre et beaucoup d’autre à ce sujet. Quoiqu’il en soit. Les messages de deuil, de condoléances et de désolation continuent à affluer de toutes les régions du pays et de toutes les couches sociales ; comme ils continuent à affluer de divers les détachements du mouvement ouvrier international, en particulier de nos camarades des partis communistes, des pays socialistes, et d’importants mouvements de libération nationale de la planète. A travers les colonnes  de notre journal « Al Bayane », le peuple marocain a pris connaissance de la quantité impressionnante de ces témoignages, notamment de ceux émanant de divers milieux économiques et intellectuels au sens large. On sait, enfin à travers une présence massive de dizaines de milliers de citoyens, notre peuple a réservé des funérailles nationales à notre grand camarade prématurément disparu.

Tous ceux-là, sans oublier les organes de presse, les secteurs étatiques, au plus haut niveau, ni les cercles diplomatiques, ont exprimé  avec une grande sincérité, tout ce qu’ils ressentaient à propos de la grande figure d’Aziz Belal. Ses qualités scientifiques, ses compétences de chercheur et d’universitaire, son intégrité morale, son dévouement inébranlable aux idées du socialisme scientifique qu’il a enrichies et sa modestie ont été particulièrement mis en relief. Et ce n’est que justice.

En tant que militant et responsable du PPS, je voudrais également témoigner du rôle d’Abdelaziz Belal dans l’organisation du parti d’avant-garde de la classe ouvrière particulièrement à Rabat et dans sa région.

Je lui dois personnellement 23 ans de parti, prés d’un quart de siècle…C’est en février 1959 qu’Abdelaziz m’a fait adhérer au parti. Et depuis nous étions devenus des amis intimes, des camarades dévoués et des compagnons d’armes.

J’ai même l’honneur d’assurer son intérim au bureau régional du parti (qu’il a dirigé pendant une dizaine d’année) aux moments critiques de Juillet 1971. C’est sur un terrain vague de la côte Casablancaise que nous nous rencontrions pour cordonner notre action. Et c’est dans telles conditions que j’ai fait la connaissance profonde du camarade révolutionnaire  dans le feu de l’action le plus intense, du camarade modeste, de l’ami de toujours et du dirigeant communiste de la taille que tout le monde lui reconnait aujourd’hui.

J’aurais dü le dire par écrit depuis…Car Abdelaziz Belal, en plus de ses diverses qualités, jouait un grand rôle dans l’organisation du parti dans la ville de Rabat et dans sa région et partant dans le maintien et le développement de nos activités révolutionnaires quelles que soient les circonstances et contre vents et marrées. Ce rôle d’organisateur du parti révolutionnaire. Il le manifestait parmi les ouvriers et employés de Rabat-Salé, les paysans pauvres du Gharb, les habitants des quartiers populaires, les enseignants du supérieur et du secondaire, les étudiants, les jeunes, les femmes…

1/ dans le domaine ouvrier, il accordait une importance particulière aux grandes entreprises des villes de Rabat, de Salé, du centre de Témara et aussi aux travailleurs de Bouznika, de Bouknadel et des carrières de l’oued Yquem.

Nombreux sont aujourd’hui, les travailleurs du textile ( Filroc, Satas, Utex), des transports (autobus) et des travaux publics(conduites d’eau) qui s’en souviennent.

Au cours des nombreuses réunions, Aziz dans des temps les plus simples,  ne cessait d’expliquer  aux ouvriers, notamment aux militants et responsables syndicaux les mécanismes multiples de l’exploitation et d’exposer les voies proposées par le parti pour s’en libérer.

La répression et l’appétit  du gain du patronat, la complicité de nombreux agents d’autorité et les manœuvres de certains responsables syndicaux étaient passés au peigne fin.

2/ L’Organisation  de la réorganisation des paysans pauvres du Gharb dans le parti était la véritable 2e préoccupation de Abdelaziz Belal après ; ou parfois en même temps que n’arrêtait pas de « trotter » à travers divers douars, en empruntant le train, l’autocar, le taxi ou la voiture d’un camarade quand il en existait…Ici également, il développait des thèmes simples : retour des terres de colonisation à leurs véritables propriétaires, les paysans pauvres, crédits agricoles, droit à l’eau des barrages, libertés… en un mot la réforme agraire.

Mais Aziz Belal avait une conscience précise du degré possible d’organisation des paysans pauvres dispersés. Aussi recommandait-il des regroupements autour des ouvriers salariés agricoles, des travailleurs des sucreries, des instituteurs et plus généralement autour des villes de Kenitra, de sidi Slimane, de Mechra-Beleksiri. Ici également tout le monde s’en souvient, comme s’en souviennent de ces villes elles-mêmes, tels les travailleurs du carton de Kenitra.

On se rappelle, en particulier, la véritable bataille que menait Abdelaziz Belal pour la résurrection d’un syndicalisme ouvrier agricole. Ce syndicalisme ne lui attirait pas que des sympathies.

3/ L’action politique dans les quartiers populaires constituait

Une de priorités majeures dans l’esprit organisateur de notre défunt camarade. La raison était double ; il s’agissait justement et en priorité du peuple des villes et aussi du lieu d’habitat de la quasi-totalité de la classe ouvrière. C’était aussi un lieu de rencontres des paysans pauvres migrants et des prolétaires urbains. En somme, la mobilisation populaire passait en grande partie par les quartiers populaires … et sur des thèmes immédiats qui allaient du droit au logement décent (lutte contre les bidonvilles) jusqu’au droit à un avenir décent pour les enfants (génération future), en passant par le droit à une vie décente, à la santé, à l’enseignement … c’est ce que répétait sans cesse Aziz Belal à Yacoub el Mansour, à Akkari, à Takaddoum, à Battana de Salé…

4/ La lutte que menait Abdelaziz Belal parmi les enseignants (du supérieur et du secondaire) et les étudiants est connue de tout le monde. Elle ne peut être développée ici. Il suffit de dire deux choses à ce sujet qu’il a constamment développées dans ses conférences :

– Un enseignement démocratique au profit de l’ensemble des fils du peuple, la lutte pour une authentique culture populaire, révolutionnaire, anti impérialiste et dépouillée de tout esprit passéiste. Pour cela, il n’existe que deux armes : l’unité syndicale et l’intégration conséquente des enseignants dans le mouvement syndical dans lequel se reconnaissait la classe ouvrière.

Les étudiants, la jeunesse et les femmes…

– Aux étudiants, il recommandait l’esprit d’étude et de responsabilité qui est en même temps un esprit de lutte  pour la transformation des structures archaïques de notre société. Ce qui passe naturellement par l’unité  indissoluble au sein de l’UNEM et la lutte contre toutes les déviations, gauchistes ou droitières, et tous les courants qui, en tentant d’utiliser le mouvement étudiant à des fins inavouées, le mèneraient à la dislocation, à la dispersion, à la division et partant à la faiblesse et à l’inaction. La place naturelle des étudiants est aux cotés  du peuple  et de ses droits nationaux, aux côtés des forces révolutionnaires et progressistes, c’est-à-dire auprès de ceux qui luttent pour la libération de la terre et de l’homme.

5/ La lutte de Abdelaziz Belal contre le dévoiement de la jeunesse et l’éloignement des femmes de la vie militante a toujours été constante. Sa contribution à l’échelle nationale dans la lutte pour la création de la JMPS et le développement du secteur-Femmes du PPS est connue de tous les militants de notre parti. Elle est également connue par notre peuple. Il suffit de dire qu’Aziz n’a jamais cru à une transformation révolutionnaire de notre société sans la participation pleine et entière, à tous les niveaux, de la jeunesse et des femmes.

Tels sont donc les principaux apports de Abdelaziz Belal à notre parti dans le domaine de l’organisation, particulièrement dans la ville de Rabat et dans sa région. Certes, il serait indigne de Aziz de dire de lui qu’il a été seul à concevoir et à mettre en œuvre toutes ces tâches, il ne s’agit donc ni d’édifier des idoles, ni d’établir un quelconque culte des personnalités. Ce serait insulter Abdelaziz Belal lui-même à titre posthume.

Mais, en fin de compte, le grand mérite de notre estimé camarade défunt a été de contribuer amplement au dégagement de ces axes d’actions et de les mettre en œuvre avec et sous la direction de son parti dont il acceptait consciemment et modestement le contrôle. Il avait compris    que c’est dans ce cadre la libération totale de nos masess populaires. Et ce n’était pas la moindre de ses valeurs. Notre parti et notre peuple ont donc toutes les raisons de placer Abdelaziz Belal là où il doit être, c’est à dire auprès d’un autre héros du parti, Abdelkrim Ben Abdallah, et auprès des autres martyrs de notre peuple et de notre patrie.

Personnellement, encore une fois, je dois à Abdelaziz Belal 23 ans de Parti. C’est plus que la moitié de ma vie. Il ne m’est jamais venu à l’esprit, que j’assisterais un jour à sa disparition. Hélas, l’évidence est tristement là. Il ne reste   au PPS qu’à renouveler un serment de fidélité et à remercier tous ceux qui partagent notre affliction et notre peine. En notre nom à tous, le camarade Ali Yata l’a fait au cimetière des martyrs de Casablanca. C’est ce que nous ne cessons et ne cesserons jamais de confirmer individuellement et collectivement. Il n’en demeure pas moins qu’Abdelaziz nous manquera terriblement.

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