Abdelhafid Aïssaoui, le 7 e art… jusqu’au bout du rêve

«Ma surprise fut immense quand on m’a prononcé mon nom lors de la cérémonie de remise du Grand Prix du concours Reggab du court- métrage en 2016. Je ne m’attendais pas du tout que la première œuvre dans ma carrière professionnelle soit récompensée lors d’une telle prestigieuse compétition», déclare-t-il au journal Al Bayane.

Il faut dire que le parcours de Abdelhafid Aïssaoui, jeune réalisateur natif d’Oujda, contredit tous les stéréotypes et donne l’exemple d’une génération capable de se frayer un chemin dans l’undes univers les plus disputés.  A 26 ans, Aïssaoui compte déjà à son actif des documentaires de haute facture. Une prouesse rarement égalée à cet âge.

En plein Boulevard Zerktouni au centre-ville de la capitale de l’Oriental, chaque matin, Abdelhafid sirote son café en creusant les méninges touten pensant à ses projets futurs. «Le cinéma est ma raison d’être. C’est mon univers à moi», souligne-t-il.

En fait, l’enfant de l’Oriental, épris des œuvres du réalisateur japonais Akira Kurosawa, rêvait de faire du cinéma depuis sa petite enfance. Son papa qui détient actuellement une entreprise de production Audiovisuelle, lui confie les missions photographiques lors des fêtes scolaires de fin d’année. «J’éprouvais un plaisir indescriptible en photographiant ma maîtresse ou mes camarades de classe. C’est lors de ces rencontres que j’ai pris le goût de l’image et savourer le plaisir de la création», raconte-t-il.

Durant les vacances d’été et contrairement à ses compères de classes dont la majorité se rendaient à Saïdia, Abdelhafid préférait allait travailler dans le laboratoire photographique de son père, qui fut photographe professionnel. En parallèle, il avait un faible pour les grosses motos. «J’étais souvent tenté par l’aventure. Monter sur une moto me procurait un sens de liberté et d’émancipation», confie-t-il.

Son caractère opiniâtre et son pragmatisme ont lui montré qu’il n’avait pas tort le jour où elle a décidé de poursuivre des études de cinéma en faisait fi de toutes les mises en gardes de son entourage. Ses parents en premier. La famille ne voulait point que leur fils quitte le cocon familial.

Jusqu’au-boutiste, l’enfant du quartier Ould Cherif, n’en faisait qu’à sa tête en décidant de prendre la destination d’Ouarzazate, juste après avoir décroché son bac en économie de gestion au Lycée Omar Ibn Abdelaziz.Ce fut un mois de septembre en 2013. Arrivé à 4h du matin, il ne savait à quel saint se vouer, disposant seulement de 1500 DH. Il a dû galérer pour trouver un refuge. Puis, il s’est inscrit à l’Institut des Métiers du Cinéma et de l’Audiovisuel (ISMC).

Afin de subvenir à ses besoins, l’enfant d’Oujda était contraint de faire des petits métiers aux studios de cinéma. Ainsi, il a eu l’opportunité de travailler en tant que technicien dans plusieurs films et séries télévisées, tels «Bible Vr», «Sacred sites of the World» ou encore «Gautamiputra»… «Ce fut une occasion pour découvrir de près le monde du tournage et aiguiser mes compétences. J’ai pu côtoyer de grands réalisateurs lors de ma présence sur leplateau du tournage. Ces expériences ont renfoncé davantage ma confiance en moi et m’ont donné envie d’aller jusqu’au bout de mon rêve», reconnait-il.

Pendant les soirées, Abdelhafid allait à la rencontre de ses amis qui jouaient la figuration dans les films pour gagner leurs vies. Les discussions se tournaient souvent sur les conditions de travail des artistes, leurs malaises et leurs souffrances quotidiennes. «C’est à partir de nos échanges que m’est venu l’idée de faire un court-métrage sur la vie des artistes à Ouarzazate», dit-il.

Une ambition sans limites!

Après avoir achevé ses études à l’institut, il intégra la Faculté polydisciplinaire pour faire une licence en gestion de la Production cinématographique. Lassé des études théoriques et académiques, il abandonna les bancs de l’université après deux mois seulement, convaincu, à tort ou à raison d’ailleurs, que la formation académique, à elle seule, n’est pas suffisante. «J’ai dû abandonner ce cursus vu que les cours se déroulaient dans un sens unique. Qui plus est, les formations figées, portaient purement sur l’aspect techniciste mettant à l’écart l’idée de la créativité», déclare-t-il.

Afin de concrétiser son projet, il en appela à son père pour lui apporter assistance. Ce dernier a mis à sa disposition tous les moyens pour concrétiser son projet.

Avec l’aide de ses amis qui se sont portés bénévoles, Abdelhafid commence le tournage du film avec les moyens du bord.

En dépit du caractère soi-disant pessimiste du scénario, le film chute sur un message positif : «La mort est une évidence. Mais il ne faut jamais se laisser abattre par le destin».

En termes plus clairs, le message du film consiste à encourager les gens à ne jamais battre en retraite. «Les gens ne doivent jamais se laisser porter par les idées défaitistes. L’être humain est censé être porteur d’un message noble, celle de contribuer à la construction de la société dans laquelle il vit», explique-t-il.

Après sa consécration du concours Mohamed Reggab des jeunes cinéastes, le jeune réalisateur va s’attaquer à d’autres projets, portant sur les limites des libertés individuelles notamment la rupture du jeune dans un pays islamique ou la problématique des enfants abandonnés dans les rues de la ville d’Oujda.

Abdelhafid a été également sollicité par la chaîne qatariote Al Jazeera pour la réalisation d’un documentaire sur «l’histoire d’un plateau de cuisine : Al Bakbouka».

Pour l’heure, il prévoit de prendre part au prochain festival du film de Tanger avec un nouveau court-métrage intitulé «L’ombre du mur» et qui relate l’histoire d’une femme «gigolo», voleuse d’hommes.

Les ambitions de l’enfant Aissaoui n’ont pas de limites. En fait, il prévoit déjà de tenter, à moyen terme, l’expérience de la réalisation des longs métrages. D’ailleurs, le projet du scénario est fin prêt, révèle-t-il. Le film non encore réalisé, placé sous le titre «Les refoulés», raconte l’histoire d’une femme vivant en Algérie, contrainte à quitter son mari lors de la nuit de ses noces.

Cela étant, le cinéma, outre son aspect esthétique, doit être le miroir de la société. C’est un médium libre au service de l’émancipation et à travers lequel le réalisateur transmet ses convictions et ses idées sans censures ni auto-censure», conclue-t-il.

Khalid Darfaf

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