Accréditation !

Que de questions ? A l’approche des échéances législatives les interpellations fusent de toute part, à commencer par les proches. Les partis politiques aussi bien de la majorité gouvernementale que de l’opposition parlementaire sont l’objet d’appréciations qui terminent un pronostic sur leur probable classement électoral. Les responsables politiques sont décrits et leur image publique interfère sur l’évaluation de la formation qu’ils dirigent. Tout cela se fait à chaud. La persuasion est beaucoup plus usitée que l’argumentation pour convaincre. Il s’agit d’un jeu de rôle subtil pour s’informer de l’opinion des interlocuteurs où les différentes sortes d’arguments sont utilisées, de la logique à l’attaque personnelle spécieuse.

La défaillance relative du développement humain dans notre pays par la persistance de l’analphabétisme, de la corruption et d’autre maux de la société fait que  le constat de J.J. Rousseau reste d’actualité : «Vos citoyens, tout absorbés dans leurs occupations domestiques, et toujours froids sur le reste, ne songent à l’intérêt public que quand le leur propre est attaqué. Trop peu soigneux d’éclairer la conduite de leurs chefs, ils ne sentent les fers qu’on leur prépare que quand ils en sentent le poids. Toujours distraits, toujours trompés, toujours fixés sur d’autres objets, ils se laissent donner le change sur le plus important de tous, et vont toujours cherchant le remède, faute d’avoir su prévenir le mal».

L’évolution du processus démocratique a rendu les partis plus électoralistes qu’ils ne l’étaient auparavant. Le débat est beaucoup plus centré sur les accréditations des uns et des autres que sur  les projets. Il s’agit de s’assurer de l’élection. C’est ce poids électoral qui compte dans la composition du gouvernement et donc dans la gestion des affaires publiques et leur retentissement sur l’élargissement des adhésions partisanes. L’intersection entre la base militante et la base électorale se réduit de plus en plus que des problèmes inhérents à la « démocratie interne » apparaissent. Les défaillances chez certaines formations politiques ou ralliements chez d’autres montrent que l’essentiel reste dans l’ambition légitime de tout un chacun de croire qu’il est digne de représenter la population sans considération pour la structure partisane et son mode de fonctionnement. La composition des listes nationales réservées aux femmes et aux jeunes fait l’objet de spéculations et va permettre à celles et à ceux qui ne sont pas capables de l’emporter par le suffrage universel de se faire élire par le rendement collectif du parti. Discrimination positive dont l’attrait est plus que sensible pour  certain(e)s.

Le programme électoral fait partie de la promotion de la campagne électorale, il est loin encore de devenir son pivot. Plus que le projet de société dans son ensemble, la population revendique l’amélioration de ses conditions de vie, d’autant plus que dans les domaines des libertés individuelles et collectives, des avancées sensibles ont été réalisées. Si l’expression, dans toutes ses formes, est devenue plus libre que par le passé ; les conditions de vie restent problématiques pour une grande partie de la population aussi bien dans le monde rural que dans les agglomérations urbaines et ses périphéries. Les stocks électoraux se retrouvent dans ces lieux où la marchandisation du vote règle les problèmes du quotidien. A moins que ceux-ci ne soient pris en charge dans des opérations de solidarité où l’identitaire et le religieux dominent. Pour ces masses, il ne s’agira ni du modèle de développement économique à promouvoir pour que le Royaume du Maroc devienne un pays émergent, ni des conditions nécessaires et suffisantes pour s’assurer de l’alternance politique dans la gestion des affaires.

Cette alternance est désirée par toutes celles et tous ceux qui croient que le gouvernement Benkirane est un accident de parcours. Ne voulant pas que la sentence de J.J. Rousseau (encore lui !) qui veut que « Les peuples une fois accoutumés à des maîtres ne sont plus en état de s’en passer. » se réalise, ils s’agitent dans un mouvement brownien donnant au conflit démocratique une ampleur existentielle. A l’inverse, celles et ceux qui ont milité activement pour l’alternance consensuelle et le renouveau du champ politique marocain savent que la consolidation du processus démocratique dans la stabilité et le respect des fondamentaux du Maroc ne peut souffrir d’options opportunistes et commensales. En démocratie, le respect des résultats des urnes s’impose à tous sans que la tension créée par l’ouverture ne puisse favoriser le contrôle du conflit démocratique par le conditionnement des individus au lieu de leur émancipation, aussi relative soit-elle. Ainsi, l’édification de l’Etat national démocratique et moderne se réalise.

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