Ali Yata, le magister…

«Réunion, Camarades !». C’est ainsi que retentissait, la voix de feu Ali Yata, dans les couloirs des journaux du PPS pour rassembler, au quotidien, les staffs de la rédaction. Même retentissement, igné et crépitant,  tonnait sous la coupole de l’hémicycle et rugissait dans l’esplanade du meeting. Il y a treize ans, jour pour jour, cette résonance impétueuse et véhémente s’est tue, au moment où il venait de transcrire une missive fédératrice aux leaders de la Koutla, à la veille de la grande retrouvaille. L’artisan de l’ingénieuse trouvaille réunificatrice tira sa révérence, moins d’un an plus tôt de la coalition historique, au cœur de laquelle trônait, pour la première fois de l’histoire de l’exécutif, une gerbe de la gauche marocaine.

Certes, il n’eut pas ce plaisir de savourer le fruit de son génie rassembleur, en parfaite synchronie avec la monarchie, après de longs cycles d’échancrures et d’anicroches. Il rendit l’âme, juste auparavant, après avoir tout fait pour faire mûrir ce sublime tournant décisif, non sans douleur. Cependant, l’histoire du Maroc, après presque deux décennies de cette mémorable date transitoire, aura reconnu à cet illustre façonnier ce mérite mirobolant. Il aurait, sans doute, tressailli de réjouissance et frémi de délectation s’il avait vécu le démarrage de cette phase capitale dont il avait si longtemps rêvé et pour laquelle il s‘était investi, corps et âme.

Mais, l’esprit Ali Yata  plane toujours dans tous les reflets de cette nouvelle pétulance nationale, déclenchée dès lors, illustrée par les générations de réformes, tous azimuts et ponctuées, il y a quelques années, par la confection d’une loi suprême de haute qualité institutionnelle. Ali Yata n’y est plus, mais son emprise charismatique y est à perpétuité. Sa clameur fervente résonne à jamais et sa pensée éclairée raisonne à souhait.

Son legs  abonde, cultivant la sagesse, la pondération et la perspicacité. Sa polyvalence qu’il n’a jamais cessé de secréter, depuis plus de cinq décennies, à la tête d’un parti de valeur et de vertu, demeure un bel exemple d’abnégation et compétence, dans la politique comme dans la communication, la réflexion et la morale. Ali Yata avait le courage de dire «non !», quand c’était un « pêché »de le dire à la sacralité royale, lors des années de plomb, comme il ne se bredouillait guère de dire «oui !», lorsque c’était un « salut » de le dire à la Constitution de 1992.

Ali Yata enseignait la droiture et la probité aux siens, dans les rassemblements des camarades et aux partenaires, dans les échanges et les débats. Et quand, Hassan II le recevait, en compagnie de ses vieux routiers de lutte, le Souverain leur confiait, sans gêne, en dépit des divergences : «Ce que vous renfermez dans le cœur est pareil à ce que vous exprimez en public !».

Ali Yata mourut, mais son école ne mourra jamais…

Saoudi El Amalki

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