Apologue !

Dans une économie de marché aujourd’hui dominante et où les interdépendances s’affirment, on essaye de retrouver la trace de cet engagement solennel du président Harry Truman lors de sa deuxième investiture en 1949. Il s’engageait à «lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l’amélioration et de la croissance des régions sous-développées.

Plus de la moitié des gens dans le monde vit dans des conditions voisines de la misère. Ils n’ont pas assez à manger. Ils sont victimes de maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères». L’année suivante, l’Act for International Development (AID, Programme pour le Développement International) est signé.

De cet engagement, il ne reste, soixante-dix années après, que cette distinction entre l’Amérique et toutes les autres «régions sous-développées». L’application d’une approche économétrique par le classement des nations à travers leur PIB par habitant a été revue et corrigée par la mise en œuvre de l’IDH, indice de développement humain, lui-même concurrencé par d’autres indicateurs pour rendre compte du bienêtre du genre humain là où il se trouve. La liberté et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine sont encore des variables inconnues dans ce genre d’exercice comptable ! Les fameux accords de Bretton Woods et la prévalence du dollar de White sur le bancor de Keynes, la création d’instances internationales dédiées au développement sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies n’ont pas pu éradiquer à la surface de la planète ni «les conditions voisines de la misère » ni la faim et la malnutrition, ni la maladie, ni la pauvreté et encore moins la guerre.

Faut-il en déduire que l’économie libérale, fondée sur le profit, ne peut assurer le développement de l’humanité dans le bienêtre et le respect de la nature. Qu’elle ne peut assurer le rattrapage promis entre les pays riches et les nations pauvres et encore moins leur assurer une vie meilleure ? La grande désillusion a été décrite par Joseph E. Stiglitz, en fin connaisseur des causes et des conséquences des inégalités, de celles du chômage et de sa persistance et de celles de l’apparition fréquente des crises liées au capital.

Le «rêve américain» n’existe plus. Ni le travail, ni le courage et la détermination ne sont facteurs de prospérité dans un monde où l’argent est devenu roi. Ceux-là même qui assuraient la promotion de «l’americandream» tombent dans la corruption, la fraude, le mensonge, l’abus des biens sociaux, la concupiscence et plus encore. La vocation morale et humaniste du libéralisme est chaque jour malmenée par ceux qui veulent l’imposer et débarrasser l’Etat de ses pouvoirs régulateurs. Les entreprises servent de façades pour l’enrichissement personnel en usant d’une fiscalité «faite sur mesure» ou en ne «respectant pas les règles» non comme des cyclistes qui déambulent, mais comme tel PDG de groupe automobile. La déchéance a fini par éliminer la célébrité. Les titres chutent en bourse et la solidité des stratégies semble chanceler.

Ce qui est des individus parmi les puissants se retrouve dans les relations internationales. L’incohérence de l’ordre mondial est poussée à l’extrême de l’instabilité. Le désordre, voire le chaos, est encouragé au lieu et place de la recherche de l’équilibre dynamique vers la paix, la justice sociale et le bienêtre. Rien ne passe : réforme des institutions multilatérales, changement climatique, immigration, non-prolifération, développement durable…Le dollar que les accords de Bretton Woods ont sacralisé est devenu une monnaie d’échanges, une arme de guerre, une menace de dissuasion et une expression de la puissance telle qu’elle s’exerce actuellement. Alors dans l’attente de jours meilleurs, l’usage d’apologues donnera au moins à sourire!

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