«L’approche sécuritaire, à elle seule, n’est pas suffisante pour faire faire fi des menaces terroristes», a souligné Abdelhak El Khayam, directeur du Bureau Central d’Investigation Judiciaire (BCIJ), lors du Colloque national placé sous le thème : «La régionalisation et les politiques sécuritaires», ayant eu lieu à Tanger le 10 mars 2017 et organisé par la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima en partenariat avec le Centre marocain de la Démocratie et la Sécurité et la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales de la ville du détroit.
Pour le parton du BCJI, le traitement du phénomène du terrorisme nécessite d’abord une approche économique et sociale, tout en appelant les intellectuels marocains à s’impliquer activement dans les efforts déployés par l’Etat dans la lutte contre l’extrémisme. En termes plus clairs, «le phénomène du terrorisme trouve sa principale source dans l’idéologie et ne peut être combattu que par les intellectuels et penseurs qui devraient assumer leur mission, celle de la lutte contre toute les idées extrémistes qui nourrissent la haine», a-t-il laissé entendre. Dans le même ordre d’idées, le patron du BCIJ a expliqué que la stratégie de l’Etat marocain en matière de lutte contre le terrorisme, qui se base sur la vigilance des forces sécuritaires, tire ses fondements d’une approche proactive et anticipatrice et ce, dans le cadre du respect des droits individuelles et collectives et des procédures portant sur la garantie juridictionnelle, notamment la présomption d’innocence et le droit à un procès juste équitable.
Prévention contre la torture
De son côté, Mustapha Manouzi, président du Centre marocain pour la Démocratie et la Sécurité s’est étalé dans son intervention sur le fait que la gouvernance sécuritaire est un élément clé des politiques publiques, nécessitant une approche transversale et une implication de tous les acteurs dans le processus décisionnelle. Faisant allusion aux recommandations de l’Instance Equité-Réconciliation, Manouzi a appelé les responsables de l’Etat à la mise en œuvre du mécanisme national de la prévention contre la torture, dispositif indispensable permettant un contrôle des pratiques sécuritaires et la consécration de la responsabilité des acteurs concernés afin d’assurer une certaine transparence dans la gestion des processus d’interventions sécuritaires. D’ailleurs, pour le militant des droits de l’Homme, l’un des aspects positifs de la nouvelle ère, c’est que le pouvoir suprême du pays a fondé sa légitimité sur la rupture avec le passé en adoptant une posture légale-rationnelle.
Même son de cloche chez Abderrahim Tafnout, militant de gauche qui, pour sa part, a considéré que l’un des apports de la mouvance sociale qu’a connue le Maroc ces dernières années, consiste principalement dans l’appropriation de l’espace public par les citoyens et leur émancipation du sentiment de la peur. Toutefois, l’intervenant a considéré qu’il est temps de passer d’un «rapport de place» vers un «rapport interactif», basé sur la consultation entre les acteurs visant la construction «d’une action sécuritaire commune et partagée».
Par ailleurs, Abdellah Saaf, professeur de science politique, a axé son intervention sur la politique sécuritaire de l’Etat et ses transformations historiques, indiquant que la réforme de la sécurité a été souvent liée aux revendications de la démocratisation et des droits de l’Homme.
Pour l’intervenant, la question sécuritaire, qui est d’ailleurs complexe et qui reflète les mutations de la société a souvent fait le monopole du pouvoir central. Et ce n’est qu’après l’affaire du «Commissaire Tabet» que la réforme de la sécurité a fait surface dans le débat public et a été inscrite dans l’agenda du pouvoir central du pays, faisant dans ce sens référence au discours de Feu Hassan II en 1993. A cela s’ajoute les événements du 16 mai 2003 pour que cette orientation générale devienne de plus en plus renforcée.
Pour le directeur du Centre des Etudes et Recherches en Sciences Sociales (CERSS), la représentation de la question sécuritaire a connu un changement considérable auprès des citoyens qui exigent aujourd’hui de plus en plus de sécurité (manifestation de Beni-Mellal, Fès), sachant qu’auparavant, la population n’appréciait guère les penchants sécuritaires de l’Etat.
Cependant, selon le professeur, l’élaboration d’une politique publique dédiée à la sécurité ne peut se faire sans l’institutionnalisation des pratiques d’interventions sécuritaires, notamment en ce qui concerne les manifestations non-autorisées et qui comportent un risque de déviation. D’une manière générale, seule une approche sécuritaire compréhensive et participative est capable d’instaurer un véritable service public dans le domaine sécuritaire, a-t-il conclu.
Khalid Darfaf