Assiette

L’assiette a fait son apparition dans le champ politique national comme étant la preuve de la bêtise qui, si l’on ne prend garde, est entrain de le phagocyter. Un abêtissement qui ne préserve aucune organisation politique et qui ne peut être traité avec mépris et indifférence.

C’est un dommage collatéral d’une pratique démocratique infectée par des «commodités» de plus en plus prisées pour réaliser un résultat «politiquement correct et convenu». Un dommage «cancérigène» pour la consolidation du processus démocratique qui évolue en métastase; car, de la société, le mal se répand dans les organisations politiques en déviant leur fonctionnement interne.

Dans un décor digne des fêtes  nuptiales bourgeoises, on ne voyait que des assiettes dans l’air; au sol, des chaises et des tables renversées; un charivari tel que l’ensemble du Maroc s’en est ému. «Révolte de gueux» contre l’aristocratie qui pavane nous dit-on!

Dans une qualité de vie qui ne leur est pas commune, se sentant démunis devant les manifestations d’intérêt contradictoires et fallacieuses dont ils sont l’objet, les gueux réagissent par la provocation et l’agression. Dans le microcosme dans lequel ils se trouvent, ces gueux décident que si rien ne va, il faudrait que cela soit pour tout le monde. L’instinct vandale reprend le dessus sur toute maitrise de soi et s’exprime sur ce qui matérialise l’autre. L’encadrement est défaillant faute de ne pas avoir été présent avant l’escarmouche, avant sa cause et/ou le premier envol de la première assiette. La présence de vigiles payés pour la sécurité n’a eu aucun effet, ni dans la maitrise de la situation et encore moins dans sa prévention. C’est que l’argent ne peut pas tout assurer dans ce genre d’événement!

Loin du dialogue et de l’échange de points de vue différents dans le respect et la fraternité partisane, éloignant toute pratique démocratique responsable, les représentants  du bon peuple présents ont voulu mettre fin à leur désarroi et à leur désespérance par l’envol des assiettes. Ce comportement ne peut avoir qu’une signification : leur présence n’est pas motivée par une appartenance à l’organisation partisane ; elle est beaucoup plus l’expression d’une obédience à une personne, à un clan.

Cette approche de l’adhésion partisane, plus numérique que militante; plus électoraliste que liée à la réalisation d’un projet social, a rendu les organisations politiques non immunes.

Le plus grand nombre permet une pratique du vote pour conforter des positionnements et non pas confirmer un choix politique. La mainmise des élus sur l’organigramme partisan mettent les structures à leur disponibilité et non pas à celle du parti. Les gueux sont ainsi embrigadés pour être récompensés pour leur action. Ce comportement s’affirme par des impolitesses et des bannissements organisationnels qui empêchent tout encadrement sérieux et tout renforcement de l’appartenance à l’organisation dans son ensemble.

Le parti politique se transforme alors qu’il n’arrive plus à transformer. Il tend vers cette conception du «jetable» qui prévaut dans l’usage des partis politiques dans un environnement maitrisé. Son image, comme celles de ses semblables, est ternie auprès des masses populaires. Le (la, les) politique(s) sont jetés en pâture. Les jeux sont faits, les mises sont arrêtées et rien ne va plus.

Que l’on ne se trompe pas. Il ne s’agit pas de rester dans un concept organisationnel fermé qui ne répond pas à la nécessité d’ouverture, incapable de réaliser des résultats électoraux et encore moins de répondre aux sollicitations d’une politique de proximité par laquelle la population est encadrée et ses problèmes résolus. Il s’agit de dénoncer une débauche de la pratique politique où prime la prééminence de la capacité de se faire élire, en agrégeant un nombre de voix par différents moyens, sur le partage de valeurs, sur l’engagement libre et volontaire dans une organisation dont on adopte les objectifs, les statuts, la discipline et l’honnêteté.

Sans les gueux, les assiettes ne pourront jamais s’envoler pour manifester son humeur. Sauf que les gueux font la majorité de notre peuple. Ce sont tous ceux qui se débrouillent tant qu’ils peuvent pour joindre les deux bouts et se sentent oubliés par le (la, les) politique(s). Alors, l’envol d’une assiette ne serait qu’une expression de la «révolte des gueux» provoquée par la crise des bourges, de tous les bourges.

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