Pronostics ?

Le Parti de la Justice et du Développement s’inscrit-il dans la durée en remportant les élections législatives prévues en octobre 2016 ? Dans l’attente du vote des Marocaines et des Marocains dans 28 semaines, cette question semble intéresser à l’extérieur du pays. Les pronostics sont déjà prononcés par telle personnalité politique américaine, elle même à la recherche d’une réussite en novembre prochain ou par tel groupe de réflexion du Qatar proche de la mouvance islamiste.

Le leadership actuel du PJD sur le paysage politique marocain est considéré comme issu d’une victoire conjoncturelle en liaison avec les événements ayant marqué le fameux printemps arabe en 2011.Après l’adoption d’une nouvelle constitution dont il faudrait compléter la mise en œuvre par ce qui reste des lois organiques, le PJD s’est confronté à l’exercice de la gestion des affaires publiques. Autant il s’est banalisé dans le cadre du champ politique marocain, autant son assise sociale s’est confortée.

Les élections communales et régionales ont montré la dualité entre les villes où l’ancrage du PJD se confirmeet les zones où le Parti Authenticité et Modernité reste influent «là où l’administration a encore la main sur les électeurs». Cette tendance reste la plus lourde car elle reflète les évolutions qui agitent la société marocaine. La sanction de la politique gouvernementale restera nuancée par un «globalement positif» que le mouvement social développé n’a pas pu inverser. Les développements de la question de l’intégrité territoriale du Royaume, après le parti pris de Ban Ki Moon et dans l’attente des décisions onusiennes en avril prochain, permettront d’atténuer la confrontation entre les impétrants.

Animée par une dynamique d’affirmation des libertés, la société marocaine, est confrontée à une réaction conservatrice basée sur l’identitaire.Autrefois exprimée par l’Istiqlal de Allal Fassi, elle trouve son épanouissement au sein du PJD. Cette réaction est en train de «tuer le père» qui l’a enfantée et qui, par les politiques publiques d’austérité et d’ajustement structurel, l’instauration des «années de plomb», les dysfonctionnements de l’éducation nationale et autres misères, trouve actuellement le terreau social pour se développer. Dans ce rassemblement où se retrouvent des cadres et des intellectuels qui se cherchent et veulent bien se servir de l’ascenseur politique,des éléments de la bourgeoisie nationale qui ne se retrouvent pas dans les bouleversements chabatiens, une masse populaire croyante et désabusée, le vote PJD est une confirmation du refus du traitement des affaires publiques qui auraient conduit à la crise cardiaque sans l’avènement de l’alternance consensuelle dirigée par la Koutla démocratique.

Cette dernière n’a pas engrangée les dividendes de son action salvatrice. Au contraire, elle s’est perdue dans les ambitions sectaires, la perte de vitesse de l’une de ses composantes et les retournements d’une autre. Pire, son action et son programme de réformes ne servent plus de référentiel. Les parenthèses semblent être fermées sur les éléments porteurs dont la Koutla démocratique assurait la promotion pour la consolidation du processus démocratique.

Paradoxalement, ce sont ceux (et celles) là qui avaient combattu les partis politiques et leur volonté de réformes dans les années soixante dix du siècle dernier qui, associé(e)s aux exécutants de l’époque de la débauche de l’action politique et partisans de la rente électorale, cherchent à juguler et à répondre électoralement à la nouvelle réaction conservatrice et identitaire. Maladroitement dans la plupart des cas, car basée sur la confrontation et l’anathème.

A l’encontre d’une politique bariolée s’appuyant sur «des chevaux de retour», le pays a besoin de ses forces vives reconnues pour consolider le processus démocratique, devant établir l’état de droit aussi bien dans la société que dans les activités économiques qui l’animent, œuvrant pour renforcer les forces productives nationales et protéger l’environnement naturel et ses ressources dont l’exploitation  bénéficiera à l’ensemble de la population et à la promotion de son bienêtre. Quand aux joutes oratoires, la démonstration de la force de mobilisation dans des meetings médiatisés, les jeux de mots au lieu de l’éradication des maux, l’utilisation du mouvement social pour susciter une sanction qui tarde à venir, la cavalerie des réseaux sociaux et le montage de ses podcasts,  tout ce marketing électoral à l’américaine ne servira qu’à faire monter les enchères financières pour se faire élire représentant national.

Mustapha Labraïmi

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