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C’est le souk qui s’est imposé aussi bien au niveau international qu’au niveau national. Le souk au sens propre du terme. Ici-bas, la tendance est à réduire l’intervention de l’Etat dans toutes les activités humaines. Ainsi le secteur public est privatisé et le service public est méprisé. Si au moins, cela conduisait l’Etat à se dispenser de sa fiscalité asymétrique, on comprendrait son rôle d’arbitre et de régulateur.

Entre plusieurs autres cas, la situation morbide de la SAMIR et la léthargie dans laquelle sombre le système éducatif national,montrent, à qui veut bien s’interroger, la pertinence des interpellations sur les choix ayant déterminé la privatisation, totale ou partielle, de secteurs importants, pour ne pas dire stratégiques pour notre nation.

Le «laisser aller, laisser faire» du souk n’a ni abouti à des résultats probants pour l’ensemble de la société,comme il a été incapable d’être efficient dans le développement d’un secteur privé qui reste avide et toujours en appétence d’avantages et d’encouragements de toute sorte.

Quel bilan tirer de la privatisation en particulier dans les secteurs stratégiques industriels, commerciaux ou financiers ? Quel mode de gouvernance et de surveillance pour les entreprises privatisées ? Comment assurer la maitrise (par la nation) de sa souveraineté économique? Comment anticiper et éviter à la nation le choix : privatisation des bénéfices et nationalisation des pertes?

Quelle évaluation sereine et rationnelle des formules de développement de partenariat public-privé développées ces dernières années dans un certain nombre de secteurs avec certes des succès mais aussi des échecs?

Est-il impossible de concevoir une démarche globale pour remédier à la pénurie grave de ressources humaines, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la santé, en gérant les contraintes liées à la gestion de l’emploi public: masse salariale inflationniste, limitation des recrutements, évolution démographique du personnel de l’Etat et accélération du rythme des départs à la retraite, crise de la CMR (avec perspective de prolongement de l’âge de départ à la retraite ), centralisation abusive et échec des expériences de déconcentration et de redéploiement du personnel de l’Etat?

L’absence de régulation, la non renégociation des contrats, l’absence de capacité de négociation et de contrôle au niveau des collectivités, le non-respect des engagements en matière d’investissement, de qualité de service et de tarification, l’imbrication d’intérêts publics et privés… ont été relevées dans la pratique de la gestion déléguée, contestée par la population et défaillante dans l’assurance des services pour lesquelles elle a été prescrite. Constitue-t-elle la panacée pour la distribution de l’eau et de l’électricité, le ramassage des ordures ?

L’externalisation semble devenir le maître mot quand il s’agit de la mise en œuvre de toute action. Il faut dire que dans la société marocaine, tout événement est dorénavant concédé au «traiteur» et à chacun selon son portefeuille!

La concertation avec l’ensemble des acteurs ayant une légitimité démocratique ou sociale (collectivités territoriales, société civile, syndicats de travailleurs, organisations professionnelles), la mise en œuvre des politiques publiques garantissant la cohésion et la solidarité sociales et spatiales, la consolidation du processus démocratique dans son ensemble, l’établissement de l’Etat de droit dans le domaine économique, sont des nécessités et des exigences pour donner à l’Etat encore plus de force pour dépasser les dogmatismes, se moderniser et subvenir aux besoins du développement durable.

La puissance publique qui régit la société ne peut se défaire de ses missions. L’Etat en particulier doit garder des capacités d’intervention directe dans un certain nombre de secteurs à travers un secteur public fort, performant et fonctionnant selon les principes de transparence et de gouvernance démocratique.

Il est fondamental de sauvegarder les principes du service public lors de la délivrance de toute une série de prestations aussi bien à la charge de l’Etat central que des collectivités territoriales (scolarisation, soins, logement, transport, approvisionnement en eau et électricité, assainissement…); ces principes du service public s’expriment en termes d’accessibilité, d’équité, d’universalité, et de permanence.

Dans le cas des services publics locaux en particulier, sans s’interdire par principe le recours à aucune forme de gestion, la recherche de l’efficacité économique ne peut se faire au détriment des principes du service public et du droit d’accès aux prestations essentielles, pour l’ensemble de la population et en particulier pour les démunis parmi elle, et pour les régions ou quartiers défavorisés. C’est aussi cela la démocratie!

Ces interpellations feront l’objet de débats dans la cadre de l’Université annuelle du PPS: le secteur public et les services publics au Maroc face aux défis de la souveraineté économique et de la justice sociale, demain 23 janvier 2016 à Rabat.

Mustapha Labraimi

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