Cheikh Ayad fût un grand violoniste des années quarante, bien avant Hamou Oulyazid, Aâssou Oudabz, Ouâali, Moha Oubaba, cheikh Oussidi Benaceur.
Ce musicien, chanteur et compositeur, est né vers 1918, fin de la première guerre mondiale, dans la tribu des Ait Ndir (Bni Mtir).
Cheikh Ayad fut séduit par l’art dès son jeune âge. Il avait appris à jouer de la flûte qu’il fabriquait lui-même. Dès l’adolescence, munie de son Aloune ou Talounte (appellation selon régions Amazigh), il avait commencé déjà à prendre part aux multiples danses d’Ahidouss qui se tenaient à l’occasion des cérémonies ou de célébrations dans son douar. Par la suite, il alla se produire dans d’autres lieux. Ses amis de l’époque le sollicitaient pour leur jouer des chansons après chaque pause d’ahidouss qui se faisaient par contrainte à cause du refroidissement des «Aloun».
La flûte qu’il aimait énormément ne lui permettait pas de chanter de vive voix comme ses semblables dans la mesure où en tant qu’artiste clé de l’occasion, il était dans l’obligation, pour ne pas casser la cadence du rythme, de souffler constamment dans cet outil musical jusqu’à la fin de la séquence qui lui était réservée.
N’étant pas satisfait de cette situation qui ne lui permettait pas de chanter et de souffler dans sa flûte en même temps, c’est-à-dire qu’il ne pouvait pas être au four et au moulin au même instant, lui qui commençait à avoir une renommée locale; il décida donc de se fabriquer un violon artisanal avec des matériaux de recyclage qui se trouvaient sous la main.
C’est alors que commencèrent les entraînements sur cet instrument à trois cordes nouvellement côtoyé et avec lequel il est devenu inséparable jusqu’à son décès vers 1975. Cet instrument l’avait rendu plus célèbre sur le plan régional comme il l’avait rendu plus libre au niveau du chant. Il lui permettait de puiser dans un large répertoire de poésie qu’il s’était constitué au fil du temps. Se considérant artiste professionnel, c’est-à-dire un vrai cheikh (connaisseur et maître), il constitua un duo artistique ambulant avec son ami, le tambourinaire et comédien, feu Ali N’hmimech, pendant de longues années. Ce duo inséparable avait sillonné tout le Moyen- Atlas allant de souk en souk pour tenir la «Halka» qui leur permettait de gagner leur pain quotidien…
Et comme rien n’est éternel, cheikh Ayad et son ami ont décidé un beau jour de mettre un terme à leur union artistique et de partir chacun de son côté. C’est alors que Cheikh Ayad s’est détaché de son port d’attache «Ait Lahcen Ouchaib» pour s’installer et évoluer d’abord à El-Hajeb, la capitale des Ait Ndir, puis à Imouzzer Kandar, capitale des Ait Seghrouchen où il a résidé dans le quartier connu sous le nom de «Kelâa», avant de déménager définitivement à Ain-Leuh où il demeura jusqu’à sa mort.
Seuls subsistent quelques vieillards aujourd’hui qui se souviennent de Cheikh Ayad, à qui ils ne se lassaient pas de répéter à l’époque, pour plaisanter avec lui, durant une prestation amzlmizane a Ayad et comme ce vétéran de la chanson amazighe a vécu sous le régime du protectorat, il a appris quelques mots en Français comme : Gauche/ Droite, qu’il répétait fréquemment à ses accompagnatrices qu’il guidait, lorsqu’elles dansaient, ainsi que le ferait un sergent recruteur avec des nouvelles recrues.
Cheikh Ayad est enterré à Ain-Leuh où il avait connu d’autres artistes comme son contemporain, cheikh Hmad Azrouf, lui aussi violoniste issu du douar des Izroufen situé dans les alentours du cercle de : Riche, province actuelle de Midelt, comme il a connu aussi à la fin de ses jours quelques jeunes talents de jadis, toujours en vie, comme les tambourinaires, eux même, assimilés actuellement à des vétérans dont quelques-uns sont célèbres, tels: le général Hassan Bouykifi- cheikh Alla d’El-Hajeb et la célèbre : Fadma Oult Hdidou qui a intégré, durant sa jeunesse, occasionnellement sa troupe d’artistes.
Enfin, et je ne voudrais pas clore cet aperçu historique sur cheikh Ayad sans évoquer une figure emblématique de « La source du bois», écrit en Français : Ain-Leuh, le disciple et l’héritier artistique du père spirituel de la chanson amazighe, feu Hamou Oulyazid, le Grand Artiste: Yousfi Benmoha, reconnu officiellement comme (Rouicha Mohamed) par l’état-civil depuis le 28 Juin 1962 jusqu’à 1982.
Abdelmalek Hamzaoui