Benabdallah : Il est temps de doter le pays d’un code pénal en harmonie avec sa Constitution

Conférence à l’initiative du PPS  autour de « la réforme du code pénal »

M’Barek TAFSI

Le débat a gagné en intensité autour de la réforme du code pénal et « le moment est propice » pour le faire aboutir, a souligné le Secrétaire Général du Parti du Progrès et du Socialisme, Mohammed Nabil Benabdallah, tout en faisant remarquer «qu’il n’y a pas lieu de laisser filer cette fois-ci une telle opportunité pour doter le pays d’un code pénal en harmonie avec les dispositions de la Constitution avancée de 2011 et les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc ».

Dans une intervention d’ouverture d’une conférence, organisée, mercredi soir à Rabat par le Bureau Politique du parti autour de « la réforme du code pénal et la question de l’actualité de sa modernisation », Benabdallah a rappelé que le code pénal marocain n’a connu depuis son adoption en 1962 que des révisions fragmentaires et partielles. Et pourtant ce code constitue de par son importance la deuxième loi derrière la Constitution.

C’est pourquoi, il importe de compléter la Constitution avancée par un code pénal à son niveau et en mesure d’accompagner les transformations et les changements profonds de la société marocaine, a-t-il expliqué.

Pour ce faire, le PPS appelle toutes les forces démocratiques, progressistes et modernistes (parlementaires, acteurs de la société civile, associations professionnelles et autres organisations de défense des droits humains) à fédérer leurs efforts pour ne pas laisser filer l’occasion présente de doter le pays d’un code pénal au niveau de la Constitution de 2011 et des conventions internationales ratifiées par le Maroc.

Un tel projet doit en effet consacrer l’ensemble du système des droits de l’homme contenus dans la Constitution  ainsi que dans les chartes et instruments internationaux ratifiés par le Maroc en parallèle avec l’intensification des revendications pour l’extension de l’espace des libertés individuelles et collectives.

Il s’agit donc, selon lui, d’un véritable combat devant être mené par tous les acteurs impliqués pour gagner le pari, combat comparable à celui mené avec succès lors de la période de gestation de la Constitution de 2011 et du code la famille de 2004.

Et Benabdallah d’insister sur le faut qu’il ne faut pas laisser filer de nouveau une occasion en or de gagner le pari de la réforme globale du code de la famille et de réaffirmer la disposition du Parti du Livre à ne ménager aucun effort pour porter et plaider la réforme du code pénale de manière globale et non partielle pour des considérations conjoncturelles.

Barassat présente la vision du PPS

Pour sa part, la modératrice de la rencontre, Fatima Zahra Barassat, membre du BP du PPS et présidente de la commission des droits de l’homme et des libertés a présenté la vision du parti relative à la réforme du code pénal, telle que développée dans le mémorandum du parti à ce sujet.

Dans cet exposé, Barassat a souligné notamment la nécessité pour le Maroc de réactualiser toute sa politique pénale, à travers une réforme globale et complémentaire des textes, compte tenu des changements profonds que connait la société marocaine.

Cette réforme du code pénal est en réalité devenue nécessaire, étant donné que les dispositions actuelles de ce code sont dépassées par l’évolution de la société.

Elle est devenue une revendication urgente de toutes les forces du pays pour doter ce dernier d’un code en harmonie avec les dispositions de la Constitution, qui réaffirme l’attachement du Maroc aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus et avec les conventions internationales qu’il a ratifiées.

Cette révision est également requise pour l’encadrement des changements profonds que connait la société marocaine au niveau des valeurs et des relations. Elle se doit aussi de faire du respect et de la défense de la dignité de l’individu et de sa protection une priorité.

Juridiquement parlant, cette réforme  s’impose dans le but d’améliorer la réécriture de nombreuses constantes du système pénal et d’accompagner les mutations que connait le phénomène de la criminalité dans toutes ses dimensions en interne et à l’international.

Doter le pays d’un système pénal moderne est en fin de compte le but ultime de ce débat qui se propose par la même de contribuer au renforcement de l’édification démocratique à travers l’insertion des droits civiles, politiques, économiques et sociaux dans un système global et complémentaire. Un tel projet de réforme doit également viser le renforcement des principes des droits humains tels qu’ils sont universellement reconnus, la promotion des droits individuels et collectifs et de l’égalité homme-femme.

En attendant une telle œuvre, nombre de questions se posent toutefois à propos notamment de l’intégration des peines alternatives dans le domaine de la criminalisation et des punitions, de la protection du droit à la vie à travers l’abolition de la peine de mort (« le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit » (Art20 de la Constitution), a affirmé Fatima Zahra Barassat.

Amina Bouayach : La réforme du code pénal fait l’unanimité

   Prenant la parole, la présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), Amina Bouayach a traité, dans son intervention, de la question « des droits de l’homme dans le code pénal », tels que définis dans un certain nombre de recommandations et de documents du conseil.

En tant qu’institution nationale constitutionnelle, le CNDH se trouve au cœur des attentes et des préoccupations de la société. En participant aujourd’hui à un tel débat, le CNDH ne fait que s’acquitter de son devoir de plaider en faveur de ses recommandations relatives aux droits de l’homme et contre leur violation.

Tel qu’il est, le code pénal actuel et la procédure pénale constituent ensemble pour l’acteur des droits humains une constitution de terrain au quotidien qui trace les limites de ce qui est permis et interdit autrement de l’incriminable ou non au niveau des droits et les libertés.

Le code pénal est également lié aux attributions et prérogatives de l’Etat qui détient le droit exclusif d’exercer la violence.

Mais ce importe pour les défenseurs des droits de l’Homme c’est de faire en sorte que le code pénal protège contre le crime sans excès ou atteinte à la liberté et aux droits de la personne humaine.

  Le code pénal est la traduction législative des dispositions de la Constitution et des résolutions des organisations internationales concernant la protection des droits de l’homme.

La réforme de l’actuel code, vieux de 62 ans, fait désormais l’unanimité de tous, au niveau national et international.

L’on aspire à ce que ce code révisé reflète la teneur et l’esprit de la Constitution. Il y a au moins 10 articles contenus dans la Constitution et dont on n’a pas tenu compte dans le dernier projet du code pénal dont le droit à la vie, la sécurité personnelle, des biens, l’intégrité physique, la détention abusive etc. Autant de crimes graves, (génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de haine et de racisme, etc… divers autres crimes à caractère économique, financier, crime.

La Constitution a donc défini un cadre que le code pénal ignore totalement.

Et Boyayach d’affirmer que la vision des droits de l’homme est totalement absente dans la conception de l’actuel code pénal, qui ne repose pas sur un référentiel clair, mais sur plusieurs référentiels.

Abordant par ailleurs les dernières sorties spontanées des populations notamment à Tiflet et Tata pour protester contre l’injustice à la suite de viols, elle a estimé que ces manifestations sont censés offrir au législateur et au défenseur des droits humains la protection et le prétexte dont il besoin pour réclamer avec insistance la réforme de l’actuel code pénal.

La symbolique des réactions populaires spontanées et des protestations contre les verdicts injustes dans les affaires de Tiflet et de Tata rappellent à tous que la société n’hésite plus à crier sa colère contre l’injustice, balisant ainsi la voie aux défenseurs des droits humaines et au législateur. Ces sorties montrent que la société marocaine n’accepte plus l’injustice et le fait que les crimes graves restent impunis.

  La peine de mort n’est pas dissuasive

Evoquant le problème du maintien de la peine de mort, elle a estimé qu’elle n’a jamais eu jusqu’à présent aucun impact positif sur le recul de la criminalité au Maroc. C’est la raison pour laquelle, il ne faut plus hésiter à réclamer son abolition

Elle s’est également étalée sur nombre d’imprécisions, qui expliquent dans une grande mesure le fait que la population carcérale au Maroc tourne autour de 100.000 prisonniers dont nombreux d’entre eux n’ont rien à faire dans les prisons marocaines.

Abderrahim JAMAI: – Doter le pays d’un système pénal rénové

L’article 20 de la Constituions, un argument de taille pour abolir la peine de mort

Pour le bâtonnier, il est également temps pour le pays de se doter d’un système pénal totalement rénové dans toutes ses composantes (codes pénal et de procédure pénal, l’organisation et la gestion des lieux de détention) 

Tout en revenant sur l’historique du code pénal marocain de 1962, il en conclu que la réforme globale de l’ensemble du système pénal est tributaire de l’existence de la volonté politique nécessaire à l’adoption d’un système pénal, qui définit la politique pénale, distingue ce qui relève du droit positif et de la Chariaâ et précise dans son préambule ses référentiels.

Un tel système révisé ne doit plus confondre code de la presse et code pénal.  

Il est également nécessaire de restructurer le texte dans son ensemble pour déterminer avec préciser l’objet des différents articles et introduire les nouveaux crimes. Il est également opportun de prévoir tout un titre consacré aux violations des droits de l’Homme. Nombreux sont les pays qui se dotés à présent de tribunaux spécialisés dans l’examen des affaires des droits de l’Homme.

Selon des données du ministère public, a-t-il déploré, plus de trois millions d’affaires pénale circulent entre le parquet général, les agents et centres de sécurité, les juges d’instruction, et les tribunaux et les différentes cours.

Ceci s’explique notamment par le faible nombre des magistrats au Maroc qui ne compte que 3 magistrats pour 100.000 habitants contre 15 magistrats pour 100.000 Habitants en Europe.

Le système actuel souffre de même d’un déficit en moyens modernes d’investigation et d’enquête, a-t-il ajouté.

Quant à l’article 16 du code pénal marocain concernant la peine de mort doit être tout simplement abrogé pour consacrer le respect du droit à la vie comme prévu dans la Constitution et les Conventions et instruments internationaux auxquels le Maroc a souscrit, a-t-il martelé.

Si la France a attendu deux siècles pour abolir une telle peine, le Maroc ne peut attendre autant, car il dispose de l’article 20 de la Constitution, qui est un atout de taille qui lui permet de passer à la vitesse supérieure pour abolir purement et simplement une telle peine dont l’utilité est fort contestable et qui n’a rien de dissuasif.

Ceux qui appellent à l’organisation d’un référendum sur la question pour tenir compte de l’avis du peuple ne font que tomber dans le populisme et refusent d’obéir à la loi démocratique de la majorité et de la minorité.

JAMILA SIOURI : Le débat en cours sur la réforme ne doit pas se limiter au code pénal

Plaidant elle aussi pour une réforme globale et non partielle, la défenseuse des droits humains et présidente de l’association Adala (Justice) a estimé que le débat en cours ne doit pas se limiter au code pénal. Il doit en effet porter sur l’ensemble des textes du système pénal qui se complètent dont en premier lieu le code de procédure pénale.

   D’entrée elle a donc plaidé pour une réforme globale de l’ensemble du système pénal, qui doit porter, selle elle, sur le code pénal et le code de procédure pénale ainsi que sur toutes les autres lois dont on a besoin y compris les textes d’inconstitutionnalité.

   Au lendemain de l’adoption de 2011, a-t-elle rappelé, il n’y a plus de raison de ne pas procéder à une réforme globale et intégrale à travers la redéfinition du référentiel et des perspectives des politiques pénale et juridique.

Après avoir évoqué toutes les péripéties qu’a connues ce débat, lancé en 2004, elle a fait remarquer que l’on assiste à présent à une sorte d’inflation législative qui portent souvent sur des réformes partielles et de dispersion des projets de textes sans préambule.

  Et la présidente d’Adala de souligner que le gouvernement actuel ne diffère en rien de ses prédécesseurs, étant donné qu’il fait preuve comme eux de conservatisme plus ou moins prononcé, quand il s’agit d’élaborer un projet de réforme avancé et moderne à même de tenir compte de l’évolution de la société, comme c’est le cas des rapports sexuels consentis entre deux adultes.

  Il est également aberrant de proposer un projet de réforme rien que pour introduire des peines alternatives au lieu d’une réforme globale du texte, a-t-elle expliqué.

Mohamed Bouzlafa : il est regrettable que l’actuel gouvernement actuel n’utilise pas sa majorité confortable pour passer à la vitesse supérieure en matière de réforme

  D’entrée, il a estimé qu’il est temps de trancher sans hésitation aucune en ce qui concerne bon nombre de questions dont en premier la question de la peine de mort, de l’incrimination et des peines alternatives.

  Selon lui, l’hésitation du législateur a abouti enfin de de compte à un gaspillage énorme du temps législatif, devenu couteux pour le pays.

   Bien que convaincu de la nécessité de réclamer une réforme globale et non partielle, il s’est demandé s’il n’est pas nécessaire de faire quelquefois preuve d’opportunisme et accepter le texte relatif aux peines alternatives pour avancer, car ailleurs on ne parle plus de peines alternatives, mais d’un système de justice moderne. On parle d’alternatives modernes, une justice réparatrice et restauratrice,  et non pas de justice alternative. En effet il importe aujourd’hui de « punir autrement » loin des prisons, qui sont surpeuplées.

   Et ce tout en réaffirmant que le code pénal marocain a besoin d’une réforme globale au niveau de la structure, des priorités pour qu’il soit en phase et en harmonie avec la Constitution, a-t-il insisté.

   En ce qui concerne la peine de mort, il est incontestable qu’elle doit être abolie, avant de souligner que les réformes à réaliser requièrent pour leur application un long travail de fond pour l’éducation et la sensibilisation des populations et des jeunes autour de toutes les questions traitées.

   Et le conférencier de souligner avec beaucoup de regret qu’il est incompréhensible de voir le gouvernement actuel qui dispose d’une majorité confortable et des choix clairs et précis manquer de courage nécessaire pour passer à la vitesse supérieure en matière de réforme du code pénal, objet de cette rencontre.

   Il reproche aussi aux partis politiques de n’avoir pas de projets clairs en ce qui concerne notamment toutes les questions épineuses concernant par exemple l’abolition de la peine de mort ou autres.

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