Birmanie : les Rohingya sont  traqués par l’armée…

Durant la nuit de samedi à dimanche dernier, près de 200 assaillants ont attaqué trois postes chargés de la surveillance frontalière près de la Commune de Maungdaw dans l’Etat de l’Arakan à l’Ouest de la Birmanie, tués 9 policiers et pris possession de 62 armes et de 10.130 balles selon le chef de la police locale.

Il s’agirait selon les premières déclarations d’une « attaque terroriste » perpétrée, à l’aide de machettes, de lances et d’autres armes de fabrication artisanale par des individus appartenant à la minorité ethnique musulmane Rohingya appelant au jihad dans une vidéo postée sur internet après cet assaut.

Il est à signaler, au passage, que cette organisation, active dans les années Quatre-Vingt Dix du siècle dernier était supposée « morte » jusqu’à l’attaque de ce week-end.

Comprenant entre 800.000 et 1.300.000 personnes, la population Rohingya que le gouvernement birman appelle «bengali» est victime d’une flagrante ségrégation de la part de la majorité bouddhiste à telle enseigne qu’elle est considérée comme étant apatride et qu’à ce titre, elle n’a pas le droit de vote.

Devenue Ministre des Affaires Etrangères et Conseillère d’Etat Aung San SuuKyi qui dirige le gouvernement birman est violemment critiquée à l’étranger pour son silence sur le sort des Rohingya. N’étant pas parvenue conférer à la minorité Rohingya ces droits élémentaires que la population locale leur refuse, cette dernière s’était adressé à l’ancien Secrétaire Général de l’O.N.U. Kofi Annan pour solliciter son aide mais dès sa descente d’avion celui-ci avait été  accueilli par une foule de manifestants en colère qui ne lui facilitèrent nullement la tâche.

Soucieuse, néanmoins, de créer un climat de confiance et de parvenir à mettre fin à près de 70 années de guerre civile Aung San Su Kyi avait appelé à la tenue du 31 Août au 4 septembre derniers, d’une conférence à laquelle devaient assister son gouvernement, l’armée qui dispose de prérogatives considérables ainsi qu’une vingtaine de groupes ethniques… Mais ceux-ci n’avaient pas tous voulu y participer. D’ailleurs, à l’automne dernier, seuls huit d’entre eux avaient consenti à parapher avec le gouvernent d’alors un accord de «cessez-le-feu» pendant que les treize autres avaient rejeté la trêve.

Mais, alors que depuis ce dimanche la police traque sans relâche les assaillants, la population Rohingya craint que ceci ne soit le prélude au retour des tristes événements de 2012 qui s’étaient soldés par la mort de 200 d’entre eux et avaient poussé près de 140.000 autres à quitter leurs villages. A ce jour, certains d’entre eux vivent encore dans des camps pour déplacés.

Les écoles ont été fermées. Le couvre-feu mis en place en 2012 à partir de 23 heures est, désormais, avancé à 19 heures. La police prétend avoir tué quatre parmi les assaillants recherchés mais des sources locales démentent cette information et déclarent qu’il s’agit, en fait, de huit personnes tuées  du seul fait de leur appartenance à la minorité Rohingya.

L’Organisation «FortifyRights» sur les droits de l’Homme de l’Homme en Asie du Sud-Est déclare, par la bouche de son fondateur Matthew Smith, que l’armée birmane procède à des exécutions sommaires et que «les versions diffèrent grandement entre l’armée qui dit ne faire que répliquer face à des attaques et les gens sur place qui nous racontent que des individus sont appréhendés et tués».

Il est à noter qu’en moins d’une semaine deux mosquées ont été saccagées dans le nord et l’est du pays par une population bouddhiste en colère armée de bâtons et de couteaux et que ce vendredi des manifestants se sont attaqués à un lieu de culte musulman à Hpakant, une zone bouddhiste à 90% sise au Nord du pays. La foule aurait ainsi entièrement démoli le bâtiment et mis le feu dans la salle de prière. Pour rappel, le 23 Juin dernier, une mosquée sise à Thayethamin, dans le centre du pays, avait subi le même sort.

Nabil El Bousaadi

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