Boussole

La boussole est un instrument qui sert à l’orientation. Autrement dit, elle sert à ce que la personne reconnait sa position, et la direction et le sens de ses déplacements dans un environnement inconnu. Elle sert aussi à maintenir le cap dans une direction ou à en changer. A tel point que «perdre la boussole», «perdre le nord» signifient folie et aventurisme. En politique, cela peut avoir des conséquences plus que néfastes si «la navigation à l’estime» se poursuit dans un brouillard compact.

Dans notre pays ; après l’état d’exception, les deux coups d’état militaires, les années de plomb, l’ajustement structurel et la création d’un certain nombre de partis politiques ex nihilo par l’administration, la «crise cardiaque», telle qu’exprimée par le défunt roi, n’a pu être évitée que par l’alternance consensuelle. Le cap retrouvé raviva l’enthousiasme avec deux impératifs : l’impératif démocratique et l’impératif social.

L’onde de choc des événements relatifs au prétendu «printemps arabe» a été amortie par la transition démocratique déjà entamée. Suite au discours royal du 9 mars 2011, l’adoption d’une nouvelle constitution avec une quarantaine de lois organiques à mettre en place, des élections législatives ont permis la formation d’un gouvernement constitué par une coalition présidée par le PJD. Le 7 octobre 2016, d’autres élections législatives permettront de déterminer la suite.

Dans l’attente de cela, et que l’impératif social soit entièrement pris en considération, il apparaît que l’impératif démocratique soit malmené. L’exercice du pouvoir sur des bases plus stables et plus rationnelles semble vaciller sous le poids des surenchères et des clivages portant sur la modernité au Maroc. Cela rappelle les relents des années soixante du siècle dernier que seuls les Marocaines et les Marocains grisonnants, suite à leur âge, peuvent se rappeler.

Au moment où la menace extérieure pèse sur l’indépendance souveraine du Maroc et sur son intégrité territoriale et alors que la recherche d’une croissance soutenue pour une plus grande justice sociale reste prioritaire, la consolidation des acquis démocratiques et celle du processus démocratique dans son ensemble  ne peuvent se faire par la manipulation du jeu politique dans l’intérêt de réseaux d’élites rurales, administratives et économiques afin de préserver leur enrichissement et leur notabilité acquises. Les forces politiques démocratiques organisées ne peuvent subir chaque fois l’érosion suite à «un équilibre dynamique» neutralisateur, démobilisateur, et par surcroît inefficace dans sa contribution à l’émergence du Royaume du Maroc.

Si l’efficacité de l’action publique est rudement mise à l’épreuve dans le contexte de la mondialisation, des contraintes qu’elle suscite et de la généralisation des attentes qu’elle fomente, l’angoisse de la population augmente au moment où certains parlent de rupture sans dire clairement dans quelle direction ils souhaitent aller. A part les invectives visant les personnes, aucun programme alternatif n’est avancé.

La délégation issue de la représentativité parlementaire doit permettre le respect de la vox populi sans contrainte aucune, ni par voie administrative ni par l’usage de l’argent, de la corruption, de la débauche et de la dépravation. Le manque de capacité à créer les nécessaires articulations entre les représentants parlementaires et leur assise électorale ne peut sécuriser l’action politique en profondeur. Cette dernière devient une marchandise banale et conjoncturelle au lieu de contribuer au renforcement des choix de développement collectif.

Les comportements corrompus sont destructeurs de la stabilité et sapent les efforts de conscientisation des masses populaires pour une adhésion efficiente au processus démocratique, avec ses avancées et ses reculs probables.  Le renforcement de l’appartenance commune à un Maroc où se consolide l’état national démocratique et moderne dans le respect de références communes  permet le développement des libertés individuelles et collectives à l’encontre de la désagrégation des articulations liant la population à ses fondamentaux géographiques, économiques  et culturelles.

«La démocratie», rappelait Feu S.M. Hassan II dans un discours au peuple, vendredi 14 décembre 1962, « ce n’est pas un mot qu’on se jette à la tête comme un défi. C’est un état d’esprit, c’est une lutte patiente, ingrate, permanente, que l’on mène le plus souvent contre soi-même, contre ses impulsions ou ses instincts…».

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