Buissonniers

Une partie du gouvernement semble être attirée par une attitude bizarre pour manifester sa désapprobation envers les déclarations d’un acteur politique. Les ministres buissonniers ont ainsi fait leur apparition au royaume. Sécher un conseil de gouvernement à cause de l’humeur, ou de toute autre raison subjective,n’est pas une raison valable. Cela révèle l’idée que se font les buissonniers du respect de la constitution, du respect des institutions et de leur conception de la démocratie.

L’expression d’un avis, aussi déplaisant soit-il, ne peut pousser des hommes qui doivent se considérer comme des hommes d’Etat ou tout au moins être ses grands commis, de s’absenter à un conseil de gouvernement et ne pas participer à des visites officielles à des sites où le mouvement social gronde sa colère. Tout cela pour faire part de leur désappointement ! A tomber dans ce mélange de genres, on risque l’étouffement. Si réponse il devrait y avoir, elle aurait dû être politique, positive et au bénéfice du peuple. Ainsi chacun reconnaîtra les siens et la pratique démocratique s’en sortira honorée.

La rumeur de boycott peut-elle avoir une autre motivation ? Il se peut que l’ordre du jour du conseil de gouvernement ne reflète pas les préoccupations urgentes de certains de ces membres tentés beaucoup plus par l’escapade. L’organisation du mondial de football en 2026 est une échéance lointaine. La création de l’Agence nationale des équipements généraux peut aller à l’encontre de certains intérêts. Le commerce extérieur et son impact sur le déficit de la balance commerciale peuvent toujours attendre, cela ne se résoudra pas en un conseil de gouvernement car la dynamique des exportations peine à s’imposer. Et puis quoi encore?

Beaucoup plus que l’éducation et la formation, la santé, l’emploi et autres préoccupations majeures de la population, la discussion de la compétitivité électorale aurait sûrement garantie la présence de tous les intéressés au conseil hebdomadaire du gouvernement. Un gouvernement dont la majorité se chamaille pour n’importe quoi au lieu de s’atteler à prendre à bras le corps les misères du peuple et redéfinir de nouveaux équilibres conduisant à la durabilité du développement, à la modernité de la société et à la justice sociale.

Si les membres du gouvernement ne se supportent pas les uns les autres et n’arrivent pas à constituer une équipe homogène et soudée pour répondre aux aspirations légitimes de la population, ils peuvent au moins, soit conjointement soit chacun dans son secteur, s’occuper des infractions commises aux règles économiques, sociales ou écologiques. Le Maroc aura ainsi épongé les différents contentieux pour être prêt à l’application de toute nouveauté dans ces domaines.

Il est certain que le bagou de «l’homme qui ne cesse de déclarer qu’il est venu de la montagne» ne peut à lui seul couvrir les besoins discursifs, et parfois polémistes, concernant la croissance économique, la compétitivité et la rentabilité financière. Il oubliera l’essentiel : l’impératif qu’elles ne doivent pas être en contradiction avec la justice sociale. Il ne peut expliquer, malgré toute sa science et sa responsabilité, la problématique des prix et le défaut de la concurrence. Sur les questions de gouvernance, de réforme de l’administration ou de lutte contre la corruption, il peut user de statistiques et de généralités sans pour autant aborder l’action gouvernementale dans ces domaines. Sur la qualification du facteur humain, la question de la femme et celle de la jeunesse, la durabilité du progrès économique, l’aménagement du territoire, la question de l’eau, la lutte contre la désertification, les énergies renouvelables… Le grand homme, au sens physique du terme vous toisera à travers les verres de ses lunettes demi-percées et déblatèrera ses souvenirs quand il venait de la montagne.Quant à la place du Maroc dans le monde, la question migratoire, les marocains du monde, il en parlera une prochaine fois.

Mais voilà un homme qui se prononce sur le danger du boycott du conseil de gouvernement, lui qui connaît si bien les dangers que peuvent faire encourir les buissonniers de toute nature.

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