Carthage: Un festival cinéphile et populaire

Tunis – Mohammed Bakrim

La 29ème édition des Journées cinématographiques de Carthage se tient cette année du 3 au 11 novembre 2018. Contre vents et marées, la plus prestigieuse manifestation de la cinéphilie arabo-africaine maintient ainsi le cap assurant la continuité tout en élargissant l’éventail des activités et de la programmation, proposées à un public toujours aussi nombreux enthousiaste et passionné.

Il est indéniable que les JCC sont marquées fondamentalement par deux dimensions qui font sa spécificité au sein de l’agenda serré des festivals de cinéma à savoir la cinéphilie et la popularité. A un certain moment les JCC ont failli renoncer à leur identité propre sous la pression médiatique de certains manifestations nées dans la région notamment Marrakech et Dubaï ; c’était une métamorphose hybride et artificielle mais l’arrivée à la tête des JCC d’un vétéran de la profession et de la cinéphile tunisienne et de son équipe a permis au festival d’assurer une nouvelle relance sur la base de ce que Néjib Ayed appelle les fondamentaux.

Pour le directeur général des JCC, «Les Journées Cinématographiques de Carthage, doyen des festivals africains et arabes, se portent bien. De biennales jusqu’en 2014, elles sont devenues annuelles, grâce au foisonnement des cinématographies africaines et arabes». Il rappelle en outre les étapes qui ont marqué leur évolution récente : «2016 a été l’occasion de fêter le 50e anniversaire des JCC. 2017 a été l’année du bilan et des reformes. 2018 sera l’année de la confirmation des choix de l’année passé et l’occasion de mettre plus en perspectives les JCC sur les plans régional et international.Mais il a fallu recentrer le festival sur ses fondamentaux :

– Confirmation de la vocation africaine et arabe et un meilleur équilibre entre l’Afrique et les pays arabes en termes de films et d’invités.

– Confirmation de la volonté d’être un festival du Sud, un forum tricontinental avec l’Afrique, l’Asie, l’Amérique Latine et un zeste méditerranéen.

– Approfondissement de l’option créative, cinéphilique et pourquoi pas militante du festival, cette tendance étant au cœur du combat pour l’émancipation de l’Afrique et du monde arabe.

– Le renforcement de Carthage Pro, la plateforme professionnelle des JCC, espace incontournable, incubateur d’idées et de projets, lieu de réseautage entre les professionnels du Sud et leurs homologues du Nord.

– La poursuite de la politique de décentralisation des JCC, par l’amorçage de la création de 4 festivals dans d’autres villes de l’intérieur du pays, qui devraient rapidement devenir indépendants des JCC.

– Les JCC dans les prisons a été une réussite, et sera reconduit dans 6 unités carcérales sur tout le pays. »

La programmation de cette année reste très riche et variée. Au niveau de la sélection officielle, les sections pares restent la compétition officielle englobant des films longs et courts, fiction et documentaire. Lamia Belcaid, universitaire, critique de cinéma, Déléguée générale des JCC précise à ce propos : « Les films de la 29ème session nous révèlent des regards dévoilant l’étendue des problématiques actuelles, parfois la particularité des rapports familiaux dans la complexité quotidienne, et d’autres fois, la focalisation sur les traversées turbulentes du « No Man ‘s Land » de frontières infranchissables et morbides.Des films qui s’attachent à scruter l’absurdité humaine dans ses conflits avec ses propres réalités et donnent à voir une expression cinématographique personnelle et innovant »

Les films marocains retenus pour cette édition s’inscrivent en effet dans cet esprit notamment avec les deux longs métrages en compétition officielle. Deux films de la nouvelle génération portés par des thématiques sociales fortes mais qui se retrouvent autour de la problématique récurrente du cinéma des nouvelles générations celle de la filiation et du père absent ou introuvable. Il s’agit de Laaziza de Mohcine Besri et Sophia de Meryem Benbark. Un cinéma nouveau avec des questions anciennes.

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