«Ce ne sont pas nos référentiels culturels qui décident mais la nature du film»

Entretien avec Naomi Kawase, membre du jury long-métrage du FIFM 2015

Naomi Kawase, réalisatrice et scénariste japonaise, fait partie du jury de la 15e édition du FIFM présidé par l’américain Francis Ford Coppola. Après une semaine de projection de films inscrits en compétition officielle, Al Bayane est allé à la rencontre de la réalisatrice. Membre d’un jury culturellement et géographiquement bigarré, Naomi Kawase confie que ce ne sont pas les référentiels culturels qui priment sur l’évaluation des films mais plutôt leur nature. En quelques mots, Naomi revient également sur son cinéma marqué fortement par la nature et son expérience personnelle de fille abandonnée très jeune. Les propos.

Al Bayane : Vous êtes membre du jury de la 15e édition du FIFM. Quelle évaluation faites-vous des films en compétition ?

Naomi Kawase : En fait, je n’ai pas vu de films du Moyen-Orient et de l’Inde. Chaque jour, je vois de nouvelles choses. C’est une grande expérience pour moi.

Le jury est constitué de différentes nationalités et cultures. Cette diversité ne rend-elle pas votre tâche un peu difficile ?

C’est une chose difficile d’évaluer des films parce que chaque film a ses techniques. En effet, ce ne sont pas   nos référentiels culturels qui décident, mais la nature du film.

Avez-vous une idée sur le cinéma marocain ?

Je n’avais pas une grande connaissance du cinéma marocain.

Parlez-nous un peu de votre cinéma ?

Au Japon, il y a uniquement 6% de femmes cinéastes. Elles constituent une minorité. Ce qui signifie que la femme cinéaste rencontre plusieurs difficultés en matière de réalisation cinématographique, notamment dans les petites villes.

L’image générale véhiculée dans le pays c’est que la femme doit s’occuper de son foyer et de ses enfants. Malgré cela, la femme réalisatrice travaille. J’étais parmi les premières femmes qui ont intégré le domaine cinématographique et qui ont combattu cette tradition. Nous avons ouvert la porte à d’autres femmes pour continuer l’aventure. Quant à moi, je continuerai sur cette voie. J’ai fait mes premiers pas, il y’a 25 ans.

Il faut dire qu’aujourd’hui, les gens ne s’intéressent pas au cinéma. La vidéo a envahi le marché. Notre génération de cinéastes a fait découvrir le cinéma japonais ailleurs, entre autres à Cannes et Venise. Après 25 ans, la différence réside dans le fait que la télévision produit des films, ce qui fait qu’il y’a un mélange entre le cinéma et la télévision.

Quelle place occupe la nature dans vos travaux ?

Comme tout le monde le sait, nous célébrons chaque année Sakura, cette rose qui exprime notre naissance et qui fleurit trois jours par an. C’est une fête nationale. À vrai dire, les gens ont une relation intime avec la nature. Elle a une grande importance. Tout le monde chez nous attend cet événement. Au Japon, nous avons souffert des désastres naturels. Notre quotidien est également soumis à de grands problèmes avec la nature, notamment les tremblements de terre et les tsunamis… Effectivement, on ne peut pas contrôler la nature. On la respecte et on partage notre vie avec elle.

Votre enfance était un peu dure. Est-ce que vous la reflétez dans vos films ?

Ma mère m’a laissée petite et elle s’est mariée à un autre homme. Je crois qu’elle s’est mariée trois ou quatre fois. J’étais triste parce que je n’ai pas grandi au sein de ma famille. J’essaie toujours de regarder le côté positif de la vie. La plupart des sujets de mes films tournent autour de la famille. Je n’étais pas chanceuse dans la vie, mais j’essaie de vivre ce qui m’a manqué dans la vie. J’ai appris certaines choses sur ma mère ; mais concernant mon père, je ne sais rien du tout. Le premier travail que j’avais réalisé était intitulé «A la recherche de mon père». C’était un sujet pour un travail documentaire. L’idée, au début était de sortir un documentaire et trouver mon père par la suite.

Comment se porte l’industrie cinématographique japonaise ? Avez-vous un chiffre d’affaire sur votre production?

Pour le chiffre d’affaire, il est estimé à 207034.000.000.0 Yen. Pour le cinéma, il faut dire que les strass de la télévision monopolisent presque tous les rôles. Il y a les dessins animés comme Manga qui ont été transformés en films, ainsi que d’autres travaux littéraires qui ont été adaptés au cinéma.

Le cinéma peut-il jouer un rôle contre la montée du terrorisme et de la violence ?

Nous souhaitons résister contre la violence et le terrorisme à travers nos travaux cinématographiques. Lors d’une conférence de presse dans le cadre du FIFM, le président du jury, Francis Ford Coppola, a déclaré que lui aussi est convaincu que le cinéma a un rôle à jouer dans ce sens.

Quels sont vos travaux cinématographiques à venir ?

Je travaille sur un nouveau film dont le protagoniste partira pour un voyage à vélo dans une région du Japon. Le personnage entamera un périple dans la ville où je vivais, Nara. Le point d’arrivée c’est une ile du sud-ouest du Japon, une région d’où venait mon père. Dans cette fiction, je montre que j’ai rencontré mon père et pourtant, en réalité je ne l’ai jamais vu.

Mohamed Nait Youssef

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