Ce que nous sommes … Qu’allons-nous devenir ?

L’édition 2023 de la publication « Les indicateurs sociaux du Maroc » est en ligne sur le site du Haut-Commissariat au Plan. Un portrait de la société marocaine qui fournit, souligne l’avant-propos, « les éléments requis pour une évaluation des politiques publiques. ».

La lecture de ce document de 292 pages, aussi aisée soit-elle, suscite la réflexion. Elle devient ardue dés que la comparaison des chiffres présentés pousse à déterminer leurs conséquences sur la vie quotidienne de la population et à envisager le proche avenir.

Certes, si des réalisations ont été effectuées beaucoup plus dans l’infrastructure du pays, il s’avère clairement que l’élément humain souffre encore de mille maux. La politique sociale est à l’ordre du jour ; tardive, elle avance telle une tortue sur du sable, plus lentement que les besoins ressentis et constatés. Or le développement ne se limite pas à l’économique, en supposant que celui-ci est en accroissement dans la recherche de sa résilience et de son émergence ; le facteur humain est un facteur limitant, au sens écologique du terme, pour permettre au pays d’avancer vers le bienêtre et la prospérité. Comme il constitue un capital essentiel pour le développement de la nation, il peut devenir un handicap majeur à son évolution et à son émancipation. Il est plus que temps d’accélérer le mouvement pour que la population, dans son ensemble, profite des ressources nationales et soit dans l’aptitude d’affronter les défis d’un monde en devenir.

Le document du HCP sonne l’alarme, beaucoup plus que le Rapport du cinquantenaire ou de celui du Nouveau modèle de développement. Il est officiel et traite de l’actualité, chiffres à l’appui, de la démographie ; de l’activité, de l’emploi et du chômage ; de l’éducation et de la formation ; de la santé ; de l’habitat et des conditions de logement ; de la croissance, des revenus et des niveaux de vie des ménages ; des loisirs, de la culture et des divertissements.         

Ainsi, le monde rural se vide alors que la sociabilité des villes attire la population.  Les marocaines sont plus nombreuses en général, et beaucoup plus dans les villes que dans les campagnes. Des agglomérations urbaines qui s’élargissent suite à l’exode rurale dont la sécheresse, faut-il le rappeler, est un accélérateur. On vieillit plus et le nombre des enfants baisse. La dépendance de ces derniers diminue alors que celle des adultes augmente, particulièrement chez les femmes et en milieu rural.

Le célibat recule, même s’il résiste à partir d’un âge certain. Le mariage reprend son attractivité perdue pendant la pandémie (confinement oblige !). Le divorce le suit dans cette reprise. Les femmes se marient un peu plus jeunes qu’auparavant alors que les hommes prennent un peu plus de temps pour se décider à se mettre en cage. La taille des ménages se réduit et la famille se nucléarise un peu partout dans le territoire national. On enfante beaucoup plus en milieu rural qu’en milieu urbain malgré l’usage de la contraception qui se développe ; et les adolescentes des campagnes restent plus fécondes. Le retard de croissance des enfants est enregistré deux fois plus en milieu rural ; il en est de même de l’amaigrissement alors que le surpoids affecte les enfants des villes.

Quoiqu’il en soit le royaume reste un pays de jeunes, où l’espérance de vie s’améliore, la mortalité néonatale diminue tout en restant considérable alors que la mortalité infantile diminue substantiellement mais reste importante et affecte le milieu rural beaucoup plus. La mortalité maternelle reste grave, surtout dans les campagnes.

La création de l’emploi, tout en restant insuffisante, porte sur les services, les BTP et le secteur primaire. L’industrie et l’artisanat perdent des emplois. On travaille, quand c’est le cas, plus au Maroc et la durée excessive du travail est enregistrée chez les hommes. Le chômage augmente et touche les jeunes, les diplômés et les femmes. Les trois quart des salariés restent sans couverture médicale et le travail des enfants s’observe encore plus dans le rural. L’affiliation syndicale des actifs occupés et de 2,8 %, celui des salariés est de 4,8%.

La scolarisation s’améliore dans l’ensemble mais souffre d’une déperdition notable. Les « sans niveau » constituent 38,7% de la population globale. L’analphabétisme sévit en milieu rural et chez les femmes. Du préscolaire au collège, le nombre des filles qui décrochent est de 2,4% alors qu’à partir du secondaire les filles sont plus nombreuses que les garçons. La scolarisation dans le privé avance à partir du cycle secondaire. Sur la qualité de l’enseignement, le document du HCP est sans ambages : « Les rapports issus des enquêtes d’évaluation internationales (TIMSS, PIRLS et PISA) révèlent une persistance du problème de la qualité de l’enseignement marocain. Ainsi, selon les résultats de l’évaluation TIMSS-2019, les scores des élèves marocains restent inférieurs à la moyenne internationale. ». La formation professionnelle tend vers la spécialisation dans les 2042 établissements dédiés. Si le nombre des étudiants a triplé depuis 12 années, il reste encore à mettre l’enseignement supérieur au service du développement du royaume après tant de réformes inachevées….

De la santé, le document du HCP mentionne que pour 10 mille habitants, on enregistre 7,4 médecins et 9,8 de personnel paramédical. La densité médicale reste faible et se concentre dans deux régions côtières au Centre Nord du pays. La disparité de la répartition de l’effectif du personnel de santé entre les régions est un problème qui est en relation avec le développement local et la disparition des inégalités territoriales. Régionalisation avancée à mettre en œuvre ! La couverture médicale s’améliore en théorie, il reste à ce que la prise en charge sanitaire de la population soit effective et efficiente. Le cinquième de la population adulte souffre d’obésité et les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de décès. Les tentatives de suicide augmentent et les femmes sont plus sensibles à cette tentation morbide. La santé mentale reste plus que problématique avec moins d’un psychiatre pour 100 000 habitants.

Des conditions de l’habitat, le document du HCP relève que « L’urbanisation rapide engendre la prolifération des taudis. Ce qui induit des pressions sur les ressources et sur les infrastructures et services de base et l’aggravation de l’espace environnant. ». L’assainissement liquide et l’assainissement solide restent très faibles dans le milieu rural. L’amélioration de ces services en milieu urbain ne va pas sans problèmes, du ramassage des déchets à la gestion des décharges et du raccord au réseau à la pollution des réceptacles des eaux usées, notamment en zone côtière.

L’évolution de la croissance se présente en zigzag alors que le pays a besoin d’une croissance forte et stable pour assurer son développement global et humain en particulier. A ce propos, les inégalités territoriales et sociales sont criantes et deviennent insupportables pour la population et handicapantes pour le développement national.  Les revenus des ménages, déjà affaiblis par la pandémie du covid-19, sont lourdement érodés actuellement par l’inflation qui galope. Les inégalités sociales s’accentuent. Les « moins aisés » sont les plus touchés et encore plus en milieu rural.

L’insécurité alimente reste modérée à grave pour 22% de la population alors qu’elle est sévère pour 3,2%/.

Le moral des ménages s’en ressent de cette situation et leur indice de confiance chute abruptement. On use de son épargne, on s’endette …

On ne va pas au cinéma dont le nombre des salles a chuté drastiquement. Que dire de la musique, des bibliothèques et des activités sportives. …

La prestation de la sélection nationale à la coupe du monde de football a été un défoulement national. Cela montre aussi que la réussite est possible quand on s’y mets.

Sans que le pessimisme nous entraine vers la démotivation, ce « portrait social » dressé par le HCP devrait faire bouger les uns et les autres dans une mobilisation générale pour le développement humain du royaume. En sachant ce que nous sommes, œuvrons à notre devenir

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