«C’est important aujourd’hui de faire des films sur les êtres humains!»

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

Cristain Mungiu est réalisateur et scénariste roumain. Son long métrage «4mois, 3 semaines, 2 jours» a remporté la Palme d’or du festival de Cannes 2007. Il s’est vu également décerner le prix du scénario lors du même festival, mais cette fois-ci en 2012, pour son film «Au-delà des collines». Le cinéaste qui a toujours rêvé de faire du cinéma a fait un passage dans le journalisme dans lequel il puise, parfois, ses scénarios. En effet, son cinquième long métrage «Baccalauréat» a  enrichi son palmarès avec le Prix de la mise en scène cannois en 2016. Cristain Mungiu est venu échanger son expérience cinématographique avec les cinéphiles et les professionnels au FIFM. Entretien.

Al Bayane : Vous avez commencé votre carrière dans le journalisme, plus précisément dans la presse écrite, avant de se lancer dans le domaine du cinéma. Parler nous un peu de ce passage du journalisme au monde du 7ème art ?

Cristain Mungiu : Ce n’était pas un passage qui a été fait tout de suite. Je commençais à écrire dans un petit journal d’étudiants pendant la période où le communisme triomphait. En fait c’était ma sœur qui m’a amené là bas avant de devenir étudiant à Iasi, ma ville natale.

Pourquoi l’écriture alors ? L’idée de faire du cinéma vous hantez depuis ?

Oui. Je commençais par écrire pas par cette idée de devenir cinéaste. Ce n’était pas si facile de devenir cinéaste pendant la période communiste. J’étais un garçon issu d’une famille qui n’était pas célèbre dans ma ville.

En revanche, l’école de cinéma était une école qui a été ouverte  pour les filles et les fils soit des comédiens, des réalisateurs ou des gens qui étaient forts dans la politique. C’est pour cela que j’ai fait mes études chez moi  en littérature, mais j’ai toujours espérer de devenir écrivain et non pas cinéaste.

Et puis je commençais à écrire, et c’est pour ça que ma sœur m’a amené à ce journal d’étudiants pour parler aux autres, pour découvrir des histoires, pour écrire toujours afin de former un style.

Qu’est ce qui s’est passé par la suite?

Ce qui s’est passé, c’est que je rencontrais des gens très intéressants avec lesquels on avait des échanges extraordinaires. Aujourd’hui, c’est difficile de rencontrer des personnes intéressantes …il faut le dire, on était très bien dans cette période où on n’avait pas d’internet, ni des réseaux sociaux, mais on en avait du temps pour parler et échanger. Surtout le temps de lire, de parler avec les autres et le temps d’écouter… C’est une «opportunité » qui m’a appris beaucoup de choses. Ce journal d’étudiant est un projet qui n’a pas duré longtemps, mais c’était une période turbulente avec  beaucoup de choses à découvrir, à dire, qu’on connaissait pendant la période communiste et qu’on ne pouvait pas raconter… et maintenant, c’est le moment pour dévoiler au monde!

Plus tard, ce que j’ai compris, c’est que cette liberté m’a donné la chance de faire le cinéma et de devenir cinéaste.  J’ai voulu faire ça parce que c’était mon rêve  à l’âge de 17 ans et 18 ans. Je me suis dit que c’est intéressant de dire des histoires avec des paroles toujours, mais pourquoi ne pas essayer de le faire avec  des films. Pour ce faire, j’ai quitté ma ville natale et je me suis installé à Bucarest pour une période de travail dans la presse. En exerçant ce métier, j’ai gardé un style d’écriture que j’utilise aujourd’hui même dans l’écriture de mes scénarios. Un style visant construire les histoires et donner l’information. D’ici là, j’ai découvert une équivalence visuelle de ce style qui était seulement avec des mots, et, puis, je continuais ma carrière comme cinéaste, mais je reste quelqu’un qui commence par lire les journaux chaque matin. Alors je trouve toujours des choses  que je garde pour moi. Parfois les films que j’écris parlent très souvent des choses que j’ai lues dans un journal.

Revenant au communisme : y a-t-il une chose qui vous inspire dans cette période ou encore cette  idéologie et système de réflexion  qui a traversé tout le monde?

J’ai fait plusieurs films sur cette période, mais non pas directement sur le communisme parce que c’est difficile de faire un film sur une idéologie pareille. Pour moi, c’est important de faire des films sur les êtres humains, voire par exemple comment cette idéologie a influencé leurs vies. Le film «4mois, 3 semaines, 2 jours» est un film que j’ai fait, c’est le plus connu d’ailleurs, a réussi à faire quelque chose en racontant une histoire du 24 heures de ces filles. Ce film parlait de l’atmosphère du communisme, de cette idée de rentrer dans les pensées des gens. Cette époque était une agression de la société contre les gens.  J’ai continué  de faire deux ou trois film sur la période et de montrer les choses d’une manière cinématographique et artistique différente.  L’humour était notre âme pour survivre dans cette période.

Par le bais du cinéma, vous abordez plusieurs thèmes et sujets y compris la corruption, la violence parce qu’exemple dans votre film «Baccalauréat», Romeo incarne le personnage du médecin pour assurer une vie honnête à sa fille Eliza dans une société malhonnête. Pourquoi ce genre de sujets ? Que voulez-vous dire par le traitement cinématographique de ces sujets?

Je trouve que le sujet le plus important pour moi aujourd’hui ; c’est l’éducation c’est-à-dire les conseils qu’on donne pour nos enfants et pour les générations avenir. Dans le film «baccalauréat» je parle d’une histoire qui se passe en Romanie, mais qui peut se passait dans n’importe quel pays du monde. Je parle de la nature humaine, de cette idée qui  n’est pas seulement relative à la corruption. Je voulais faire un film sur une société, la société de la Romanie, mais aussi des autres sociétés où nous voyons  que les choses n’avancent pas. Or, il faut voir aussi comment les choses peuvent changer surtout dans les valeurs que nous véhiculons aux gens et aux enfants de la génération suivante. On doit commencer ce changement à travers nous-mêmes.

Sur le plan cinématographique vous utilisez des séquences là où il y a plus de détails et d’étrangeté. Un cinéma, si n’osons dire, un peu détaillé qui reflète la vie quotidienne des gens. Est-il un choix esthétique ou une quête de votre propre touche cinématographique?

Ce qui est le plus compliqué dans le cinéma,  c’est de raconter ce qui se passe dans la tête de quelqu’un. Alors mois, j’ai toujours besoin de raconter pas seulement les grandes histoires extérieures, mais aussi ce qu’ils ressentent les personnages. C’est pour cela dans le cinéma, on doit utiliser toujours des scènes extérieures. Mais j’espère que ces scènes extérieures donnent au spectateur le sentiment que le personnage principal a dans un certain moment dans le film.

Comment vous faites pour monter ça au spectateur ? En d’autres termes, avez-vous une technique qui vous distingue des auteurs réalisateurs?

Pour ce faire, j’ai créé une esthétique particulière et péronnelle en réfléchissant beaucoup sur la question du «quoi le cinéma pour moi » ? Une question qui me travaille !  C’est une réflexion sur la vie, sur la réalité. En Outre, j’essaie de comprendre comment la réalité avance et quels sont les principes fictionnels de la réalité afin de la transposer dans le film. C’est la raison pour laquelle j’ai fait ces très longs plans parce que la réalité est une projection du temps infini. Alors j’essaie d’avoir chaque moment comme une capture d’un moment qui pouvait exister dans la réalité.

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