Chili: La contestation s’invite au Festival de Vina del Mar…

Au Chili, le Festival international de la chanson de Vina del Mar qui a lieu chaque année, dans cette cité balnéaire située à quelques 120 kilomètres de la capitale reste un des festivals de la chanson les plus importants d’Amérique latine.

Les droits de retransmission des six soirées de cet évènement musical de grande renommée qui a toujours servi de vitrine au pouvoir chilien étant cédés aux télévisions pour près de 400 millions de dollars, celui-ci a toujours donné l’occasion, aux autorités du pays, de lancer des «campagnes publicitaires» et de livrer au monde «une photo de la société chilienne» bien loin de la réalité;  une image «superficielle d’un monde people» si l’on en crois le journaliste culturel Patricio Cuervas.

Ce dernier tient à rappeler, également,  que, pendant la dictature, ce festival, auquel assistait régulièrement Augusto Pinochet, servait de vitrine trompeuse d’un pays «normal», «au processus démocratique exemplaire et aux bons indicateurs économiques».

Mais, cette année, en survenant à un moment où le Chili est secoué, depuis le 18 Octobre dernier, par un grand mouvement de protestation sociale qui a fait 31 morts et au cours duquel ont été perpétrés de nombreux saccages et incendies d’établissements industriels et commerciaux, le festival Vina del Mar 2020 se voit utilisé en tant que tribune par les contestataires en dépit du fait que les organisateurs du spectacle et les autorités ont essayé de limiter au maximum la diffusion de messages politiques en interdisant au public d’amener des pancartes, des drapeaux et des banderoles.

Ainsi, ce dimanche, à l’occasion de l’ouverture du Festival, quatre mois après le déclenchement du mouvement contestant les très fortes inégalités que connaît le pays, la station de Vina del Mar a été secouée par d’importantes manifestations anti-gouvernementales et par de très violents heurts avec la police.

Masqués et munis de pierres, de bâtons et de cocktails molotov, des milliers de jeunes chiliens ont provoqué des troubles à proximité du parc «Quinta Vergara» où a coutume de se tenir le festival et même brisé, à l’aide de jets de pierres et de cocktails molotov, les baies vitrées de la façade de l’hôtel O’Higgins où sont traditionnellement logés les artistes, les membres du jury et les journalistes nationaux et internationaux, accrédités à l’effet de couvrir l’évènement et incendiés près d’une dizaine de véhicules stationnés dans la cour et aux abords de l’Etablissement.

La police anti-émeute ayant été obligée de faire usage de bombes lacrymogènes et de camions lanceurs d’eau, le public n’a pu accéder au site du festival qu’après un retard de trois heures et demi et le franchissement de deux contrôles policiers.

S’exprimant devant un parterre de journalistes, Ricky Martin, une des vedettes du festival et une grande star de la pop latino, a manifesté son soutien aux revendications sociales des chiliens qu’il considère comme étant «importantes» pour «faire comprendre aux dirigeants de nos pays ce dont nous avons besoin» mais qui devraient, toutefois, être présentées «d’une manière ordonnée». «Ne vous taisez pas ! (…) Exigez le minimum : les droits de l’homme !» enchaînera-t-il sous les applaudissements nourris du public.

Il semble, enfin, qu’en cette année 2020 et après que le mouvement de contestation populaire qui soulève le pays s’en est emparé, le Festival de Vina del Mar n’est plus en mesure de donner au monde une fausse image de la «démocratie chilienne». Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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