Clint Eastwood: L’artiste et le citoyen

Une formule lapidaire pour résumer la problématique : on peut aimer l’artiste et ne pas être d’accord avec le citoyen! Formule vérifiée lors de plusieurs épisodes de l’histoire quand l’actualité, des événements dictent aux uns et aux autres des prises de position.

Elle prend aujourd’hui une nouvelle dimension avec le cas Donald Trump, le président américain qui bouscule non seulement le monde politique à coup de tweets mais également interpelle l’univers feutré des intellectuels et des artistes. Déjà, il avait instauré un clivage au moment des primaires républicaines et accentué lors de sa campagne électorale face à la démocrate Hillary Clinton. Cela continue de plus belle…

Le cinéaste américain, Clint Eastwood est connu en tant que citoyen pour ses positions politiques proches du parti conservateur. On apprend aussi qu’il s’est rangé du côté du nouveau locataire de la maison blanche. Il a même été d’une grande virulence dans ses propos : « Donald Trump tient quelque chose, car en secret tout le monde commence à en avoir marre du politiquement correct, de faire de la lèche. On est en pleine génération lèche-cul, maintenant. On est vraiment dans la génération mauviette. Tout le monde marche sur des œufs. On voit des gens en traiter d’autres de racistes et tout ça. Quand j’étais petit, on n’appelait pas ces choses du racisme». La liberté d’expression et la démocratie jusqu’au bout. Et il y a débat. Les positions de Trump à propos notamment de sujets sociétaux et de valeurs ont fait réagir comédiens, artistes, intellectuels et les grands médias écrits. Hollywood est monté en première ligne avec la séquence emblématique de Meryl Streep lors de la cérémonie des Golden Globes. La gracieuse star américaine et amie de Clint Eastwood (!) a dénoncé les dérives du nouveau pouvoir ; une intervention mémorable emprunte d’humanisme.  Ce faisant, elle prolonge une grande  tradition hollywoodienne dite «libérale» au sens américain (progressiste). Au point que le monde du cinéma a été la première cible du maccarthysme et sa fameuse blacklist.

Quid de Clint Eastwood ? Y a-t-il une coupure entre ce qu’il véhicule comme valeurs en tant qu’auteur de films et ce qu’il affiche comme positions dans l’espace public ? Force est de constater que la réponse ne peut être tranchée dans un sens ou dans l’autre. Il y a de l’ambigüité y compris dans certains de ses films (voir American Sniper).

Sa carrière en tant que comédien reste révélatrice dans ce sens. Il avait joué dans des films que la critique de gauche avait considérés comme « fascisants » ; notamment dans son interprétation de l’inspecteur Harry, un policier qui faisait fi de l’Etat de droit pour instaurer un ordre en usant de violence. Une figure du sauveur qui renvoie à des tristes exemples dans l’histoire.

Et il y a un autre Clint Eastwood, l’auteur de films adulés par la critique et les cinéphiles. Des films traversés de complexité et sentiments divers. On n’oublie pas que dans sa filmographie, il y a une expérience inédite, celle de réaliser deux films sur la guerre en y intégrant le point de vue de l’autre : Lettres d’Iwo Jima qui relate une des grandes batailles du point de vue japonais.

Dans Sully, le dernier film que nous avons vu de lui, il met en valeur le héros solitaire face à l’institution et qui finit par vaincre par ses seules forces intrinsèques. Oui, il y a l’artiste et le citoyen. Si le citoyen joue sur la transparence et la clarté des positions, l’artiste intègre l’imaginaire par des voix plus sinueuses, en proposant des pistes de lecture qui sont plus un cheminement qu’un chemin tout tracé (Voir Mystic river).

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