Crimes financiers : mesures-phares pour améliorer le traitement des dossiers

Le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, veut s’attaquer à la lenteur des procédures judiciaires. Il vise surtout les affaires économiques et financières. Son département planche notamment sur la création de quatre nouvelles équipes régionales de police judiciaire spécialisées dans les crimes financiers et économiques. «Elles seront mises en place au niveau de Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech», a fait savoir le ministre lors de la présentation des réalisations de son département mardi dernier à Rabat. Le but est d’accélérer le traitement des affaires économiques et financières.

Dans le même ordre, la tutelle compte créer quatre nouvelles Chambres spécialisées dans ce type de dossiers. Une rencontre entre le ministre et les présidents des tribunaux est prévue aujourd’hui jeudi pour examiner cette question. Sachant que la création de ces structures sera précédée par la formation des juges pour garantir le traitement des dossiers dans des délais raisonnables. Une nécessité dans la mesure où le système souffre d’un déficit en profils qualifiés pour prendre en charge cette catégorie d’affaires, comme l’a indiqué le ministre. Toujours sur le volet des crimes financiers et économiques, le ministre a fait savoir que des discussions sont en cours pour transférer les affaires issues des rapports de la Cour des comptes directement au parquet sans passer par son département ni par la police judiciaire.

Ces mesures, qui visent à accélérer le traitement de ce type de dossiers, sont indispensables face à la hausse des affaires de corruption. De 4.838 dossiers enregistrés en 2004, ce nombre a atteint 13.740 en 2014.

D’autres mesures sont prévues pour améliorer la fluidité du traitement des dossiers au niveau des tribunaux. Les justiciables pourront notamment suivre l’évolution des dossiers devant les tribunaux grâce à une application mobile permettant l’accès aux informations actualisées. Il est également prévu d’instaurer l’échange électronique des données entre la police judiciaire et le parquet. « Ce projet en est toujours au stade d’examen », a souligné le ministre. Mais l’échange électronique des données entre les tribunaux et les professionnels a été officialisé via une convention avec les notaires. Un accord similaire sera bientôt conclu avec les avocats.

Au niveau de la magistrature, le bilan fait état d’une responsabilisation accrue des magistrats. Ainsi, le nombre de juges qui ont comparu devant le Conseil supérieur de la magistrature a atteint 19 dont 6 ont été révoqués. Un chiffre qui reste inférieur à celui enregistré en 2014, à savoir 41. Le projet de loi organique relatif au statut des magistrats, transmis au Conseil constitutionnel pour validation, comprend plusieurs dispositions pour renforcer l’éthique judiciaire. «L’article 113 impose notamment aux juges de procéder à la déclaration de leur patrimoine et celui de leurs enfants mineurs dès leur nomination», a indiqué le ministre. De son côté, le projet de loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature instaure le suivi du patrimoine des magistrats. L’article 107 prévoit également des poursuites judiciaires à l’encontre des juges dont le patrimoine a augmenté lors de l’exercice de leurs fonctions.

L’effet de ces mesures coercitives devra être atténué par l’amélioration des conditions des magistrats promise par le Chef du gouvernement. Se dirige-t-on vers une nouvelle hausse des salaires de ces professionnels de la justice pour atteindre notamment le montant des indemnités des parlementaires ? En tout cas, les propos de Benkirane portent à le croire.

Hajar Benezha

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Ramid s’accroche à la détention provisoire

L’appel des ONG à réviser la procédure de la détention provisoire restera t-il lettre morte ? Le ministre de la Justice a en tout cas affiché son ambition de préserver la détention provisoire. Car, «à peine 1% des détenus provisoires sont innocentés à l’issue du procès», explique t-il. Par contre, le projet de loi relatif au Code de procédure pénale devra rationaliser ce système. En effet, ce texte introduit une série d’amendements comme la fixation de la durée maximale de la détention provisoire à 8 mois contre un an actuellement. Sachant que les magistrats et les procureurs devront motiver leurs décisions de placer le suspect en détention provisoire. Les juges pourront également prononcer l’une des peines alternatives comme les amendes quotidiennes et les travaux d’utilité publique. Ces mesures sont nécessaires face à l’ampleur de ce phénomène devenu une règle de l’avis même de certaines ONG. En 2015, la détention provisoire représentait 41% de la population carcérale contre 44% en 2011. Cette baisse est à analyser avec précaution dans la mesure où le nombre des détenus à titre provisoire a augmenté sur la même période, passant de 28.505 personnes à 30.340 personnes.

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