Discours vomi

par Mustapha Labraimi

Il y a de ces discours qui vous font vomir. A les entendre, on a envie de crier, de là où nous sommes, « Basta ! ». Leurs tenants enveloppent la connaissance avec l’art de la rhétorique pour asséner des contrevérités pour maintenir la société dans l’archaïsme et approfondir ses contradictions, au bénéfice de leurs privilèges.

L’occasion est le débat sur la situation de la femme dans notre beau pays, à la suite de la mort d’une adolescente au cours d’un avortement clandestin, dans les confins de l’Atlas.

Les interpellations sont nombreuses sur le fond du sujet, une réalité que l’on ne peut occulter. L’avortement clandestin fait des ravages au quotidien ; et les statistiques le prouvent, alors que la loi ne bouge pas depuis des années afin de permettre une interruption médicalisée de la grossesse. Les divorces battent des records et la situation de la femme ne fait qu’empirer, c’est aussi une réalité qui est reconnue par tous, y compris par ce barbu réac qui est présenté sous la parure et derrière l’apposition « observateur politique ».

Son discours est celui d’un terroriste pour la simple raison qu’il «mécréantise», d’une manière fourbe mais appuyée, l’ensemble des défenseurs des droits de la personne humaine sans apporter une solution aux problèmes dont souffrent la société marocaine.

Faut-il rappeler que la mort d’un mécréant est permise dans la conception obscurantiste de ce tartuffe déphasé dans le temps et dans l’espace.

L’égalité du genre humain réclamée mets, selon ses dires, en dehors de l’islam, toute personne qui la revendique. Sur cette égalité, sa généralisation à la testostérone et à ses effets, au taux de progestérone et ses conséquences montrent sa conception sur l’espèce humaine :des réceptacles d’hormones qui donnent au genre masculin une préséance sur le genre féminin sur la prise de risque, l’affrontement, la militarisation et autres attributions machistes. De cette endocrinologie misanthrope, le discours glisse sur le complot féministe financé par l’étranger et se rabat sur la nécessaire soumission, car telle est « sa » conception de l’islam.

L’homme au féminin et l’homme au masculin resteront ad aeternam, tant qu’Homo sapiens -originaire de notre beau pays- existera ; et personne ne veut tomber dans le ridicule d’un déni sexuel.

La revendication de l’égalité respecte cette réalité biologique, aussi complexe qu’elle soit, et se base sur «l’égalité des droits, des responsabilités et des opportunités entre les genres en prenant en considération les différents intérêts, besoins et priorités et en reconnaissant la diversité des différents groupes de femmes et d’hommes». C’est en cela que la «science» de ce personnage offusquant, doit s’occuper pour répondre aux besoins d’une société qui se cherche entre ses tabous, ses non-dits, ses fausses croyances et son ambition de vivre sa modernité. User de l’amalgame, exacerber la ferveur et jeter l’anathème ne sont pas dignes d’un observateur (qui ne l’est aucunement) et qui cache sa rancune au genre humain derrière sa barbe.

Au fait, quel apport a ce quidam pour rendre un musulman en conformité avec sa foi et son temps ? Aucun. Il use d’un discours pour cacher son désarroi devant l’évolution de l’humanité, à plus ou moins long terme, vers l’élimination de toutes les distinctions fondées sur l’origine, le sexe, la situation de famille, l’apparence physique, la vulnérabilité résultant de la situation économique, le nom, le lieu de résidence, l’état de santé, le handicap, l’orientation sexuelle, etc.

Il se sent menacé dans ses privilèges de réactionnaire raciste et bien repu. Il use de stratagèmes éculés pour faire peur au lieu de faire preuve d’intelligence dans l’ijtihad pour répondre à des malheurs que l’on déplore.

Sa science sans conscience des souffrances d’une partie essentielle de la société n’est que ruine de son âme.  Sa prise de parole est ingrate et ne peut se comprendre dans un équilibre médiatique où la parole devrait être donnée à toutes celles et à tous ceux qui œuvrent pour la justice sociale et l’effacement des disparités spatiales.

Tout musulman que l’on est, on ne peut se retrouver dans l’appréhension, l’inquiétude, la fausse alerte, la crainte, la peur, l’épouvante, l’effroi ou la frayeur qui ont marqué ce discours vomi malgré l’éloquence linguistique produite.

Être musulman n’est pas antinomique avec une redéfinition plus équitable de l’espace social et politique où la femme serait l’égale de l’homme.

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