Dolmy : la classe à l’état pur

Il a le football dans la peau ; et le football le lui rend bien. Non pas en termes de réussite sociale et de valeurs boursières. Ce langage, Dolmy ne le parle pas. Il  le laisse aux fans des contrats juteux, aux marchands de stades qui parlent d’abord argent. D’ailleurs, c’est quelqu’un qui ne parle pas ou très peu. Il avait un autre discours, celui qu’il construit balle au pied. Dolmy est un joueur d’une autre race. Il est de l’étoffe des héros. Ceux qui inscrivent leur nom, comme une trace indélébile dans la mémoire des amateurs du football. Le vrai.

Abdelmajid Dolmy que l’on souhaite voir fêté dans un vrai jubilé, est la classe à l’état pur. Une émanation du football dans ce qui fait sa quintessence, à savoir une pratique sociale forgée d’abord dans un environnement fortement contextualisé, ancré sociologiquement au sein des couches sociales les plus défavorisées. Un sport de banlieue ouvrière. Il a évolué alors en une forme d’expression de l’imaginaire populaire. Dolmy a constitué dans ce sens une figure emblématique de cette joie de vivre collectivement un plaisir. Un spectacle de masse qui se donne des stars, très vite devenues des idoles.

Dolmy s’est trouvé être l’incarnant de cette dimension par ses qualités intrinsèques. Il ne fut pas le produit d’une construction médiatique. Ce ne fut pas une bulle du genre qui meuble aujourd’hui l’horizon éphémère des produits de marketing. Sur quoi se fondent ses qualités ? Deux aspects dessinent la configuration du socle sur lequel reposait la popularité immense de Dolmy.  Une pratique footballistique relevant de l’art et un comportement personnel sur le terrain et dans la ville extrêmement original dont le titre générique serait l’humilité. Dolmy n’est pas bavard. Il est modeste. Il use avec parcimonie du vocabulaire pour communiquer. Il laissait éclater toute son éloquence sur le terrain.

Pour décrire son art du jeu, il n’y a qu’à étudier les qualificatifs dont use le peuple des stades pour parler de lui : Dolmy c’est «al maâlem» (le patron au sens artisanal du terme), «l’Oustad» (le maître) ; «almoudir» (le directeur)… tout un champ lexical au service d’une signification renvoyant à la maîtrise, à la justesse, à la précision et à la concision. Il n’a pas son pareil pour mener le jeu ; en tant que distributeur, ses balles arrivent avec une telle exactitude que ses collègues sur l’aire du jeu disent qu’ils reçoivent de lui non pas des passes mais des lettres recommandées, avec accusé de réception. Aux côtés de Dolmy, on ne peut que s’épanouir.

Dolmy a évolué dans tous les postes constituant un schéma de football. Il a brillé  notamment en tant qu’arrière gauche, en tant qu’arrière central et surtout en tant que demi défensif, régnant en seigneur sur le milieu du terrain décrochant à ce post,e en 1986, la note neuf sur dix livrée par les journalistes de l’AFP lors de l’évolution de l’équipe nationale de football pendant le mondial mexicain. Petit de taille, les autres ne lui arrivent qu’à la cheville… y compris dans les duels aériens. Il a un jeu complet : sachant casser les offensives adverses, il a l’intelligence de la relance rapide. Il sait temporiser, fixer son adversaire pour le dépasser par une prouesse technique souvent inventive. Il a la créativité spontanée qui lui permet de s’en sortir…avec grâce pour le plaisir des connaisseurs, d’abord chez les Rajaouis, là où on compte le plus de puristes mais aussi  chez tous les amateurs du football qui le respectent partout à travers les stades du Royaume. Car c’est aussi un homme de classe. Poli et discret, il est resté fidèle à cette image du fils du peuple, resté auprès du peuple. Tout le peuple du football devrait en ses temps de morosité lui rendre un vibrant hommage.

Merci Abdelmajid !!!!

Mohammed Bakrim

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