du droit au câblage

Mustapha Labraimi

Le temps du bachot est arrivé ! (Mawazine post Covid est en retard, sa place est occupée par le SIEL dans sa deuxième tenue à Rabat).

L’examen du baccalauréat fait l’actualité par le nombre des candidats et par la numérisation du diplôme. Faisant abstraction de ces éléments factuels, et malgré certaines modifications apportées à cet examen napoléonien, il reste identique à lui-même.

Peut-on imaginer un examen de physique dont l’énoncé remplit sept pages qu’il faut distribuer aux candidats une à une ! Que de crampes à l’estomac pour résoudre la verticalité de la chute de la pomme de Newton ou le fonctionnement du spectrophotomètre destiné à connaître la composition des aliments ! Après le bachotage (cours de soutien, veillées et mémorisation intense…) pour passer l’examen, qu’en restera-t-il ?

On bachote pour essayer d’avoir une moyenne qui permettrait de débuter (après sélection et concours) un cursus qui promet un avenir dans un monde qui change. Un début pour des jeunes dont la scolarité est inégalitaire ; alors que d’autres moins chanceux à réussir le baccalauréat essayeront de trouver une « bricole » pour affronter la vie au quotidien.

De ceux qui réussiront, certains feront les classes préparatoires pour continuer dans des écoles ou instituts créés par des ministères parallèlement à l’université ou commencer déjà le processus migratoire. D’autres seront admis aux établissements à accès limité (encore heureux !) ; et la plus grande partie se trouvera dans les facs pour devenir chômeur diplômé ou technicien dans le câblage après des études de droit. C’est là l’aveu d’un ministre du présent gouvernement qui reconnaît par cela la faillite d’un enseignement supérieur, malade éternel dont le diagnostic est connu depuis fort longtemps et qui souffre de réformite aiguë.

Conflit de génération ou vérité choquante, les diplômes ne sont plus ce qu’ils étaient. Il est loin le temps où un CEP (certificat d’études primaires), se fêtait et permettait immédiatement l’embauche. Les années ayant suivi l’indépendance ont été marquées par l’intérêt porté à l’enseignement par le peuple marocain. Formation des cadres et ascenseur social, l’école publique attirait et son rendement lui ajoutait une aura qui est actuellement un objet de nostalgie. Que de séniors peuvent encore aujourd’hui, à un âge avancé, réciter des poèmes, des fables et des paragraphes d’œuvres littéraires appris sur les bancs de l’école. Que de vocations ont été épanouies et que de cadres ont été formés dans la rigueur, parfois malgré le besoin des familles et les contraintes de l’environnement. L’Etat avait fourni alors un effort gigantesque à ce propos quoiqu’il fût beaucoup plus en préfabriqué qu’en béton armé, du temporaire qui devenait permanent.

C’est peut-être cette approche qui, certainement répondait à l’urgence contingente, mais surtout sa continuité qui va au fur et à mesure des années rendre notre système éducatif en inadéquation avec son environnement socio-économique.

L’éducation et la formation vont depuis lors vivre une crise structurelle qui ne cesse de s’aggraver. Les retouches apportées au fil des temps, après des colloques, des commissions adhoc et moults recommandations, n’ont pas été capables de colmater les fractures et les décrochements du système éducatif avec les besoins de la société et ses aspirations à l’émancipation.

Des choix effectués dans le cadre d’une vision étroitevont ouvrir grandement la porte à l’éclatement du système. Elle se traduit par une approche politicienne à démagogique, par une volonté de réforme qui s’exprime à perpète, mais caractérisée par le renoncement en balayant une précédente réforme sans évaluation et sans se donner les moyens pour faire aboutir la réforme projetée. Le plan d’urgence adopté en 2009 fait l’exception qui confirme la règle, celle de la crise du système éducatif dans son ensemble et celle de la dilapidation de l’argent public chaque fois que l’occasion le permet. La marchandisation du savoir ajoute à cette politique du « laissez aller laissez faire » une discrimination par l’argent de la crèche à l’enseignement supérieur, sans pour autant que l’efficience de la formation réponde aux aspirations de la société et de son évolution.

Si tout le monde est conscient de cette problématique, rien ne se fait pour y remédier ou presque. Le temps passe, l’accès à la connaissance évolue et les attentes deviennent de plus en plus pressantes alors que les responsables s’attèlent à l’application de la méthode Coué pour répondre aux interpellations de la société concernant l’avenir de sa jeunesse et les besoins du marché. L’autosatisfaction, comme l’autoflagellation, ne peuvent conduire qu’à la transformation d’un licencié en droit en technicien du câblage.

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