«Éclats de murmures» de Muriel Augry-Merlino, de l’exigence de l’écriture poétique

La poésie de Muriel Augry-Merlino creuse dans le chaos un tunnel à la recherche d’une lueur, d’une essence humaine. A vrai dire, sa technique d’écriture est une espèce d’archéologie du sens. En effet, la poésie de Muriel est délicate, voire exigeante : l’écriture met les mots sur les maux. Une écriture qui pense mais saignante, errante, non ponctuée, fluide… accompagnée à la fois d’une errance existentielle, ontologique, s’inscrivant dans la quête d’une confirmation du «Soi» dans le monde par le truchement de l’écriture poétique.

Les textes de Muriel Augry-Merlino échangent et dialoguent avec les gravures de l’artiste Moulay Youssef  Elkahfai. En fait, en lisant ses poèmes, on y hume l’odeur des couleurs, on ressent les traits du pinceau, des signes, des mouvements, de la gestuelle, des formes sur la feuille blanche. Du coup, cet acte d’écrire passe, de prime abord, par le crible de la raison avant de n’accoucher de mots, d’images poétiques denses sur le «support», la feuille, en l’occurrence.  Muriel Augry-Merlino écrit avec ses tripes !

«Ma poésie est certainement exigeante, parfois complexe ; je ne pense jamais hermétique. Je ne crois pas avoir véritablement de retenue ni de pudeur, mais je n’aime pas…être impudique», nous a confié la poétesse lors d’un échange autour de son recueil. Et puis, a-t-elle ajouté, cette façon de dire et de ne pas tout révéler est une main tendue vers le lecteur pour instaurer un dialogue, une écoute attentive…pour lui permettre de pénétrer petit à petit dans ce qui est mon univers poétique…mais que je conçois en priorité comme un échange !

Éclats de murmures, titre de son nouveau recueil de poésie paru dernièrement aux Virgule Editions, ne manque pas de force, de tendresse, de déchirure, de fragmentation. En méditant ses vers, on y découvre une économie très remarquable du langage. Les mots sont soudés à la peau, à la chair de la peinture et aux formes des gravures.

Dans son univers poétique, les vers mènent un dialogue étroit, mitigé, harmonieux, serein, agité, mais révélateur de qui demeure caché dans sa verve. En effet, chaque image poétique communique, dialogue aux yeux, à l’intelligence, à l’inconscient, à l’âme du lecteur.

Par ailleurs, les blancs typographiques traversant le corps du poème invitent à une méditation profonde et donne à l’écriture cette dimension de l’«inachevé». En d’autres termes, une écriture inscrite dans le temps, dans l’espace qui donne à la parole des ailes pour s’envoler au-delà des frontières.

Le silence est dominant dans le recueil de la poétesse. Un silence résistant à cette envie, à ce désir de déchiffrement et d’analyse. Certes, il y détient sa puissance dans le fait de penser l’impensable, voire ce qui nous dépasse : cette latence entre les vers et les blancs typographiques fragmentaires.

Toutefois, chaque parole garde/cache un silence, préserve un sens. Les non-dits trouvent une forme et ménagent un espace de silence. En d’autres termes, chaque murmure est une trace ineffaçable, chaque éclat est une parole ouverte sur l’autre rive de la méditerranée, du monde.  Une parole qui ressemblait à une blessure, incapable de faire taire en elle une envie, un désir, un cri, une protestation, une réconciliation, une existence recherchée/retrouvée.

Mohamed Nait Youssef

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