Ecriture

Noircir une page peut paraitre aussi simple que boire de l’eau ; encore faut-il pouvoir le faire. Laisser la plage blanche, avec seulement l’expression de la volonté de la noircir par l’écriture, relève d’un malaise certain. Surtout que la page est censée être lue. Que faire alors? L’expression est un droit qui s’use si on n’en abuse pas.

Le ventre de la société est gros de monstruosités qui ne se reconnaissent pas. De quel côté que l’on se place, la bête immonde est condamnable. Celle de l’agression, quelle qu’en soit la nature, car elle constitue une atteinte aux droits de la personne humaine. Celle de la prédation, par la chasse à l’affût ou en mode ambulatoire, car c’est un acte destructeur.  Que justice soit faite alors ! Encore qu’elle soit juste. Celle des hommes est louche quand elle n’est pas aveugle. Dans l’attente de se faire une conviction, propre et véridique, restons innocents devant la misère humaine qui ne cesse de s’étaler au grand jour.

L’emploi reste une préoccupation majeure de la population. Une jeunesse qui n’arrive pas à trouver une activité rémunératrice se trouve détériorée dans sa personne. Autant qu’elle peut, elle s’accroche à l’espoir de «gagner son pain» dignement, par la sueur de son front et l’huile de ses neurones. Aucun responsable ne peut reporter la réalisation de cet espoir à une échéance lointaine alors qu’il a la possibilité de le concrétiser dans l’immédiat. Contribuer à résoudre un problème structurel de l’économie nationale ne peut être pris à la légère ; d’autant qu’il s’agit de milliers de personnes par an. Sans revenir aux chiffres, il s’agit d’une offre qui pourrait fournir un emploi rémunéré aux personnes nouvelles qui arrivent chaque année sur le marché du travail.

Que l’on se rende compte de l’importance de l’annonce : le plein emploi au Maroc. Finie la hantise du chômage pour les jeunes, pour les femmes, pour les diplômés. Que l’on puisse avoir cette possibilité et que l’action nous fasse défaut pour maintenir le fardeau de «l’oisiveté mère de tous les vices» sur les épaules des seules personnes à la recherche d’un emploi, relève du masochisme collectif. Gardons notre innocence et soyons ouverts à toutes les propositions constructives ? Qui vivra verra!

Ainsi se passe le quotidien sous  le froid sibérien qui s’infiltre vers nos latitudes et le chant des sirènes qui croient inventer l’action politique comme d’autres semblent croire avoir inventé l’eau tiède. L’avenir semble reproduire les mêmes schèmes pour les sociétés qui avancent à reculons. Rien ne bouge et la pesanteur, sous toutes ses formes, s’exerce lourdement en attirant vers le bas. La stratification se prononce et consolide l’héritage sous-développé des temps passés.

La bigoterie s’adjoint à la corruption et à l’opportunisme pour affaisser encore le sol sous les pieds de ceux qui prétendent vouloir changer la société. Le clientélisme se développe et les élites se taisent par manque de courage ou par peur de rompre les fils tenus qui portent l’espoir de voir se consolider le processus démocratique et la transformation de la société, dans la stabilité, par la modernité, l’égalité en droits et la reddition des comptes.

Dans cette obscurité persistent des lumières. Jeunes et enthousiastes, ils égayent toute rencontre. Ils portent en eux l’espoir d’un monde meilleur où l’enseignement et la formation sont une priorité urgente autant que le logement ou l’accès aux soins. Leur engagement politique est conscient. Il s’oppose à celui «des vaches qui se font traire» et qui refusent le changement salvateur. Ils croient à l’humanité de l’homme et se mobilisent pour la promouvoir.

Dans une dynamique consensuelle, ils agissent pour une société où la fierté de vivre se traduit par patriotisme et militantisme pour le triomphe de la rationalité et l’établissement de la justice sociale. Ils condamnent les coups bas autant que la misogynie prédatrice et ils restent fondamentalement attachés à la liberté d’écrire. Noircir une page n’est pas aussi simple que boire de l’eau, surtout quand il s’agit d’écriture.

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