«Entre cinéma et journalisme» de Hassan Naraiss

Voici un opus dont on peut dire sans ciller le moins du monde et sans grossir le trait qu’il comble un vide. Celui du récit, personnel et objectif à la fois, dont le sujet est axé sur l’univers du cinéma au Maroc.

Le septième art en tant qu’activité bien sûr, mais aussi ce qui l’entoure, le génère, le gouverne et s’y trame, et il y a tant de choses à dire là-dessus. Hassan Naraiss, écrivain, journaliste et critique de cinéma est bien placé pour le savoir.  Et il le sait en long et en large puisqu’il y a introduit sa touche active, je veux dire sa plume. Car il a écrit et écrit toujours sur le cinéma marocain depuis plus de vingt ans. Toute une période dont il rend compte dans ce sympathique livre.  En profondeur, avec beaucoup d’humour et une bonne dose de sincérité. Il pointe juste les tares comme les bonheurs, il étale les faits dans le sens du vrai, il brosse des portraits et refait vivre des situations. Et la lecture s’opère aisément, avec de l’allégresse, tellement le style de Hassan Naraiss a cette particularité d’imaginer des tournures de phrases plaisantes et de décocher des flèches langagières bienvenues. En sachant utiliser notre darija à bon escient. Car il s’agit avant tout de bonne littérature.

L’auteur nous donne à lire une biographie cinéphilique autour d’un magma de personnes et de festivals.  Le cinéma se fait dans les festivals. C’est le propre de cet art. C’est là où naît une bonne partie des idées qui font des films, qui font éclore des réalisateurs, et qui font jaillir des événements culturels. Là où se noue et se dénoue des amitiés et des complicités bienheureuses. Hassan raconte en s’aidant de moult détails son entrée dans le cinéma via ces moments de rassemblement uniques et chargés de renseignements. Entre le froid de Tanger et de Martil et la chaleur de Marrakech, Khouribga et Agadir, en passant par Salé. Des villes où s’organisent certains des meilleurs festivals du Maroc.

Or le commencement ne présageait pas ce destin tracé tout au long des pages. Natif du quartier mythique de Hay Mohammadi, ex carrières centrales, il grandit nonchalamment, comme tous les gosses de Casablanca. Il prend par la suite conscience de ce qui l’entourait petit à petit. Notamment que ce vaste Hay tant vénéré, abritait au-dessous des maisons une prison de triste mémoire : celle de derb moulay chrif où croupissaient des prisonniers politiques. Étant d’une nature sensible et portée sur le culturel sous toutes ses formes, il sera marqué à jamais. Il devient rebelle à toute forme d’oppression et embrasse les idéaux de liberté. Par bonheur, cette marque trouvera tout son épanchement durant quinze années passées à Paris. Entre études à la Sorbonne, rencontres avec les noms qui comptent et flâneries de toutes sortes, il se forge cette plume qui est la sienne. Ses articles taclent la laideur, écorchent l’hypocrisie, célèbrent la création. De même, il devient une adresse parisienne pour les écrivains et les artistes marocains. Bon nombre d’entre eux oublieront sa main tendue comme un pont sur la Seine.

Toutefois, une fois de retour au pays, cette expérience l’assiste pleinement pour affiner ses interventions écrites dans l’un des plus grands quotidiens arabophones du Maroc. Des articles qui pointent sa présence dans ce cinéma cité ci-haut. Cela commence en 1995 avec la quatrième édition du festival national du film à Tanger. Une édition qui scelle ses retrouvailles avec un grand parmi les justes, l’écrivain Mohammed Choukri, qu’il avait accompagné durant un séjour parisien. Un épisode que Hassan narre avec brio et franchise.

Ainsi celui qui a débarqué avec une promesse d’accueil non tenue, fera fi de ce désagrément, va se tailler une place, il met la plume dans le plat et petit à petit on le reconnaîtra. Et on en apprend de plus belles sur l’évolution de notre cinéma par ceux qui le font et le défont par la même occasion. Car l’auteur est au-devant de la scène. Tour à tour membre de jurys, membre de la commission d’aide devenue l’avance sur recette, consultant et ami de beaucoup de noms qui comptent. Ses relations, amicales ou conflictuelles pour un moment, traversent le livre de bout en bout. Cela lui offre l’occasion de brosser des portraits criant de vérité. Du coup, on assiste à un récit qui voit passer des gens et défiler des événements.

On n’oubliera pas de sitôt celui qu’il esquisse à propos du regretté Mohammed Maziane, un écorché vif, cultivé et homme de cinéma. Ni ceux où il rend de braves hommages aux disparus. On se fait une idée générale sur l’évolution de notre cinéma. Certes positive mais semée de quelques embûches qu’il n’hésite pas à montrer. De ce fait, le livre peut se lire comme un document plein d’informations et d’enseignements. De même, on peut y glaner de petites histoires révélant la marche de vie de l’auteur, de cinéastes et de critiques au gré d’un fait notable ou d’un autre. Celles relatives au festival international de Marrakech ou avec le critique Noureddine Sail, l’ancien directeur du centre cinématographique marocain, sont édifiantes à ce sujet.

L’auteur ne s’épargne guère. En écrivant ce livre, il est clair qu’il veut rendre compte de ce qu’il a vécu et donner sa version, mais comme homme de plume engagé à exprimer ce qu’il est et ce qu’il pense, librement. Et c’est un joli défi littéraire. On lui sait gré de l’avoir entrepris.

À lire impérativement.

M’barek Housni

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