Entre promotion dans les discours et décrépitude dans la réalité

L’épidémie provoquée par le coronavirus a suscité un débat sur la recherche scientifique dans notre beau pays. Pour se limiter au plus significatif ; le Chef du Gouvernement, dans sa déclaration au parlement afin d’annoncer la prolongation du confinement de trois semaines, a abordé le sujet. L’occasion s’y prêtait dans le cadre de son discours grandiloquent sur la covid-19 et ses conséquences.

Au fait, un appel d’offres a été lancé conjointement par le Département de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MENFPESRS) et par le Centre National de la Recherche Scientifique et Technique pour soutenir la recherche multidisciplinaire dans les domaines en relation avec la pandémie actuelle. Avec un budget de dix millions de dirhams, les projets retenus et financés s’étaleront sur une durée de six mois à une année. Sur les 200 projets soumis, 53 ont été retenus pour financement. L’application de la division euclidienne fera que chaque équipe, multidisciplinaire constituée au niveau d’un pôle régional, bénéficiera de188 680 dirhams ; soit de quoi se pourvoir en «fongibles» et autres besoins de maintenance.

Antérieurement à cette conjoncture, le diagnostic de l’existant est archi connu depuis longtemps. Il est certain que depuis l’indépendance à nos jours, les efforts consentis ont doté notre beau pays d’opérateurs et de structures dans le domaine de la recherche scientifique ; beaucoup plus en relation avec l’enseignement supérieur qu’avec les autres secteurs productifs de l’économie nationale.

D’ailleurs, cette dernière ne les sollicite pas; et il est plus courant de faire appel aux bureaux de consultants pour telle étude ou telle autre, sans que les opérateurs et les structures nationaux ne soient sollicités. Toute une chaîne opératoire qui mérite l’investigation pour comprendre le networking du consulting.

Au début de l’alternance consensuelle, un essor  va s’accomplir dans les différents aspects de la recherche scientifique nationale. Mais cela ne durera pas!

L’objectif de consacrer 1% du produit intérieur brut (PIB) national à la recherche scientifique et technique, atteint en 2003,  ne semble pas être reconduit depuis quelques années. Entre 0.34% en 2016 et 0,8% en 2017, il montre à l’évidence que la recherche scientifique est loin d’être une priorité nationale ou qu’elle bénéficie d’une préséance dans le cadre des modalités de développement appliquées par les divers gouvernements après 2004. Les chiffres sont plus significatifs et plus probants que les discours de circonstance.

Les ruptures ayant marquées la politique nationale de recherche sont tectoniques. Elles sont en relation avec des choix qui considèrent que le développement ne peut venir que de l’extérieur et qui privilégient «le marché, la propriété privée, et une grande ouverture au commerce extérieur et à l’investissement étranger».  De ce fait, la marginalisation est extrême pour ce qui est autochtone. Ainsi ; la démotivation de la plus grande majorité des opérateurs de la recherche scientifique ne faisait que grandir alors que le structures devenaient désuètes, non actives et s’éparpillaient encore plus.

Entre-temps, le classement mondial du Maroc a connu un recul remarquable. Boosté en force grâce notamment aux travaux des enseignants chercheurs pour assurer leurs carrières ; cette motivation disparue, notre beau pays ne peut plus prétendre à des places de choix, même au niveau régional.

L’évaluation de la recherche scientifique au Maroc a été entamée sérieusement au début de ce millénaire. Selon ses responsables, «il convient d’en mieux définir et généraliser les méthodes, les outils, comme les indicateurs, la bibliométrie, la scientométrie, ou encore l’indice d’impact»; et, on réfléchit encore  «aux règles communes à instaurer et à suivre, aux langues de publication des travaux». Il apparaît pour celles et ceux qui se préoccupent de la situation de ce secteur que « la priorité devrait être accordée aux moyens divers et variés pour améliorer la recherche nationale et, par la suite, son évaluation appropriée».

Nos gouvernants sont au fait de cette situation ainsi que des recommandations pour la mise en œuvre d’une politique nationale de la recherche scientifique et technique. Les publications à ce sujet sont nombreuses et sont le fait d’institutions respectables qui ne peuvent être taxées d’aucun «isme» négatif. En respectant la chronologie des références éditées, la convergence à ce propos est totale entre le Haut Commissariat au Plan, l’Institut Royal des Etudes Stratégiques, l’Académie Hasan II des Sciences et Techniques, le Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique et la Direction de la Recherche Scientifique et de l’Innovation du MENFPESRS. Reste la volonté pour que l’on passe de la parole à l’action.

La DRSI  avait introduit sa «Stratégie Nationale pour le développement de la recherche scientifique à l’horizon 2025» par une affirmation qui est devenue une évidence avec la covid-19. «Le Système National de Recherche et d’Innovation (SNRI) sera porté par des changements importants, d’ordre politique, économique et idéologique qui découlent de la volonté de modernisation du pays et de sa démocratisation. Les facteurs qu’on retrouve derrière ces changements résultent essentiellement du passage d’une société où la demande sociale occupait le second plan, à une société où la demande sociale prend la place centrale. Ce changement aura des répercutions profondes au niveau de l’activité de la recherche».

Il reste à lever toutes les entraves reconnues qui empêchent le bon déroulement des travaux de recherche et de dégager des mesures fortes de mobilisation et de valorisation des opérateurs nationaux d’ici et d’ailleurs pour améliorer la qualité et l’efficience de la recherche scientifique dans notre beau pays. À terme, la déchéance de l’état actuel de la recherche sera alors effacée par sa  renaissance par l’action et par les discours.

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