Entretien avec l’artiste peintre Slimane Drissi : «quand les traces des murs inspirent»

Slimane Drissi est un jeune artiste peintre souiri. Il fait des murs un sujet de ses nouvelles œuvres. En effet, après une quinzaine d’années dans le style africain avec ses symboles et ses corps, le peintre y trouve sa muse et son inspiration sur les mémoires et les traces des murs.

Al Bayane: Dans vos nouveaux travaux, on constate une transition de ce style africain que vous travaillez depuis des années à l’abstrait, en se basant sur la matière et la trace. Pouvez-vous en dire plus sur ce passage entre les deux styles ?  Est-ce une continuité de votre conception artistique ou une rupture avec l’ancienne technique?

Slimane DrissiSlimane Drissi: J’ai travaillé le style africain depuis des années, plus de 15 ans je vais dire. En fait, c’est un abstrait, mais avec beaucoup de finesse. A un moment donné, je me suis trouvé incapable de produire du nouveau dans ce style. Pour ce passage, je ne voulais pas tomber aussi dans la routine et la répétition. En revanche, c’est un travail qui a été divisé sur trois étapes : le corps, le symbole et la calligraphie africains, mais avec les mêmes matériaux et presque les même couleurs.

En travaillant, je vivais une autre liberté et inspiration et découvrit un autre style.  C’est un renouvellement de l’énergie créative et créatrice de l’artiste. Par ailleurs, il y a trois ans, lors d’une résidence artistique qui a eu lieu à l’IRCAM à Rabat, il y avait des artistes qui ont travaillé sur des styles différents. On a essayé de travailler quelque chose de nouveau par rapport à ce que nous nous sommes habitués à travailler dans nos ateliers.

De mon côté, j’avais choisi les murs et la trace comme objets et sujets de mon travail. Après mon retour, j’ai lancé le nouveau travail. D’ici là, je cherchais de nouvelles matières de travail comme du ciment, de papier ancien, de henné, des objets qui ont des odeurs et qui n’ont peut-être aucune valeur pour à nos yeux.

On y trouve dans votre travail assez de chiffres, de symboles, de traces et de la matière?  Pourquoi ce choix?

Quand on passe auprès d’un mur, les symboles sautent aux yeux. Ils nous interpellent. Le temps s’incarne aussi sur les murs. Il s’y conjugue. Le mur est une mémoire qui se souvient de certains événements. En outre, le mur avale assez de choses qui restent gravées sur sa surface ; il garde une empreinte du temps. Avec le temps, un vieux mur avec ses traces devient une œuvre.

Comment se porte l’artiste peintre souiri?

La ville d’Essaouira a abrité – et jusqu’à ce jour – de grands artistes qui ont marqué le paysage plastique national comme Boujemâa Lakhdar, Benhila, Mohamed Zouzaf, ainsi qu’une nouvelle vague de jeunes artistes qui  ont  commencé depuis une quinzaine d’années  un  travail  sérieux. Le problème de l’artiste souiri qui ne s’expose pas à l’extra-muros d’Essaouira, et qui ne sort pas de la ville et reste enclavé dans la localité.

En d’autres termes, il en maquera de visibilité dans le champ artistique national et international.  Le problème du Maroc est que le marché et les activités sont centrés, notamment, à Casablanca, Rabat et Marrakech.

Qu’est-ce que la ville d’Essaouira vous a apporté en tant qu’artiste peintre?

Essaouira est une ville mystérieuse. Il y a quelque chose d’étrange dans l’âme de cette cité. C’est une ville d’artistes. C’est un grand atelier à ciel ouvert, vu son architecture, les cultures et les civilisations qui ont cohabité dans ce terroir. Ce métissage entre toutes les traces et les composantes : musulmanes, juives, africaines, méditerranéennes, a donné une richesse aux travaux artistiques.

C’est une ville qui abrite chaque année des événements musicaux et artistiques qui, à leur tour, créent une dynamique artistique de la ville. Mogador est une ville également de passagers. En fait, cet échange entre ces gens qui viennent des quatre coins du contient enrichit également les visions.

Vous avez des «tentatives» en écriture, notamment poétique. Comment la force des mots et la musicalité du verbe ont-ils impacté vos travaux?

J’aime lire la poésie, avant même la découverte de la peinture. Ce que nous lisons nous offre des choses sans le savoir. A mon avis, un artiste qui ne lit pas lui serait difficile de concrétiser l’imagination qu’il porte de son projet artistique. L’écriture et la recherche motivent l’artiste. C’est un matériel essentiel.

Un artiste qui vous a marqué?

Antoni Tàpies ! Artiste espagnol, autodidacte, décédé en 2012. Il est parmi les premiers à avoir travaillé sur la thématique des murs. J’aime beaucoup ses travaux.

Un poète et écrivain?

Fernando Pessoa dans la poésie et Anas Rifai, jeune écrivain marocain très talentueux.

Mohamed Nait Youssef

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