Et moi, et moi, et moi …

À défaut de développement collectif à l’échelle nationale, le développement personnel est devenu un objectif pour celles et ceux qui s’interrogent sur la possibilité d’être au top dans une société qui persiste à se présenter en patchwork.

Le coach est devenu un accompagnateur des personnes qui cherchent la réalisation de « success story » à différents niveaux, de l’équilibre personnel et la joie de vivre à l’affrontement du quotidien et de ses affres pour réussir. La victoire du sélecteur national à la dernière coupe du monde de football a ravivé l’intérêt pour le coaching et ses effets. 

L’équation s’est ainsi inversée. Faute de voir le développement humain se réaliser pour l’ensemble de la population, celles et ceux qui ont conscience des potentialités de la société se retirent du projet collectif et s’intéressent à eux-mêmes.

Comme si « le projet de société » n’existe plus ; le développement personnel commence par l’adaptation aux contraintes de l’environnement de vie en les acceptant, voire en s’y soumettant comme des données incontournables. A défaut de lutter pour une vie digne et épanouissante et un avenir meilleur, la lutte pour la survie s’impose et annihile toute mobilisation collective.

Qu’il s’agisse de la variabilité climatique et de la sécheresse qui s’installe, de l’inflation qui n’a plus de freins, ou en général de l’incapacité de l’action gouvernementale à promouvoir un nouveau modèle de développement, après la reconnaissance de la faillite de l’existant à répondre aux aspirations légitimes du peuple marocain et à ses besoins immédiats ; l’intéressé(e) les considère comme étant des « affaires » qui ne le concernent pas ; d’autant plus qu’il (elle) juge qu’elles ne relèvent pas de son arbitre. Un désintérêt traduisant un genre de protectionnisme, voire d’isolationnisme, de la personne pour préserver son confort et le renforcer.

Des changements de comportements, à la recherche de solutions pertinentes pour soi, deviennent des obstacles à l’engagement pour une voie où l’équilibre est établi entre la satisfaction de ses plaisirs immédiats et l’établissement d’un écosystème vertueux pour l’ensemble de la population.

L’aridité croissante du processus de la démocratie représentative, par la pesanteur du nombre sans aucune considération pour les idées et leur pertinence, accentue l’éloignement de la gestion des affaires publiques dont les relents ne sont pas toujours des plus agréables.

Les discours, bourdonnant à travers les médias et les réseaux sociaux, n’arrivent pas à convaincre devant le développement des inégalités sociales et l’approfondissement des disparités spatiales. Les images des familles se chauffant au bois, en ces moments de grand froid, choquent par la réalité des inégalités et la souffrance des individus. Le milieu rural et particulièrement les zones de la montagne restent en marge des réalisations de l’infrastructure et du bienêtre relatif connus ailleurs.

L’abstention devient un « conformisme » auquel on s’habitue au lieu de la participation pour transformer la société, en appréciant les acquis et en agissant pour éliminer les dysfonctionnements.

La nécessité du changement devient une gageure que personne ne veut risquer. Il ne reste que le football pour soulever l’enthousiasme des foules sans se soucier des bases économiques, sociales, politiques et culturelles pour assurer une économie résiliente et émergente, une vie digne et une souveraineté nationale dans une planète mondialisée rongée par une consommation effrénée alors que son empreinte écologique est largement déficitaire.

Cette situation globale où l’insouciance des uns, leur désinvolture et leur détachement des conditions de vie de la plus grande partie de la population, a été déjà chantée par Dutronc au milieu du siècle dernier.

Et moi, et moi, et moi,

J’y pense et puis j’oublie

C’est la vie, c’est la vie

L’humanité, nous compris dans notre beau pays, s’est engouffrée dans le confort personnel ; alors que des bouleversements s’annonçaient à la surface de la Terre. Que de guerres depuis, que de conflits larvés persistent ; sans que le changement de modèle s’effectue pour permettre à l’ensemble de vivre dans la paix et le bienêtre.

L’avènement de 2023 préfigure -t-il le début de la fin du « laisser aller laissez faire » qui ne cesse de favoriser certains dans leurs société d’opulence alors que d’autres souffrent de malnutrition, de misère et de pauvreté.    

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