Exil médical: Une véritable hémorragie


Un rapport britannique vient de révéler des données pour le moins inquiétantes sur l’immigration des médecins et des techniciens de santé marocains. Trop de problèmes, très peu de moyens et des conditions de travail extrêmement difficiles. Pour tout dire, ce n’est guère la joie. Voir ailleurs, aller dans d’autres pays ou les conditions de travail et de développement personnel sont  beaucoup plus stimulantes est aujourd’hui monnaie courante pour de nombreux  praticiens Marocains.

Que fait l’Etat pour retenir ses médecins?

Confrontés au manque de moyens chronique dans le secteur public de la santé, aussi bien dans les établissements de soins de santé de base (ESSB), qu’au niveau des établissements hospitaliers, de nombreux médecins et infirmiers ont depuis  plusieurs années dénoncés les conditions déplorables dans lesquelles ils travaillent.

Parfois, le strict minimum n’est pas disponible pour assurer des soins de qualité, et une prise en charge digne de ce nom.

Ces situations sont vécues au quotidien par de nombreux professionnels, au niveau des urgences, des services de soins intensifs, de chirurgie, de maternité, de néonatalogie, de radiologie, les centres d’hémodialyse, ou de psychiatrie.

Amère réalité

Il ne faut pas croire que c’est là une vue de l’esprit ou des critiques malveillantes, gratuites à l’adresse du secteur de la santé.

Loin s’en faut , car nous savons tous que c’est un secteur social , dont les ressources humaines (médecins- infirmiers…)  sont  mobilisé 24 H/24 H , de jour comme de nuit, les weekend et les jours fériés, afin d’assurer la continuité du service public, mais nous savons aussi que le secteur de la santé dispose de moyens limités, qu’il est impossible de répondre a toutes les demandes de soins, de satisfaire tous les citoyens, c’est la réalité qu’il faut savoir.

Dès lors on comprend mieux ce que peut ressentir, éprouver ce médecin, cette sage femme, ou cet infirmier, qui sont directement confrontés  aux conditions de travail rédhibitoires, voire dangereuses puisqu’en contact direct avec des citoyens mécontents, d’où les agressions, verbales et physiques dont sont souvent victimes les professionnels de santé dans l’exercice de leur fonction.

Dans la foulée, le syndicat indépendant des médecins du secteur public, a saisi l’occasion pour mettre en avant la revendication de revalorisation salariale des médecins. Un bras de fer s’en est suivi, des mouvements de grève sont organisés, des sit-in,  sont devenus chose courante, l’unique recours pour changer la donne.

Débrayages et démissions en série

Face a de telles situations pénalisantes dont souffrent les médecins et infirmiers, nombreux sont celles et ceux qui cherchent à partir ailleurs, des débrayages sont observés depuis plusieurs mois, voire années, par les professionnels de santé, à l’appel des différents syndicats les plus représentatifs du secteur de la santé.

Ces débrayages sont destinés à dénoncer le système de santé catastrophique et garantir aux médecins de meilleures conditions de travail.

Difficile de trouver un terrain d’entente surtout que les revendications sont multiples, il y a lieu de citer, la pénurie de ressources humaines, les conditions de travail, de revalorisation salariale sur la base de l’indice-échelon 509-1 au lieu du 336-1. Le 509-1 permettrait de passer de 8.000 DH à 12.300 DH par mois, les indemnités de gardes ; de responsabilité… Le ministère de la santé ne peut à lui seul satisfaire toutes ces revendications, la situation s’envenime, les médecins partent en guerre contre le ministère de tutelle.

A l’évidence, il n’a jamais été aisé de gérer ce dossier caractérisé par de nombreux problèmes, très peu de moyens et des conditions de travail extrêmement difficiles. Pour tout dire, ce n’est guère la joie.

De nombreux  médecins affilés au syndicat indépendant  vont présenter des demandes de démissions. En 2018, plus de 200 médecins du secteur public avaient annoncé leur démission.

Au mois d’Avril 2019, pas moins de 305 médecins exerçant dans des hôpitaux du nord du Maroc ont annoncé leur démission collective dans une lettre conjointe envoyée au ministère de la santé pour protester contre leurs conditions de travail. La liste des médecins démissionnaires s’allongera davantage alors que le Maroc fait face à une pénurie de médecins.

Un silence accusateur

L’exil de nos médecins vers des pays étrangers (France – Canada, Etats Unis,- Allemagne, Pays du Golf…), n’est pas prêt de s’arrêter , car a ce jour rien de concret n’est entrepris par les décideurs. Le phénomène des départs va en s’accentuant sachant que 8.000 médecins marocains exercent aujourd’hui en France, et de des centaines d’autres travaillent dans d’autres pays.

Il s’agit d’une véritable saignée, à laquelle les responsables et décideurs doivent sérieusement réfléchir et surtout trouver des solutions. L’envie de partir travailler ailleurs, sous d’autres cieux que ce soit la France  le Canada, l’Allemagne, les USA, est devenue une obsession pour certains jeunes médecins.

Il est grand temps de s’interroger sur les motivations de tous ces départs.

Il y a certes de multiples raisons qui justifient le ras le bol des médecins,

Il faut dire que la situation a été caractérisée par une accumulation de problèmes conduisant à une altération progressive du système de santé Marocain, et aujourd’hui on se trouve devant une situation inconfortable, qui demande des solutions urgentes.

Ceci étant dit, il faut insister sur un aspect fondamental, il s’agit les motivations du départ des médecins, qui ne sont pas uniquement d’ordre économiques. En effet, les médecins Marocains qui émigrent sont influencés par la dégradation des conditions de travail, par le manque de moyens tant humains que matériel, et que la faiblesse des salaires  ne justifie pas à elle seule l’exil. Il est très clair, que parmi les revendications qui ont toujours prévalu depuis le déclanchement des manifestations, les médecins ont toujours pointé du doigt l’exercice de leurs activités qui se déroulent souvent dans de  mauvaises conditions. Ce qui a joué un rôle négatif sur leur motivation et leur productivité et les a incité encore plus à quitter le pays, à partir sous d’autres cieux ou la pratique médicale obéie a des exigences scrupuleuses.

Il est grand temps de traiter ce dossier a lucidité car il y va de notre santé a tous , les responsables des différents départements concernés doivent pouvoir mettre en place un système de rémunération équitable  qui correspond au statut social de médecin et à l’investissement physique et moral que ce dernier a aménagé durant toute la durée de ses études.

Le ministère de la santé doit absolument disposer de tous les moyens susceptibles de hisser haut et fort le niveau de notre médecine, l’actuel budget qui est octroyé à ce ministère est un budget de pays sous développé.

16 milliards de DH, dont 70% sont destinés aux salaires des fonctionnaires, et 30 % pour construire des hôpitaux, acheter du matériel, des médicaments, la nourritures des malades, le carburant, les ambulances, l’eau, l’électricité…,

Ceux qui aujourd’hui décident doivent assumer pleinement leurs responsabilités, car la situation est inquiétante, car on est en droit de nous poser la question de savoir : qui nous soignera demain?

Il est essentiel d’avoir présent a l’esprit que la réussite de toute réforme qui cherche a asseoir sur des bases solides son système de santé dépend en grande partie des ressources humaines (médecins – infirmiers…) qui constituent le principal intrant. Des professionnels de santé motivés, en nombre suffisants, disposant des moyens adéquats pour soigner nos citoyens, dans des structures adaptés.

C’est de la performance et du nombre du personnel utilisé, que dépend en majeure partie, la qualité des soins dispensés, et le bon fonctionnement des structures de santé. Le Maroc a tout à gagner en mettant à disposition de tous ces cadres les moyens nécessaires pour qu’ils puissent exceller chacun dans son domaine.

Gouverner, c’est prévoir ! Cet aphorisme d’Émile de Girardin a malheureusement été ignoré par les gestionnaires successifs…

Ouardirhi Abdelaziz

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